Deepfakes à caractère sexuel : le Royaume-Uni va sévir
Le Royaume-Uni s'apprête à renforcer son arsenal législatif pour lutter contre la prolifération des deepfakes sexuellement explicites, une pratique qui cause des préjudices importants à ses victimes.

Par Jean-Nicolas Robin, Avocat associé au sein du Cabinet Avoxa.
Pourquoi le Royaume-Uni légifère sur le sujet ?
Depuis 2015, le Royaume-Uni dispose d’une législation criminalisant la diffusion non consensuelle d’images intimes réelles, souvent appelée « revenge porn ». Toutefois, les images manipulées ou générées artificiellement, comme les deepfakes, n’étaient pas explicitement couvertes par ce texte. Cette imprécision juridique a permis une exploitation croissante des deepfakes à des fins malveillantes, en particulier dans des contextes sexuellement explicites. Reconnaissant l’insuffisance des outils juridiques existants, le gouvernement britannique a récemment décidé de prendre des mesures spécifiques pour inclure ces contenus générés par intelligence artificielle dans son champ d’action législatif. Les nouvelles dispositions annoncées en janvier 2025 visent à criminaliser explicitement la création et la diffusion de deepfakes sexuellement explicites sans consentement.
Ce projet s’inscrit dans une réponse urgente à l’augmentation des abus liés à cette technologie, avec une hausse de 400 % des faits signalés depuis 2017. Les nouvelles mesures prévoient des peines pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement pour les contrevenants. En outre, des sanctions similaires sont envisagées pour la prise non consensuelle d’images intimes et l’installation d’équipements destinés à produire ces contenus. Ces réformes seront intégrées dans un projet de loi sur la criminalité et la police, renforçant ainsi les protections pour les victimes.
La France pourrait -elle suivre l’exemple de la Grande-Bretagne ?
La France pourrait effectivement suivre la voie tracée par le Royaume-Uni en renforçant son cadre législatif pour lutter contre les deepfakes à caractère sexuel. Déjà, le 4 juillet 2023, le Sénat a adopté des amendements visant à encadrer les deepfakes, notamment pornographiques, dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique. Cette proposition est désormais présente au sein de l’article 226-8 du Code pénal et réprime l’utilisation d’un traitement algorithmique sans le consentement de la personne concernée, sans visée expressément les contenus à caractère pornographique. Par ailleurs, à l’échelle européenne, le Règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act), entré en vigueur le 1ᵉʳ août 2024, impose des obligations de transparence aux fournisseurs et utilisateurs de systèmes d’IA générant des deepfakes. Ces derniers doivent indiquer clairement que le contenu a été généré ou manipulé par une IA, renforçant ainsi la protection des individus contre les usages malveillants de ces technologies.
Ces initiatives montrent une volonté de la France et de l’Union européenne d’adopter les mêmes obligations juridiques que les mesures proposées par le Royaume-Uni, en adaptant leur législation pour mieux encadrer l’utilisation des deepfakes et protéger les citoyens contre les atteintes potentielles à leur image et à leur vie privée.
Peut-on estimer l’efficacité du dispositif ?
Malgré ces avancées, la lutte contre les deepfakes soulève des défis majeurs qui semblent dépasser le cadre réglementaire. En effet, la détection et l’identification des auteurs restent complexes en raison de l’anonymat permis par les technologies numériques. De plus, la rapidité de diffusion des contenus en ligne complique leur suppression efficace, causant des dommages irréversibles aux victimes. Ces problématiques nécessitent une collaboration internationale accrue pour harmoniser les cadres juridiques et une innovation continue dans le développement d’outils de détection précoce. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation pourraient jouer un rôle-clé pour prévenir ces abus et éduquer le public sur les dangers des deepfakes.