Par Philippe Zavoli, professeur de droit public à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour

Quelles sont les règles applicables à la publicité sur les monuments historiques ?

Le code de l’environnement comporte un ensemble de dispositions visant à encadrer l’implantation de la publicité – les fameux « quatre par trois » – pour des motifs de protection du cadre de vie. Elle est notamment interdite dans les espaces naturels et sur les édifices les plus remarquables que sont les monuments historiques. Seulement, eu égard au coût souvent exorbitant de leur restauration, le législateur s’est vu contraint de faire une entorse à cette protection contre la publicité. C’est ainsi que la loi de finances pour 2007 a apporté une notable dérogation à l’interdiction en autorisant, à l’occasion des travaux de restauration nécessitant l’installation d’échafaudages, l’apposition sur les bâches de protection d’un espace dédié à la publicité. Celle-ci peut alors couvrir jusqu’à 50 % de la surface des bâches de chantier, ce pourquoi l’amendement en question a été déposé, le reste pouvant être consacré à des trompe-l’œil.

Quel est l’intérêt de cette publicité sur les monuments historiques ?

On l’a dit, la réparation et la restauration d’un monument historique coûtent cher pour son propriétaire public et surtout privé. Précisons que, selon les données du ministère de la Culture, 46% des monuments historiques appartiennent à des personnes privées tandis que les communes et leurs groupements en possèdent 41 % et l’État, 4%. S’il est désormais possible d’installer de la publicité à l’occasion des travaux, c’est à la condition que les recettes perçues pour cette publicité soient entièrement affectées au financement des travaux. Dans la mesure où l’installation de la publicité est temporaire, puisque liée à la durée des travaux, une entorse à la protection du cadre de vie paraît supportable au vu de sa finalité. D’autant plus que l’autorisation est délivrée par l’Etat (préfet de région ou ministre de la Culture) après une instruction menée par un Architecte des Bâtiments de France qui veillera à ce que le contenu de la publicité et son graphisme soient compatibles avec le caractère historique et artistique du monument et de son environnement.

Quelles seraient les incidences de l’amendement s’il venait à être définitivement adopté ?

Ce n’est un secret pour personne, les publicitaires et les marques qu’ils promeuvent ne sont pas des philanthropes. Si de la publicité, certes de grandes dimensions, est installée sur les monuments c’est qu’ils y trouvent un intérêt financier, évidemment partagé par les propriétaires des édifices. Dès lors, l’apport d’un tel amendement paraît à tout le moins contreproductif, quand il ne révèle pas une totale méconnaissance du droit existant et de sa finalité. On a compris qu’il exprime une hostilité à l’encontre de la publicité. Mais va-t-il pour autant conduire à l’installation de bâches décoratives avec la mention des mécènes ? Peut-on raisonnablement penser que les mécènes, sous-entendu les contributeurs au financement des travaux de restauration, seront prêts à financer aussi des bâches décoratives apposées sur les échafaudages alors que leur seul bénéfice direct serait uniquement l’indication de leur nom sur ces bâches ? Au surplus, l’amendement comprend un second alinéa précisant que « les recettes perçues pour cet affichage sont affectées au budget général de l’État, dès lors que l’État est propriétaire de ce monument ou de cet immeuble à usage cultuel ». On avoue ne pas savoir de quelles recettes il pourrait s’agir puisque le flux financier généré par la publicité aura disparu.

En définitive, il y a fort à parier que les bâches ne comporteront ni publicité, ni affichage décoratif et n’apporteront donc pas davantage de recettes. Un comble pour un amendement déposé dans le cadre de la discussion budgétaire…