Une nouvelle session extraordinaire du Parlement …. Comment ça marche ?
À partir du 1er juillet, le Parlement est convoqué en session extraordinaire avec, à l’ordre du jour, l’examen ou la poursuite de l’examen d’une vingtaine de textes (5 projets de loi, 16 propositions de loi).
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Par Damien Connil, Chargé de recherche CNRS, Université de Pau (UMR DICE-IE2IA)
Qu’est-ce qu’une session extraordinaire ?
La session parlementaire est la période au cours de laquelle le Parlement peut se réunir en séances plénières. Depuis 1995, la Constitution prévoit que « Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin » (art. 28 de la Constitution). Cependant, et au-delà, le Parlement peut aussi être « réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé » (art. 29 de la Constitution). Sans compter les sessions ou réunions de droit en cas de renouvellement de l’Assemblée nationale après une dissolution si la réunion doit avoir lieu en dehors des périodes de session ordinaire (art. 12 de la Constitution), en cas de recours, par le Président de la République, aux pouvoirs exceptionnels (art. 16 de la Constitution) ou en cas de message au Parlement réuni en Congrès, hors session (art. 18 de la Constitution).
Depuis 2017, des sessions extraordinaires ont systématiquement étaient convoquées, encadrant en juillet et septembre les sessions ordinaires et allongeant ainsi, en général d’un mois environ, le calendrier parlementaire. Deux exceptions seulement sont à noter. La première, en septembre 2022 où cela devait alors, après une telle session en juillet, être la manifestation, pour le ministère des relations avec le Parlement, d’« une nouvelle méthode de compromis et de dialogue ». La seconde, en septembre 2024, après une session de droit en juillet consécutivement à la dissolution et au renouvellement de l’Assemblée nationale. Plusieurs groupes politiques ainsi que la Présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, s’étaient alors exprimés en faveur d’une convocation du Parlement tandis que le Premier ministre, Michel Barnier, formait le gouvernement.
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La pratique des sessions extraordinaires est cependant plus ancienne. On en compte désormais plus d’une centaine depuis le début de la Ve République.
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Comment les sessions extraordinaires sont-elles convoquées ?
En application de l’article 30 de la Constitution, « Hors les cas dans lesquels le Parlement se réunit de plein droit, les sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par décret du Président de la République ». L’article 29 précité, disposant, quant à lui, que la demande peut émaner du « Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé ».
Trois éléments sont à observer.
Primo, ces sessions ont dans l’immense majorité des cas été réunies à l’initiative du Premier ministre. Très rares sont les hypothèses dans lesquelles la demande émanait d’une majorité des membres de l’Assemblée.
Secundo, la pratique des sessions extraordinaires en a fait un pouvoir discrétionnaire du Président de la République : en 1960, lorsque le Président de Gaulle refusa de faire droit à la demande d’une majorité de membres de l’Assemblée nationale ; en 1979, quand le Président Giscard d’Estaing répondit favorablement tout en soulignant dans une lettre au Président de l’Assemblée nationale que les circonstances de la demande aurait pu le conduire à ne pas y faire droit, estimant que « si la lettre de l’article 29 de la Constitution paraît respectée, il n’en est pas de même de son esprit » ; en période de cohabitation aussi, lorsque le Président Mitterrand refusa l’ouverture d’une session souhaitée par le Premier ministre (1987) ou demanda qu’un texte envisagé à l’ordre du jour en fût retiré (1993).
Tertio, la session extraordinaire ne peut être convoquée que sur un ordre du jour déterminé. Le Règlement de l’Assemblée nationale en prend acte. Son article 48 prévoit que « sous réserve des dispositions de l’article 29, alinéa 1, et de l’article 48, alinéas 2 et 3, de la Constitution, l’Assemblée fixe son ordre du jour sur proposition de la Conférence des présidents ». Autrement dit, si l’ordre de jour est déterminé par l’Assemblée sur proposition de la Conférence des présidents au cours des sessions ordinaires, il n’en est pas de même pour l’ordre du jour des sessions extraordinaires que le décret présidentiel de convocation détaille. À cet égard, il faut encore remarquer qu’au moins une séance par semaine doit être réservée aux questions au Gouvernement. Le Conseil constitutionnel l’avait rappelé dans sa décision n°2012-654 DC du 9 août 2012, en application du dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision de 2008 (« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement »).
Quels sont les enjeux de la session extraordinaire à venir ?
Le décret du 11 juin 2025 portant convocation du Parlement prévoit que l’ordre du jour comprendra « l’examen ou la poursuite de l’examen » de 5 projets de loi (parmi lesquels le projets de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte ou le projet de loi de simplification de la vie économique) et 16 propositions de loi (dont le texte relatif à la réforme de l’audiovisuel public, le texte portant création d’un statut de l’élu local, le texte sur l’homicide routier ou le travail le 1er mai comme les textes portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers ou visant à réformer le mode d’élection des conseils de Paris, Lyon et Marseille).
La session à venir, à compter du 1er juillet, sera surtout encadrée par deux questions particulièrement sensibles : celle des retraites après la conclusion du « conclave » et celle du budget pour l’année 2026 dont les orientations devraient se dessiner. Au surplus, une autre session extraordinaire semble être envisagée par le Gouvernement au mois de septembre avec la perspective, le cas échéant, d’examiner alors un texte consacré au scrutin proportionnel. Un renouvellement du Bureau de l’Assemblée nationale interviendra également au début de cet automne.
Du point de vue du Parlement, la question des sessions extraordinaires est celle du temps parlementaire. Du 1er octobre 2024 au 1er juin 2025, l’Assemblée nationale a connu 104 jours de séances, soit près de 819 h, au cours desquels 55% du temps a été consacré à l’activité législative. Au Sénat, sur la même période, on compte 94 jours de séances correspondant à près de 664 h, pour 80% de travail législatif (incluant les textes budgétaires qui représentent environ 35% du temps total). Ce qui a conduit à l’adoption de 19 PJL et 29 ou 30 PPL à l’Assemblée nationale et au Sénat. Tout cela, sans compter l’activité des organes des assemblées, et notamment des commissions (permanentes, spéciales, d’enquête). La presse s’était largement fait l’écho, au mois d’avril, d’une forme d’« embouteillage parlementaire ».
En 2021, alors à la tête de la commission des lois, la Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet avait proposé une réforme : la suppression des sessions extraordinaires au profit d’une session ordinaire unique, plus longue : du 15 septembre au 30 juillet, pour « un rythme de travail régulier et homogène durant lequel le Parlement disposerait de la plénitude de ses pouvoirs et serait en mesure de mieux organiser son activité » (Plaidoyer pour un Parlement renforcé, Fondation Jean Jaurès, 2021, p. 7-10).