Par Loïc Peyen, Maître de conférences en droit public à l’Université Toulouse Capitole, IEJUC

Qu’est-il reproché à Coca-Cola Europacific Partners France ?

Le greenwashing désigne le fait, pour un opérateur économique, de recourir à une publicité fallacieuse – mensongère donc ! – sur le plan environnemental pour convaincre les consommateurs de recourir à ses prestations ou à ses produits. Renvoyant aux allégations environnementales des annonceurs, elle est aussi connue sous le nom d’« écoblanchiment ».

Dans le cas de CCEPF, l’entreprise avait affirmé que sa distribution de boissons lors des Jeux aurait un impact environnemental minimal du point de vue de l’économie circulaire avec, pour objectif ultime, « zéro déchet d’emballage ». Elle insistait sur le recours à des gobelets réutilisables, à des bouteilles en verre, à des fontaines à boissons et des bouteilles en plastique PET recyclé le cas échéant. Or, selon des documents obtenus par FNE, sur les 9 millions de boissons vendues, 6,4 millions proviendraient de bouteilles en plastique : pour l’association, cette invisibilisation des bouteilles ne correspond pas aux promesses de l’entreprise. Cette dernière s’était alors défendue en mettant en avant ses efforts ainsi que les contraintes auxquelles elle se confrontait. Non convaincue, FNE a saisi le Procureur de la République de Nanterre pour « faire la lumière sur le respect ou non par Coca-Cola de ses engagements environnementaux lors des Jeux Olympiques 2024 ».

De quelle façon le greenwashing est-il appréhendé par les textes nationaux et européens ?

Quel que soit l’ordre examiné, le greenwashing est prohibé car il est une manipulation du consommateur, de surcroît délétère pour l’environnement. Les textes encadrent la qualité de l’information en exigeant son authenticité, et ce, pour ne pas induire en erreur le consommateur et le tromper.

Pour l’UE, ces pratiques sont des « pratiques commerciales déloyales », prohibées sur le fondement de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, consolidée sur ce point par la directive (UE) 2024/825 du 28 février 2024, qui laisse aux États membres jusqu’à mars 2026 pour la transposer. Une pratique commerciale est déloyale dès lors qu’elle « altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateur ».

Mais le droit français a été précurseur : le législateur, et avant lui le juge, qualifient le greenwashing de « pratique commerciale trompeuse », interdite sur le fondement du code de la consommation. En effet, son actuel article L. 121-2 qualifie comme telle la pratique qui, notamment, « 2° repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : (…) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service (…) notamment son impact environnemental (…) e) La portée des engagements de l’annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ».

Quels sont les enjeux de cette affaire, au travers du prisme du greenwashing ?

Le premier enjeu relève du domaine de la sanction. Le non-respect de l’article L. 121-2 du code de la consommation est passible, selon les termes de l’article L. 132-2 du même code, de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros, le montant de cette dernière pouvant être porté, soit à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, soit à 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Cela n’est pas négligeable.

Le deuxième enjeu renvoie à la responsabilisation des opérateurs vis-à-vis de l’information à dimension environnementale qu’ils délivrent au consommateur. Cette affaire, quel que soit son aboutissement, met l’emphase sur la transparence et la qualité de la communication des annonceurs. Il s’agit donc moins de sanctionner le fait pour l’entreprise d’avoir recouru aux bouteilles en plastique, que d’appréhender l’écart entre ses promesses et ses actions concrètes.

Le troisième enjeu est d’ordre technique. Premièrement, il sera question d’apprécier la communication de CCEPF pour savoir si elle avait effectivement « vendu du rêve » aux consommateurs, par rapport à ses actions réelles. Deuxièmement, si tout le plastique utilisé a effectivement été recyclé, peut-on vraiment considérer que la promesse de circularité, ou celle du « zéro déchet », n’est pas tenue ? Il y a là un point crucial : même « circularisée », la production de plastique a en soi des impacts néfastes sur l’environnement. Dès lors, promettre du « zéro déchet » n’engage-t-il pas à voir plus loin que la stricte économie circulaire ?