Ce que dit l’accord entre Israël et le Hamas
Un accord entre Israël et le Hamas a été dévoilé lors d’une conférence de presse le 15 janvier 2025 à Doha. Conclu grâce à la médiation du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis, l’accord s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile, qui explique les limites de son contenu aussi bien que les incertitudes de sa mise en œuvre.
Par Chloé Kreuder, Doctorante au Céric, et Romain Le Bœuf, Professeur de droit public à l’Université d’Aix-Marseille
Dans quel contexte s’inscrit cet accord ?
Le conflit opposant Israël et le Hamas a débuté après l’attaque du 7 octobre 2023, au cours de laquelle 1200 civils israéliens ont été tués et 250 pris en otages. Cette attaque a été suivie du siège complet de Gaza et d’opérations de l’armée israélienne qui ont causé, en quinze mois, au moins 45 000 morts palestiniens (selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas) et le déplacement de près de 80% de la population gazaouie. En dépit de nombreux appels au cessez-le-feu – y compris par le Conseil de sécurité des Nations Unies – et malgré quelques trêves temporaires, les deux parties ont eu le plus grand mal à s’entendre sur les termes d’un accord. Au mois de mai 2024, un projet avait été porté par les États-Unis et salué par le Conseil de sécurité, mais les valses-hésitations du Hamas puis d’Israël avaient fait obstacle à son application.
Les deux parties sont finalement parvenues à un nouvel accord le 15 janvier 2025. Cet accord a pour titre « Procédures pratiques et mécanismes pour la mise en œuvre de l’Accord sur l’échange d’otages et de prisonniers et le retour à un calme durable qui permettrait d’aboutir à un cessez-le-feu permanent entre les parties ». Cet intitulé complexe ainsi que le premier article de l’accord révèlent qu’il s’agit, pour les parties, d’assurer la mise en œuvre de l’accord du 27 mai 2024, demeuré sans effet jusqu’à aujourd’hui en raison de divers désaccords désormais aplanis.
Que prévoit précisément l’accord ?
L’accord du 15 janvier 2025 n’a pas fait l’objet de publication officielle. Certains journaux israéliens ont par ailleurs indiqué le refus du gouvernement israélien d’en publier les termes. Le document relayé dans la presse pourrait donc ne correspondre qu’à une partie des engagements souscrits par les belligérants. Ce nouvel accord ne comporte que très peu de dispositions et doit être compris comme une étape pour la mise en œuvre de l’accord du 27 mai 2024, dont il constitue le complément. Le processus prévu par cet accord était divisé en trois étapes successives.
La première étape prévoyait un cessez-le-feu immédiat et complet, ainsi que la libération d’otages – notamment des femmes, des personnes âgées et des blessés –, des échanges de prisonniers palestiniens et la restitution des dépouilles. Par ailleurs, étaient également prévus le retrait des forces israéliennes des zones peuplées de Gaza, le retour des civils palestiniens à leur domicile dans tous les secteurs de Gaza, et la distribution sûre et effective d’aide humanitaire.
La deuxième étape prévoyait, avec l’accord des parties, la cessation permanente des hostilités, en échange de la libération de tous les autres otages encore retenus et le retrait total des forces israéliennes de Gaza. Ce point aurait été l’une des principales raisons de la renégociation de l’accord du 27 mai, Israël étant réticent au retrait total de ses troupes, notamment dans le stratégique corridor de Philadelphie à la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza.
La troisième étape prévoyait enfin la restitution des derniers corps israéliens et palestiniens et le lancement d’un plan de reconstruction de Gaza – objectif urgent autant qu’ambitieux, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ayant estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars cette opération.
L’accord du 15 janvier 2025 apporte des précisions quant à ces différents points. En ce qui concerne d’abord les échanges entre otages israéliens et prisonniers palestiniens, l’accord prévoit notamment l’échange de neuf otages malades et blessés contre 110 prisonniers palestiniens condamnés à perpétuité, puis la libération de 1 000 détenus gazaouis détenus depuis le 8 octobre 2023, à l’exclusion des détenus impliqués dans l’attaque du 7 octobre. D’autres échanges sont prévus, sur la base d’un ratio pouvant varier de 3 à 27 prisonniers palestiniens pour un otage israélien.
En ce qui concerne ensuite la protection des civils, l’accord prévoit l’ouverture du poste-frontière de Rafah à la frontière égyptienne pour permettre le transfert de civils malades et blessés. L’accord organise également le retour des civils à leurs domiciles dans la bande de Gaza, sous la surveillance d’une société privée de sécurité américaine, ainsi que le rétablissement de l’aide humanitaire, en renvoyant à un protocole spécifique, à ce jour non publié.
En ce qui concerne enfin le retrait des troupes israéliennes, l’accord du 15 janvier prévoit un retrait des troupes plus progressif que l’accord du 27 mai. En effet, au lieu d’un retrait total, il est désormais plus modestement indiqué que le retrait des troupes s’effectuera depuis les zones densément peuplées, ainsi que du corridor de Philadelphie, le long des frontières de la bande de Gaza. L’armée israélienne pourra néanmoins stationner dans une zone tampon qui s’étend le long du périmètre de Gaza, y compris le long de la frontière égyptienne.
Quels sont les espoirs raisonnables de mise en œuvre de l’accord ?
L’accord est entré en vigueur le 19 janvier. Bien qu’ayant déjà connu plusieurs cas de violations, il permet aujourd’hui une forme de répit dans une des régions les plus dévastées du monde, et a été accueilli par des scènes de liesses dans les rues de Gaza. Néanmoins, « l’architecture d’ensemble est d’une fragilité extrême », pour plusieurs raisons.
Une première raison tient au caractère limité des objectifs de l’accord, dont l’intitulé même atteste le caractère précaire : il s’agit seulement d’assurer « le retour d’un calme durable qui pourrait conduire à un cessez-le-feu permanent entre les deux parties ».
Une deuxième raison invitant à la prudence est liée à l’absence, dans l’accord, de tout dispositif de surveillance, ce qui ne manquera pas de favoriser de part et d’autre les accusations de violations et l’éventuelle remise en cause du cessez-le-feu.
Une dernière raison pourrait tenir à l’absence de publication intégrale des accords entre les deux camps. Ce défaut de transparence prive la communauté internationale de tout moyen concret d’apprécier le respect de la totalité de leurs engagements par les parties. Cette forme secrète de diplomatie apparaît en soi problématique : Emmanuel Kant considérait déjà le secret des traités comme un obstacle à la paix perpétuelle.