Municipales 2026 : Patrick Balkany demande à être relevé de sa peine d’inéligibilité
Le 9 janvier 2023, la Cour d’appel de Paris a condamné Patrick Balkany pour diverses infractions, dont des faits de blanchiment de fraude fiscale aggravé. Elle a ainsi prononcé à son encontre plusieurs peines, parmi lesquelles une peine d’inéligibilité de 10 ans. Cette condamnation est devenue irrévocable après que, le 7 mai 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation formé par l’intéressé contre l’arrêt d’appel. Il demande désormais à la justice de lever prématurément cette sanction pour pouvoir se présenter aux élections municipales de Levallois-Perret en 2026.
Par Stéphane Detraz, Maître de conférences, Université Paris-Saclay, faculté Jean Monnet
Qu’est-ce que la peine d’inéligibilité ?
Pour certaines infractions, la loi prévoit la peine d’« interdiction des droits civiques, civils et de famille » (article 131-26 du Code pénal). Cette interdiction peut porter sur plusieurs éléments, par exemple le droit d’exercer une fonction juridictionnelle, de témoigner en justice ou encore d’être tuteur. Elle peut également porter sur les « droits civiques » que sont le droit de vote et l’« éligibilité ». L’« inéligibilité » est donc la privation de l’éligibilité décidée dans le cadre de la peine d’interdiction en question ; par commodité de langage, l’on parle de « peine d’inéligibilité ».
Elle entraîne l’impossibilité, pour le condamné, de prétendre à un mandat électif public, c’est-à-dire de concourir à des élections telles que les élections municipales, comme dans le cas de Patrick Balkany. En outre, elle emporte interdiction d’exercer une fonction publique, même non élective. Elle est donc particulièrement rigoureuse. L’inéligibilité n’est cependant pas perpétuelle : elle est au maximum de dix ans en cas de condamnation pour crime et de cinq ans en cas de condamnation pour délit. Toutefois, s’il s’agit d’un délit commis par une personne exerçant un mandat électif public (article 131-26-1 du Code pénal) ou du délit de blanchiment de fraude fiscale aggravé (article 1741 du Code général des impôts), la durée est élevée à dix ans. C’est donc cette durée maximale qui était applicable à Patrick Balkany et qui a effectivement été fixée par la cour d’appel, alors que celle-ci aurait pu arrêter une durée moindre.
Comment et quand la peine d’inéligibilité est-elle décidée ?
La peine d’inéligibilité peut être prononcée lorsque la personne poursuivie est déclarée coupable de l’infraction qui lui est reprochée. Elle constitue une « peine complémentaire », qui est en principe infligée en plus des « peines principales » que sont, pour les délits, l’emprisonnement et de l’amende ; tel a été le cas pour Patrick Balkany.
Mais la juridiction n’est pas en principe tenue de condamner l’intéressé à cette sanction : il s’agit normalement d’une peine complémentaire « facultative », qui peut donc ne pas être prononcée, et ce, sans que le juge ait à s’en justifier. Si, au contraire, celui-ci la prononce, il doit motiver sa décision en ce sens au regard des circonstances de l’infraction ainsi que de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de l’intéressé (article 485-1 du Code de procédure pénale).
Cependant, par exception, l’article 131-26-2 du Code pénal rend spécifiquement l’« inéligibilité » obligatoire en cas de condamnation pour certaines infractions ; mais le blanchiment de fraude fiscale n’en fait pas partie. En revanche, la peine globale d’« interdiction des droits civiques, civils et de famille » est érigée en peine complémentaire obligatoire en matière de blanchiment de fraude fiscale aggravé (article 1741 du Code général des impôts), qui est précisément l’infraction imputée à Patrick Balkany. Toutefois, même dans ce cas, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas l’appliquer, en s’en expliquant compte tenu des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur (clémence qui n’a pas été accordée en l’occurrence).
Peut-on échapper à la peine d’inéligibilité ?
Ainsi qu’il vient d’être dit, le condamné peut, lors du jugement, échapper à la peine d’inéligibilité lorsqu’elle est facultative (il suffit que le juge ne la prononce pas) ou même lorsqu’elle est obligatoire (si le juge décide spécialement de l’évincer). Une fois la peine d’inéligibilité infligée par décision définitive, le condamné a encore la possibilité d’en obtenir la cessation anticipée par plusieurs moyens. Tout particulièrement, il lui est possible de solliciter un « relèvement », dit dans ce cas « différé », car destiné à intervenir quelque temps après que la condamnation a été prononcée (articles 702-1 et suivants du Code de procédure pénale). C’est de cette procédure que Patrick Balkany, définitivement condamné, entend se servir.
Dans ce cas, la demande de relèvement est portée à la connaissance de la juridiction qui a infligé la peine, mais ne peut être formulée qu’à l’issue d’un délai de six mois à compter de la décision de condamnation. Elle est tout d’abord examinée par le ministère public, qui s’entoure de tous les renseignements utiles (y compris de la part du juge de l’application des peines) puis rend ses conclusions, après quoi elle est transmise à la juridiction compétente, laquelle entend le requérant ou son conseil avant de statuer. La loi n’impose aux juges aucun critère d’appréciation, ce qui leur donne une grande liberté pour accepter ou refuser de relever le condamné de la peine. Il leur est par exemple permis de tenir compte de la manière dont les autres peines ont été exécutées et, plus largement, de la conduite de la personne concernée depuis sa condamnation, de même que de son état de santé, de sa situation familiale, de son âge ou encore de sa situation professionnelle.
Ils peuvent in fine faire entièrement droit à la requête de l’intéressé, auquel cas ce dernier recouvre pleinement son éligibilité. Il leur est également permis d’accorder un relèvement partiel, consistant notamment à réduire la durée de la peine. S’il y a refus, une nouvelle demande est possible, à charge d’attendre de nouveau six mois à compter de cette décision. Patrick Balkany a donc a priori tout intérêt à présenter une demande de relèvement au plus tôt, afin de pouvoir en présenter une nouvelle en cas de refus. Cependant, la juridiction n’y sera sensible que si le condamné présente des gages et des arguments de nature à justifier la faveur qu’il réclame.