Catastrophes naturelles : duel parlementaire autour du régime CatNat
Le 30 mai dernier venait en discussion au Sénat la proposition de loi de la députée Sandrine Rousseau visant à réformer le régime CatNat pour mieux indemniser les dommages liés au retrait-gonflement des argiles alors que le 21 mai, une autre proposition, portée par la sénatrice Christine Lavarde, était déposée visant plus largement à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Par Marianne Moliner-Dubost, maître de conférences à l’université Lyon 3 co-directrice du Master Droit global du changement climatique
Pourquoi cette effervescence au sujet des catastrophes naturelles ?
Le sujet des catastrophes naturelles n’en finit pas d’alimenter les inquiétudes. Deux phénomènes sont particulièrement critiques : les inondations et le retrait-gonflement des argiles (RGA) lié aux alternances de sécheresse et de réhydratation des sols argileux qui provoquent des dégâts sur les constructions (fissures) pouvant aller jusqu’à les rendre inhabitables. Or 10,4 millions de maisons sont situées en zones d’exposition moyenne et forte au risque RGA (Rapport Ledoux, 9 oct. 2023). Un autre risque vient de révéler sa dimension dommageable : le recul du trait de côte. Ces risques nécessitent de renforcer l’adaptation et la prévention. En effet, le régime assurantiel classique ne prend pas en charge les dommages liés à la survenance de ces aléas et le dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles dit « CatNat » ne pourra pas faire face à la sinistralité qui s’annonce.
Le régime CatNat est-il en danger ?
Le régime « CatNat » est géré par les assureurs, mais son financement repose sur la solidarité nationale : une surprime est payée par toute personne qui assure une voiture (6%) ou une habitation (12%), indépendamment de son exposition au risque. Créé en 1982, le dispositif CatNat a fait l’objet de critiques récurrentes : manque de transparence et iniquité du régime, longueur des délais, inégalités de traitement et divergences dans l’estimation de certains dommages, insuffisance de l’incitation à la prévention, inadaptation aux aléas à cinétique lente comme le RGA…
Ces insuffisances sont exacerbées par l’augmentation de la sinistralité et de son coût dans un contexte de dérèglement climatique : tout en ne donnant pas satisfaction aux sinistrés, le régime ne parvient plus à rester en équilibre. Il est ainsi déficitaire depuis 2017 (Rapport Lavarde, 15 févr. 2023 ) en raison surtout du poids croissant des dommages liés au RGA. Dans ce contexte, le dispositif CatNat a récemment fait l’objet de modifications destinées d’une part à améliorer globalement le fonctionnement du régime (loi Baudu du 28 décembre 2021 ) et d’autre part, à l’adapter aux spécificités du risque RGA (ordonnance du 8 février 2023 ).
Pourquoi de nouvelles propositions de réforme du régime CatNat ?
Quoiqu’utiles, les modifications opérées restent insuffisantes. Un premier défi concerne la sécurisation du financement de CatNat pour faire face à l’augmentation prévisible de la sinistralité, tous risques naturels confondus. Le second est de mieux intégrer la prévention pour réduire l’exposition aux risques naturels, le nombre et l’ampleur des sinistres et donc les besoins d’indemnisation (Rapport Bonnefoy, 2019 ).
La proposition de loi déposée par Sandrine Rousseau en février 2023 et adoptée par l’Assemblée nationale en avril 2023, visait à « mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile » et à cette fin, elle entendait notamment modifier la caractérisation de la sécheresse, renforcer l’indépendance des experts et imposer la prise en charge des contre-expertises par les assureurs. Elle a été rejetée par le Sénat le 30 mai dernier. En effet, dans l’intervalle, la sénatrice Christine Lavarde a déposé une autre proposition visant « à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles ».
La proposition (qui concerne donc tous les risques naturels et pas seulement le risque RGA) prévoit la revalorisation annuelle de la surprime (qui, par parenthèse, bondira en tout état de cause à 20% au lieu de 12% pour l’habitation et à 9% au lieu de 6% pour les autos, au 1er janvier prochain) couplée avec une clause de revoyure quinquennale afin de sécuriser le financement du régime.
Mais surtout, la proposition entend mobiliser des instruments incitatifs pour favoriser la réduction de la vulnérabilité aux risques : réduction de la franchise, instauration d’un éco-PTZ prévention, conditionnalité de l’octroi de MaPrimeRénov’ à la réalisation de travaux de prévention des risques pour les logements les plus exposés. Elle prévoit également l’intervention du fonds Barnier pour le financement d’études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages provoqués par le RGA et par le recul du trait de côte. Dans le droit fil de l’initiative sécheresse, il s’agit d’identifier les dispositifs les plus efficaces et durables.