Procès de Gérard Depardieu : la victimisation secondaire retenue à l’encontre de l’acteur
Le Tribunal correctionnel de Paris a condamné mardi 13 mai, Gérard Depardieu à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, assortis d'une peine complémentaire de privation de ses droits d’éligibilité de deux ans et d'une inscription au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. La victimisation secondaire a également été retenue par le tribunal.

Par La rédaction.
Quel est le contexte de l’affaire ?
Gérard Depardieu était jugé devant le Tribunal correctionnel de Paris pour des agressions sexuelles sur deux femmes lors du tournage du film Les Volets verts en 2021.
L’acteur, qui ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés, avait déclaré au cours du procès être « incapable de décrire une agression sexuelle devant un tribunal [le] jugeant de cela »
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Compte tenu de « l’absence totale de remise en cause » du prévenu, le parquet avait requis, le jeudi 27 mars, une peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis probatoire de trois ans à l’encontre de Gérard Depardieu. Le procureur a également demandé une amende de 20 000 euros, une obligation de soins psychologiques ainsi que l’inscription de l’acteur au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
Qu’a décidé le Tribunal correctionnel de Paris ?
Mardi 13 mai, le Tribunal correctionnel de Paris a reconnu Gérard Depardieu coupable d’agressions sexuelles et l’a condamné à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, deux ans d’inéligibilité et a inscrit son nom au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
Dans leurs motivations, les juges retiennent également la notion de « victimisation secondaire ». Ce concept, bien qu’ayant émergé récemment, est déjà très largement étayé, comme le souligne Audrey Darsonville, Professeure de droit pénal à l’Université Paris Nanterre. Elle précise qu’il désigne le phénomène par lequel la procédure judiciaire elle-même pourrait constituer une nouvelle forme de victimisation pour la victime. En d’autres termes, « la victime est à la fois victime de l’acte criminel subi et victime de la procédure pénale en raison de la manière dont les acteurs du système de justice pénale ont traité l’affaire ». La procédure amène donc une nouvelle forme de souffrance qui pèse sur la victime (souffrance qui pourrait résulter d’une durée excessive de la procédure, d’une enquête ayant amené des propos stéréotypés ou sexistes envers la victime, etc).
En effet, dans sa décision, le tribunal a considéré que « les propos (…) de la défense par leur nature et leur répétition ont généré chez les parties civiles un préjudice distinct de celui né de la commission de l’infraction. Ce dénigrement objectivable, constitutif d’une victimisation secondaire ouvrant droit à réparation, renforce leur préjudice initial et doit en conséquence faire l’objet d’une indemnisation spécifique ».
Pour la Professeure, l’innovation dans ce jugement est que le tribunal a retenu la victimisation secondaire en raison du comportement de l’avocat de la défense, « ce qui est discutable car la défense est libre et les atteintes à la déontologie relèvent du pouvoir disciplinaire de l’ordre des avocats ou de la police de l’audience qui appartient au juge ».
Dans sa motivation, le tribunal souligne que « Si les droits de la défense et la liberté de parole de l’avocat à l’audience sont des principes fondamentaux du procès pénal, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sauraient légitimer des propos outranciers ou humiliant portant atteinte à la dignité des personnes ou visant à les intimider ».
La victimisation secondaire a d’ailleurs été retenue dans la récente condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Dans cette décision, la CEDH a retenu cette notion en estimant que « la façon dont les victimes, qui plus est mineures, avaient été traitées par le système judiciaire français était une forme de victimisation secondaire » précise Audrey Darsonville.
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Est-il possible d’interdire à Gérard Depardieu de jouer dans des films ?
L’acteur, absent au délibéré, est actuellement en tournage au Portugal pour un film dirigé par Fanny Ardant. La question se pose de savoir si la condamnation prononcée à son encontre ce mardi 13 mai est susceptible d’avoir un impact sur son activité d’acteur.
La Professeure Audrey Darsonville explique que la peine infligée par le Tribunal correctionnel de Paris n’interdit pas, a priori, à l’acteur de tourner des films. D’abord parce que l’avocat de Gérard Depardieu, Me Jérémie Assous, a annoncé faire appel de la condamnation. Une fois l’appel déposé, l’acteur est donc présumé innocent, dans l’attente de la décision de la Cour d’appel.
Ensuite, « Sauf si un sursis probatoire avait été prononcé assorti de certaines interdictions qui pourraient entraver son travail, comme celle de se déplacer à l’étranger par exemple, la peine de sursis simple ne pose pas d’interdiction de travail ».
L’inscription de son nom au fichier des auteurs d’infractions sexuelles n’entrave pas non plus sa capacité de tourner des films. En effet, ce dernier se présente davantage comme un « fichier de suivi des personnes condamnées » le plaçant sous surveillance comme le précise Audrey Darsonville. Par ailleurs, le cinéma étant une entreprise privée, sans interdiction de la justice, rien n’empêche l’acteur d’exercer son métier. C’est une décision qui repose « plus sur un choix éthique qu’un choix juridique » indique la Professeure.