Par Jean-Pierre Camby , Professeur associé à l’université de Versailles Saint Quentin  

La dissolution du 9 juin s’inscrit-elle dans la logique institutionnelle  ?

La Ve République est fondée sur un objectif principal et simple : assurer une stabilité à l’exécutif notamment, mais pas seulement,  en confiant à un chef de l’Etat « placé au-dessus des partis », tel que décrit dans le discours de Bayeux du 16 juin 1946 les pouvoirs d’un  arbitre suprême du « fonctionnement régulier » des pouvoirs publics. Les relations entre gouvernement et Parlement sont conçues pour des cas où il n’y a pas de majorité disciplinée et l’apparition du phénomène majoritaire l’a fait oublier, notamment en 2008 où en particulier  l’usage de l’article 49 alinéa 3 a été limité ratione temporis. Parmi les pouvoirs rénovés qu’exerce le Président se trouve le droit de dissoudre l’Assemblée nationale.

Ce droit de dissolution n’existait-il pas avant 1958 ?

L’exercice de ce droit a toujours été une prérogative du chef de l’État, sauf en 1848 où l’impossibilité de dissoudre a conduit au coup d’État du 2 décembre 1851. Sous la IIIe République, l’accord du Sénat était nécessaire. Sous la IVe République, deux mises en minorité du gouvernement par l’Assemblée dans un délai de 18 mois étaient requises pour que la dissolution soit possible. Ces conditions, mais aussi la dévalorisation de la fonction présidentielle, expliquent la rareté de la mise en œuvre de la dissolution sous les régimes précédents : après le 16 mai 1877 et la tentative ratée de Mac Mahon, nul Président n’ose revenir sur la « constitution Grévy », qui marque l’abandon de la dissolution sous la IIIe République. Les conditions restrictives posées par les articles 49 et 50 de la Constitution du 27 octobre 1946 ne sont réunies qu’une fois, permettant la dissolution du 2 décembre 1955.

En quoi la 5ème République modifie-t-elle cette logique ?

Tout change avec l’article 12 de l’actuelle Constitution : sans le contreseing du Premier ministre et de ministres chargés de l’exécution de cette décision, le Président de la République est seul maitre de la dissolution. Les cinq premières dissolutions qui ont eu lieu le 9 octobre 1962, le 30 mai 1968, les 22 mai 1981 et 14 mai 1988, et enfin le 21 avril 1997 témoignent du fait que le Président décide seul. Il doit seulement consulter Premier ministre et présidents des assemblées , et on a pu voir à quel point ces consultations, le 9 juin dernier, étaient réduites à leur plus simple expression. On sait que seule celle de 1968 fut imposée par un Premier ministre soucieux de sortir de la crise de mai : « Pompidou insiste pour introduire une modification : l’annonce d’une dissolution de l’Assemblée nationale et de l’organisation de nouvelles élections . De Gaulle est sceptique mais Pompidou menaçant de démissionner, il accepte. Les archives de De Gaulle contiennent la version dactylographiée du discours dans laquelle la phrase « je ne dissoudrai pas en ce moment le Parlement qui n’a pas voté la censure » a été rayée et remplacée à la main par le général par cette phrase : « je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale » ( Julian Jackson  De Gaulle points Seuil 2019 p. 1162 ). Toutes les autres ont été voulues par le chef de l’Etat soit pour sortir d’une crise institutionnelle , en 1962, soit pour chercher une cohérence des majorités pendant la durée respective d’un septennat et d’un quinquennat. 2024 échappe à cette logique : provoquée par un motif politique conjoncturel, elle plonge les institutions dans une  crise sans précédent.   

Le président de la République est donc absolument libre de dissoudre l’Assemblée nationale ?

C’est effectivement un acte totalement discrétionnaire.  Ni le juge administratif  ( Conseil d’Etat Allain, 20 février 1989 n° 98538) ni le Conseil constitutionnel (13 juillet 1988 Rosny Minvielle de Guilhem de Lataillade n° 88-6 ELEC et 10 juillet 1997 Abraham n° 97-14 ELEC) ne sont compétents pour apprécier le décret de dissolution.  Ce que le Conseil vient de confirmer ( 26 juin 2024 n° 2024-42 ELEC Grava, Lesieur, Julien et autres).  

Le Conseil constitutionnel serait cependant amené à faire respecter a priori  – car il accepte de contrôler l’organisation générale de la convocation de électeurs ( Delmas 11 juin 1981  n° 81-1 ELEC Bernard, du 16 avril 1982, n° 82-2 ELEC, ou 20 juin 2024  Taomi , Soufron, Fourmont, Mackowiak et autres  n° 2024-32  ELEC  ) le fait qu’après une  dissolution « il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections ». Le Président engage le pays pour un an au moins et c’est une sorte de mise en jeu de sa « responsabilité envers la France » comme l’écrit Mac Mahon dans sa lettre à Jules Simon le 16 mai 1877 et comme les faits l’ont démontré, conduisant deux ans plus tard à sa démission le 30 janvier 1879. Nul ne peut cependant prévoir, dans le cas où un nouveau Président serait élu pendant ce délai, si cette interdiction lui serait imposée. Faudra il alors privilégier la lettre claire de l’article 12 de la Constitution ou considérer qu’un Président nouvellement élu n’est pas héritier de la situation provoquée par son prédécesseur ?  

Les résultats électoraux des 30 juin et 7 juillet permettent-ils  d’espérer un gouvernement stable ?

En 1997, Jacques Chirac perd la majorité : 319 sièges reviennent à la gauche unie, dont 250 pour le groupe socialiste, et la France entre dans sa plus longue période de cohabitation, provoquée par le Président qui n’a d’autre choix que d’appeler Lionel Jospin, leader du parti vainqueur en voix, en sièges et disposant de la majorité absolue. La situation aujourd’hui est toute différente. La dissolution a alors acquis une réputation de porte malheur. Les meilleurs auteurs pensaient, à la suite de cet échec politique, que son usage était définitivement condamné. Rompant ces jugements, la dissolution du 9 juin dernier conduit pourtant à un nouvel échec politique, aux conséquences imprévisibles. La stabilité des gouvernements, grand acquis de la Ve République, déjà fortement mise à mal, constitutionnellement depuis 2008, et politiquement depuis 2017 et plus encore depuis qu’en 2024 la majorité est relative, s’en ressent nécessairement. À la différence des cinq dissolutions précédentes, le résultat ne dégage pas une majorité et une opposition mais une tripartition entre le RN et ses alliés avec environ 145 sièges, un bloc central aux contours flous qui compte 230 sièges en incluant une soixantaine de Républicains et un Nouveau Front Populaire, accord électoral comme l’était la NUPES, qui représente un peu moins de 200 sièges, en comptant une vingtaine de députés « divers gauche », et dont la composante numériquement majoritaire, la France insoumise, pourrait perdre quelques sièges et s’établir à environ 75 députés. Les chiffres ne seront certains que lorsque les groupes seront constitués. En toute hypothèse, ils conduisent à une mouvance gouvernementale composite mais contrainte à s’entendre, ou à l’impossibilité de composer un gouvernement à la merci d’un vote uni des oppositions.

Comment peut-on expliquer cette situation ?

 La trajectoire décrite par deux corps dans l’espace  est stable et a pu être déterminée précisément en 1687 par Isaac Newton et on peut la comparer à l’attraction – ou à la répulsion – d’une majorité et d’une opposition. Mais il  a buté sur le problème de trois corps livrés à leurs seules influences mutuelles. Cette interaction défie toujours  la science moderne : les évolutions de trois corps sont chaotiques (V. le Figaro 9 juillet 2024, co écrit avec JE Schoettl). Constituées grâce au  mode de scrutin et par  la réduction du nombre de triangulaires (ou de quadrangulaires), ramenées de 311 au soir du 30 juin à 91 au second tour, du fait d’alliances parfois contre nature, les mouvances de gauche et du centre ne sont pas homogènes. Enfin, on ne peut que constater, pour ces mêmes raisons, une distorsion entre les votes qui au première tour placent le RN et ses alliés en tête avec 34% des voix et les sièges finalement attribués qui placent en tête le Nouveau Front Populaire avec 198 sièges. Cela n’impose aucun nom de Premier ministre.

Le Président est donc libre de choisir le Premier ministre dans le bloc de son choix ?

Le gouvernement doit être le reflet imparfait de cette configuration imparfaite. Contrairement aux revendications politiques qui s’expriment fortement, il est clair que le Président sauf en période de cohabitation dispose d’un choix du Premier ministre, qui ne lui est pas dicté par un  parti ou un groupe politique. C’est même une des particularités françaises depuis longtemps relevée ( Jean-Claude Colliard, les régimes parlementaires contemporains, FNSP, 1978 ; Pierre Avril Les conventions de la Constitution, PUF 1997) . S’il doit bien sûr tenir compte de la configuration politique de l’Assemblée, le Président exerce un choix, qui s’exprime fréquemment aussi, contrairement à la lettre de l’article 8 de la Constitution, sur le choix des ministres qu’il doit nommer « sur proposition du Premier ministre ». Or la configuration actuelle n’impose aucun choix clair. Comme les électeurs , conduits à voter « contre » plutôt que « pour », la composition du gouvernement se construit « contre » les extrêmes plutôt que sur un  socle politique ou idéologique partagé. La stabilité de la future coalition est donc des plus précaires.

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Les 17 membres du gouvernement démissionnaire pourront-ils voter jeudi à l’Assemblée nationale ? Une telle hypothèse a en effet suscité l’étonnement de certains commentateurs.

L’étroitesse des majorités conduit à ne pas pouvoir se passer de leurs votes pour la Présidence de l’Assemblée et les autres postes. Or l’article LO 153 du code électoral, mettant en application l’incompatibilité prévue à l’article 23 de la Constitution, entre la détention d’un portefeuille ministériel et un mandat parlementaire, prévoit que l’incompatibilité prend effet au bout d’un mois, mais aussi et surtout que pendant ce délai les intéressés ne peuvent voter. Ce délai a été pensé en référence à la fragilité des alliances qui, sous la IVe République, duraient souvent moins d’un mois et à la chute fréquente des gouvernements. D’ailleurs,  le dernier alinéa de cet article indique que « l’incompatibilité ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire avant l’expiration dudit délai ». En cas de majorités étroites, pour permettre aux intéressés de participer aux votes, le gouvernement démissionne avant l’ouverture de la session. Tel fut par exemple le cas du troisième gouvernement Pompidou (avril 1967) et du premier gouvernement Rocard, qui démissionna le 22 juin 1988 pour permettre l’élection de Laurent Fabius au perchoir le lendemain, démission immédiatement suivie de la constitution d’un nouveau gouvernement, avec le même Premier ministre. Entendons une démission effective, acceptée par décret, et non une simple évocation refusée. Une interprétation selon laquelle est « démissionnaire » même celui qui a présenté sa démission, non encore acceptée,  serait en effet très peu juridique et permettrait de contourner aisément l’incompatibilité. Le décret, pour être opératoire doit intervenir avant jeudi et, à partir de cette date, les membres du gouvernement Attal élus députés pourront siéger à l’Assemblée tout en continuant à expédier les affaires courantes au sein du gouvernement démissionnaire tant que ce dernier n’aura pas été remplacé.

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Les membres du gouvernement peuvent-ils être élus Président de commission,  Questeur,  secrétaires du Bureau,  ou à d’autres fonctions au sein de l’Assemblée ?

A supposer le gouvernement démissionnaire le 18 juillet, la réponse est positive même si la question (contrairement à celle de leur participation à l’élection du Président de l’Assemblée nationale) semble inédite. Il est baroque, et inédit de voir le Premier ministre en exercice briguer la présidence d’un groupe, mais s’il est démissionnaire rien ne l’empêche, alors qu’il est toujours membre du gouvernement sortant, d’occuper de telles fonctions parlementaires pour tenter de construire un compromis, lui aussi inédit. Il faut bien pouvoir nouer un dialogue entre un futur gouvernement et une future coalition majoritaire. Une des difficultés posées par la configuration politique de l’Assemblée n’est-elle pas d’identifier les acteurs d’un dialogue, alors que l’on identifie  les acteurs des oppositions à un compromis central ? Politiquement incertain , un  accord de gouvernement ne peut se faire que par une conjonction de contraires. On ne peut reprocher à Gabriel Attal d’en être charnière en occupant les deux postes à la fois. Mais la critique politique ne lui sera pas épargnée. Une configuration où les mêmes personnes font à la fois partie de l’exécutif (certes chargé uniquement d’expédier les affaires courantes) et du législatif (notamment chargé…de contrôler l’exécutif) sera évidemment discutée.      

Combien de temps peut durer un gouvernement transitoire chargé d’expédier les affaires courantes ?

Il n’y a pas de limite, car il n’y a pas d’organisation constitutionnelle de l’intérim d’un gouvernement, ni de définition de la notion d’affaires courantes, notion de droit administratif qui correspond à une tradition républicaine reconnue par la jurisprudence ( CE  Ass., 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, n° 8615, et 19 octobre 1962 Brocas, concl. Bernard RDP 1962 1181 note de Laubadère AJDA 1961 p. 612). Les fonctions d’un ministre cessent à compter de la nomination du successeur ( CE 17 mars 1999, Boulay, n° 189769 ). La notion ne porte ainsi que sur les limites temporelles d’une compétence, en cas de démission de l’autorité en cause (Conseil d’Etat 20 janvier 1988, 62900, Commune de Lalande de Pomerol n°62900, concl. Massot). Dans sa lettre aux Français Emmanuel Macron indique vouloir « laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun. D’ici là, le Gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes, comme le veut la tradition républicaine ». Mais il n’y a aucun délai fixé par une telle « tradition » , comme il en existe pour le cas de vacance du mandat présidentiel et la catégorie n’est pas matériellement définie, mais elle s’étend aux nominations.

En 1962, après le vote de la motion de censure, le général de Gaulle a reçu la démission du Premier ministre,  Georges Pompidou le 5 octobre 1962. Mais il lui a demandé de continuer d’assurer ses fonctions. La démission fut formellement différée, puisqu’elle ne fut acceptée que par décret du 28 novembre 1962. Ce long délai s’explique par la dissolution du 9 octobre : il n’y avait plus d’assemblée. Pour autant le Conseil d’Etat a jugé que le gouvernement était démissionnaire dès la date à laquelle il avait été renversé et expédiait ainsi les affaires courantes à compter de cette motion de censure (CE, Sect., 22 avril 1966, n°59340). On ne saurait donc confondre cette hypothèse avec la situation actuelle où le gouvernement n’a pas été renversé et où il n’expédiera les affaires courantes qu’à compter de la date à laquelle le Président de la République acceptera sa démission.

Doit-on comprendre que ce gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes pourrait se prolonger pendant des mois ?

Le précédent de 1962 illustre qu’un gouvernement démissionnaire peut rester en fonction de longues semaines. Tel pourrait ainsi être le cas au-delà de la clôture de la session de plein droit, pendant les Jeux olympiques et Paralympiques voire jusqu’à la prochaine rentrée parlementaire. Sauf session extraordinaire, improbable même si elle pourrait être demandée par une majorité des membres composant l’Assemblée nationale, – il n’y a qu’un précédent en ce sens en 1979- le président et le gouvernement, fût-il de nouveau constitué,  peuvent en effet attendre à l’extrême limite jusqu’à la rentrée parlementaire, soit le premier jour ouvrable d’octobre. Il est par contre à peu près certain que le gouvernement affronterait alors le débat d’une motion de censure, au moment où s’ouvrira la période budgétaire, si la question n’était pas réglée à cette date.

Si la session extraordinaire laisse apparaître que c’est politiquement jouable, le Chef de l’ Etat , passé le 2 août, pourrait aussi nommer un nouveau gouvernement qui se préparerait mieux aux chocs probables de la rentrée.  

Il est en toute hypothèse aberrant dans ce contexte de parler de possibilité de recours à l’état d’urgence ou à l’article 16 de la Constitution pendant cette période : ces procédures ne sont ni motivées ni adaptées pour résoudre une  crise politique, fut elle durable et complexe.

Seule la situation d’un Etat sans autorisation parlementaire budgétaire au 31 décembre poserait le problème de  « la continuité de la vie nationale » (Conseil constitutionnel 30 décembre 1979, n° 79-111 DC). Nous n’en sommes heureusement pas là !    

Quid de la répartition des députés entre majorité et opposition ? Comment élire dans ces conditions le président de la commission des finances et le questeur « d’opposition » ?

La notion de groupe d’opposition est apparue dans la Constitution avec la révision du 23 juillet 2008, mais, en 2007 les deux candidats à l’élection présidentielle, d’accord,  avaient alors indiqué que la Présidence de la commission des finances reviendrait désormais à l’opposition. En 2009, l’ article 39 du règlement de l’Assemblée a été adopté en conséquence : « ne peut être élu à la présidence de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition ».  Ce texte ne vise pas le groupe d’opposition numériquement le plus important, mais la tradition est en ce sens, même si un vote différent a permis en juin 2022  à Éric Coquerel d’y être élu, à la faveur des abstentions, vote confirmé l’ année suivante. En 2017, le Règlement a, de même, été modifié pour prévoir ( article 10 alinéa 7 )  que « l’un des postes de questeur est réservé à un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition » . Ici aussi le texte n’indique pas en cas d’ oppositions plurielles et adverses, laquelle doit l’ emporter. En outre les ralliements ne se répercutent pas nécessairement immédiatement sur un poste, comme le montre l’attribution d’un poste de questeur à Thierry Solère jusqu’en novembre 2017. Tout ceci peut être négocié le 18 juillet entre les groupes dont on connaîtra alors précisément les contours, mais aussi les stratégies. Le probable émiettement, favorisé par le fait que le seuil pour constituer un groupe a été progressivement abaissé à quinze députés, et la polarisation des extrêmes, risque de constituer un obstacle supplémentaire à une négociation.  

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Que fait-on pendant les 15 jours de session prévues par l’article 12 C ? Que peut-on mettre à l’ODJ ?

L’assemblée n’est pas convoquée par décret présidentiel mais se réunit de plein droit. Le Règlement prévoit après le discours du doyen d’âge,  le vote pour le poste de Président, au scrutin secret, éventuellement à trois tours. Le Président est élu pour la durée de la législature. A la suite de la contestation de 1986, il faut noter que le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’élection du Président de l’Assemblée ( CC 16 avril  1986 n° 86-3 ELEC. ) 

 Le 19 juillet, les députés désigneront les membres du Bureau (six vice-présidents, trois questeurs. et 12 secrétaires). Cette désignation se fait en principe par consensus entre les groupes, au prorata des effectifs, selon une règle de répartition mathématique qui a longtemps été traditionnelle avant d’être codifiée dans le règlement depuis 2017 ( chaque poste est affecté d’un nombre de points, chaque groupe a droit à  un nombre de points fonction de ses effectifs, reste ensuite à attribuer concrètement les postes ) Mais, en cas d’échec de ces répartitions, ici probable, il y aura vote.

Le 20 juillet les groupes répartiront  leurs membres entre les huit commissions permanentes, à la représentation proportionnelle. Le président de chaque commission, et son bureau,  seront ensuite élus par les commissaires. Nul ne peut appartenir à plusieurs commissions. La composition des commissions reflète ainsi celle de l’Assemblée, les non-inscrits n’y jouent qu’un rôle marginal. La composition actuelle de l’Assemblée ne garantit donc pas des présidences de commission homogènes ou toutes favorables au gouvernement, actuel ou futur. Ici encore, il peut y avoir place pour une vaste négociation en fonction des soutiens ou ralliements à une coalition.

L’ordre du jour peut comporter une déclaration de politique générale du gouvernement, peu probable si le gouvernement est démissionnaire, et facultative s’il l’est. La pratique de 1988 ou de 2022 étant, du fait de la majorité relative, de ne pas demander un vote d’approbation. Il est très peu probable qu’une discussion d’un projet ou d’une proposition de loi y trouve place. Mais les oppositions , même désunies et ne participant pas au futur gouvernement ne sont pas privées d ‘armes :  le risque de dépôt d’une motion de censure ne peut être écarté.  Ce dépôt, signé ne varietur par un dixième au moins des députés, est en effet possible, sans réserve textuelle à l’article 49 de la Constitution,  à tout moment, dès lors que l’Assemblée siège. En application de l’article 51 de la Constitution , la date de clôture de la session de plein droit, en principe le 2 août, si on décompte en jours calendaires , serait même retardée, si nécessaire, pour en permettre le débat et le vote jusqu’au  4 août, s’il est besoin de voter sur une motion de censure tardivement déposée, date qui ne correspond ici ni à un « veto » ni à une « abolition de privilèges ». Confronté à la question de savoir si une motion de censure pouvait être déposée en session de plein droit lors de l’application de l’article 16 de la Constitution, le Conseil constitutionnel avait, le 14 septembre 1961, décliné sa compétence ( n° 61-1 Autr) laissant le Président de l’Assemblée décider. Qu’en serait-il eu égard au contexte politique, en session de plein droit, avec un gouvernement démissionnaire, ou nouvellement constitué de manière provisoire ?  

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Quelles conclusions peut-on tirer de cette situation ?

Le plus sage, face aux risques de blocages, notamment budgétaires , qui chargent l’horizon de la rentrée d’octobre, est de laisser le temps de permettre de trouver des compromis, difficiles politiquement car ils doivent rassembler les opposants d’hier, parfois alliés provisoirement ou par défaut lors du deuxième tour, et difficile aussi institutionnellement, car la majorité parlementaire émiettée et précaire de 2024  sera très loin de la majorité présidentielle de 2022. La dissolution met en lumière l’excessive concentration des pouvoirs entre les mains du Président. Cette place institutionnelle, qui n’existe pas dans les démocraties voisines,  rend difficile la recherche de coalitions parlementaires. Peut-être se feront elles donc en dehors du poids de l’Elysée, car c’est bien le Président qui a déclenché cette crise politique, laquelle peut déboucher sur une crise de régime et remettre en cause également la place du Chef de l’Etat. Ici aussi, la dissolution pose plus de questions qu’elle n’en résout.