Démission et nomination d’un Premier ministre : quelles sont les règles ?
Au lendemain de l’adoption de la motion de censure, et conformément à l’article 50 de la Constitution, le Premier ministre a remis la démission de son gouvernement au Président de la République. Emmanuel Macron se trouve désormais dans l'obligation de désigner un nouveau Premier ministre.
Par Anne Levade, Professeure de Droit à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Article publié le 11 juillet 2026, mis à jour le 6 décembre 2024.
Dans quels cas un Premier ministre est-il tenu de présenter sa démission au Président de la République ?
Le Premier ministre n’est constitutionnellement tenu de présenter la démission de son gouvernement que dans l’hypothèse où l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure ou désapprouvé son programme ou sa déclaration de politique générale. C’est expressément prévu par l’article 50 de la Constitution.
Pour le reste, c’est un usage républicain qui veut que, après des élections nationales – c’est-à-dire l’élection présidentielle et les élections législatives – le Premier ministre présente la démission de son Gouvernement. Cette pratique s’est forgée progressivement sous la IIIe République, même si elle était alors assez évolutive. Elle était implicitement confirmée par la Constitution de 1946 qui prévoyait, à son article 45, que « au début de chaque législature, le Président de la République, après les consultations d’usage, désigne le Président du conseil ».
A partir de 1958, alors même que le texte de la Constitution est muet, l’usage est devenu systématique au point que l’on peut parler d’une « convention de la Constitution ». Cela s’explique notamment par l’originalité du régime : en cas d’échec aux élections législatives, le Gouvernement démissionne puisque, régime parlementaire oblige, il pourrait être renversé par une assemblée politiquement hostile et, en cas de victoire, la démission renvoie au fait que le Premier ministre et le Gouvernement qu’il a proposé tiennent leur légitimité du Président de la République qui, aux termes de l’article 8 de la Constitution, est seul compétent pour les nommer.
Quelle est la marge de manœuvre du Président lorsque son Premier ministre démissionne ?
Le premier alinéa de l’article 8 de la Constitution prévoit que le Président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. On peut d’emblée en tirer deux conclusions. D’une part, le décret portant cessation des fonctions d’un Gouvernement est signé par le seul Président puisqu’il s’agit, symétriquement à la nomination du Premier ministre, d’un pouvoir propre. D’autre part, il ne semble pas qu’un Président puisse définitivement refuser la démission présentée par un Premier ministre qui souhaite démissionner ; en témoigne, par exemple, la démission du Gouvernement de Jacques Chirac en août 1976.
Mais la pratique enseigne que le Président peut différer les effets de la démission.
D’abord, et dans la plupart des cas, le Président accepte immédiatement la démission et procède dans la foulée soit à la nomination du même Premier ministre – par exemple lorsque les élections législatives ont lieu dans la foulée de l’élection présidentielle ou, comme en 1962, lorsque le Gouvernement sort renforcé des élections législatives – soit à la nomination d’un nouveau Premier ministre, en particulier lorsque le Président a suggéré, voire demandé, au Premier ministre de démissionner. Il n’est alors pas rare que le décret de cessation des fonctions d’un Gouvernement et le décret de nomination d’un Premier ministre soient signés puis publiés ensemble.
Ensuite, si la démission a été provoquée par une motion de censure, le Président peut dissoudre l’Assemblée en réplique. La dissolution est alors réputée rétablir le Gouvernement qui a été renversé dans la plénitude de ses attributions le temps que soient organisées les élections législatives au lendemain desquelles, par usage, le Gouvernement démissionnera de nouveau. C’est la situation que l’on a connue en 1962. Evidemment, la dissolution de 2024 interdit au Président d’user de cette possibilité puisque l’article 12 prévoit qu’il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit les élections provoquées par la précédente.
Enfin, le Président peut demander au Premier ministre de rester en place provisoirement pour assurer la stabilité ou la continuité le temps de désigner un nouveau Premier ministre. En ce cas, le Gouvernement est maintenu dans la plénitude de ses attributions et compétences même si, politiquement, il peut lui être difficile de prendre des initiatives. Une autre solution est d’accepter la démission du Gouvernement et, par conséquent, de prendre le décret de cessation de ses fonctions mais de lui demander d’expédier les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau Gouvernement. Cette dernière solution s’impose lorsque la démission du Gouvernement fait suite à l’adoption d’une motion de censure.
S’agissant de la nomination du Premier ministre, le Président de la République est-il tenu de proposer le poste de Premier ministre à la force politique arrivée en tête aux élections législatives ?
Il faut d’abord rappeler que, aux termes de l’article 8 de la Constitution, la nomination du Premier ministre est un pouvoir propre du Président de la République. Cela signifie que le Président choisit librement le chef du Gouvernement et qu’il n’est, constitutionnellement, tenu à rien, d’autant qu’il n’existe pas de procédure d’investiture par le Parlement.
Évidemment, cette liberté de choix est tributaire de la configuration politique de l’Assemblée nationale puisque, s’il n’a pas à être investi, le Gouvernement peut toujours être renversé. La liberté de choix du Président est donc absolue en période de concordance des majorités et, à l’inverse, très contrainte en cas de cohabitation.
Sans concordance des majorités et faute de majorité absolue à l’Assemblée, il n’est pas anormal que la formation ayant obtenu le plus grand nombre de sièges réclame de gouverner, mais dès lors qu’elle ne dispose que de quelques élus de plus que les formations arrivées en deuxième et troisième positions, la question est évidemment celle de son aptitude à constituer un Gouvernement qui ne soit pas susceptible d’être immédiatement censuré.