Par Sarah Cassella, Professeur de droit public à l’Université Paris Cité, Centre Maurice Hauriou

Quelle est l’origine de la négociation de l’accord plastique ?

L’Assemblée des Nations unies pour l’environnement a adopté une résolution, le 2 mars 2022, dans laquelle elle chargeait un comité intergouvernemental de négociation d’« élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment dans le milieu marin, (…) qui pourrait combiner des approches contraignantes et volontaires, fondé sur une approche globale couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques ». L’objectif ambitieux était de viser l’achèvement des travaux pour la fin de 2024 (§ 1). Les pourparlers ont conduit assez rapidement à la constitution de deux groupes d’Etats aux positions opposées. La Coalition de haute ambition, un groupe de 104 pays, regroupe notamment l’Union européenne, plusieurs Etats africains, des petits Etats insulaires en développement ou encore des pays d’Amérique latine et vise à conférer la portée la plus large possible au traité. Elle rencontre l’opposition sur ce point des pays producteurs de pétrole, réunis dans le groupe dit « like-minded », parmi lesquels figurent la Russie, l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Quels sont les principaux obstacles que rencontre la négociation ?

La principale difficulté tient à l’objectif général ambitieux fixé par l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, sans toutefois qu’ait été clairement précisé l’objet exact de la négociation. La Coalition de haute ambition s’est ainsi rapidement déclarée favorable à une réduction chiffrée de la production de plastique, incluant des objectifs précis. Son but est d’étendre la portée du traité à l’ensemble du cycle de vie du plastique. Les projections des experts prévoient en effet le risque d’un triplement de la production de plastique au cours des 40 prochaines années. Le groupe des like-minded, à l’inverse, a systématiquement manifesté la volonté de se concentrer uniquement sur la gestion des déchets et sur le recyclage, en excluant de la portée de l’accord la phase de production du plastique.

Le désaccord s’est ainsi très vite concentré sur la portée de la notion de « pollution plastique » : la Coalition y inclut toute source de pollution relative à l’ensemble du cycle de vie des plastiques, incluant leur production, alors que les pays pétroliers envisagent uniquement la pollution générée par la gestion des objets en plastique. L’enjeu majeur est que dans le premier cas le traité viserait aussi à inclure des obligations de réduction de la production de plastiques et non pas seulement de limitation de leur impact sur l’environnement une fois produits. Les intérêts économiques liés à la production de plastique sont beaucoup plus nombreux et variés, ce qui explique probablement la participation aux négociations de Busan de plus de 440 observateurs, parmi lesquels de nombreux représentants de l’industrie fossile et chimique.

Le texte de négociation officiel, rendu illisible par la multiplication de variantes et options pour les différentes dispositions, a dû être remplacé par un document simplifié préparé à l’initiative du président du CIN, Luis Vayas Valdivieso. Si cela a permis davantage de clarté dans les échanges, l’inconvénient était que le document simplifié avait supprimé les principaux points d’achoppement des négociations. Cela n’a pas empêché le groupe des like-minded de multiplier les incidents de procédure, en faisant naître une impression de volonté d’obstruction.

Quelles sont les perspectives pour les prochaines discussions ?

Sans surprise, le texte issu des négociations de Busan ne contient pas de définition claire de la portée du futur traité. Le projet d’article 6 est néanmoins relatif à la « production durable » et envisage plusieurs options au sujet d’un éventuel objectif de réduction ou de gestion de la production ou de la consommation des plastiques. Le projet commence également à dresser des listes de produits qui pourraient être visés par des mesures de réduction ou d’interdiction, parmi lesquels les sacs, les couverts, les pailles ou encore certains jouets.

En l’absence de progrès notables lors de la reprise des négociations en 2025, plusieurs options sont ouvertes. La procédure de négociation permet à la Coalition de haute ambition de demander d’adopter le texte par un vote des 2/3 des Etats en l’absence de consensus, ce qui conduirait très probablement à l’opposition du groupe des like-minded. La Coalition pourrait aussi décider de poursuivre la négociation en excluant les pays qui font obstruction, ce qui conduirait au même résultat. Le principal inconvénient de ces choix serait cependant d’exclure précisément les Etats les plus directement intéressés par l’objet du traité. Si celui-ci devait voir le jour, il contiendrait probablement des obligations interdépendantes qui nécessitent une mise en œuvre par la plupart des Etats si on souhaite atteindre l’objectif de protection de l’environnement recherché. Il faut espérer que les négociateurs trouvent d’ici là une troisième voie entre l’exclusion des pays producteurs de pétrole et un accord a minima.