Conflit au Proche-Orient : que prévoit l’accord de cessez -le-feu au Liban ?
La presse a annoncé le 27 novembre 2024 un accord de cessez-le-feu destiné à mettre un terme aux hostilités sur le territoire du Liban. Cet accord prévoit diverses mesures touchant principalement au désarmement du Hezbollah, au redéploiement de l’armée régulière libanaise et au retrait des troupes israéliennes. Pour autant, l’accord ne règle pas l’ensemble des différends politiques et territoriaux qui opposent encore Israël et le Liban.
Par Romain Le Boeuf, Professeur de droit public à l’Université d’Aix-Marseille
Qu’est-ce qu’un cessez-le-feu ?
Les belligérants peuvent conclure entre eux deux grandes catégories d’accords à l’occasion d’un conflit armé. La première catégorie vise à organiser le déroulement du conflit. La seconde catégorie a pour objet sa terminaison. Au sein de cette catégorie, il est possible d’identifier trois espèces d’instruments : les accords temporaires, les accords provisoires et les accords définitifs. Les accords temporaires sont des accords qui ont pour objet la suspension des combats pour une période donnée : c’est le cas des trêves humanitaires ou religieuses notamment. Les accords provisoires se distinguent des précédents en ce que, sans être définitifs, ils ont pour objet de permettre aux belligérants de négocier un accord définitif dans de bonnes conditions : c’était classiquement le cas des accords d’armistice. Les accords définitifs règlent quant à eux l’ensemble des questions qui opposent les belligérants en vue de mettre fin non seulement aux hostilités, mais au conflit en tant que tel : c’est le cas des traités et accords de paix.
Les cessez-le-feu représentent dans cette classification un cas particulier, dans la mesure où ils peuvent appartenir selon les cas à chacune des catégories. Certains cessez-le-feu sont strictement temporaires, d’autres ont une fonction provisoire, certains enfin se prétendent définitifs. Les mesures acceptées par Israël et le Liban s’inscrivent nettement dans une logique de cessez-le-feu provisoire : elles ne se bornent pas à ordonner la cessation des hostilités, mais imposent aux parties des obligations substantielles destinées à « promouvoir les conditions d’une solution permanente et globale ».
Que prévoit l’accord ?
Le texte du cessez-le-feu du 26 novembre n’a pas fait l’objet d’une publication officielle. La presse a seulement publié une « Annonce d’une cessation des hostilités et d’engagements connexes concernant des arrangements de sécurité renforcés et la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies ». Cette annonce comporte treize mesures, explicitement inspirées des demandes formulées par le Conseil de sécurité en 2006. Ces mesures peuvent être regroupées autour de quatre enjeux.
Le premier concerne la cessation des hostilités. Cette obligation implique de la part du gouvernement du Liban « d’empêch[er] le Hezbollah et tous les autres groupes armés sur le territoire libanais de mener des opérations contre Israël ». De son côté, le gouvernement d’Israël « ne mènera pas d’opérations militaires offensives contre des cibles libanaises ».
Le deuxième enjeu concerne les positions respectives des armées libanaise et israélienne. Le Liban s’engage à déployer ses forces armées officielles dans le sud du Liban, tandis qu’Israël retirera de façon échelonnée ses forces de la région. Il s’agit, par ce mouvement coordonné, de ne pas laisser d’espace permettant aux forces du Hezbollah de reprendre les positions perdues pendant le conflit.
Le troisième enjeu concerne le désarmement des groupes armés. Le Liban s’engage à réglementer et contrôler toute « vente », « fourniture » ou « production » d’armes et de matériel connexe au Liban. Les forces de sécurité du Liban devront « surveiller et réprimer toute entrée non autorisée d’armes », « démanteler toutes les installations non autorisées impliquées dans la production d’armes », « démanteler toutes les infrastructures et positions militaires » et « confisquer toutes les armes non autorisées ». Il s’agit, par ces mesures, d’empêcher le Hezbollah de reconstituer son potentiel de guerre.
Le quatrième enjeu consiste à mettre en place des mécanismes internationaux de supervision destinés à surveiller le respect du cessez-le-feu et à accompagner les parties dans la mise en œuvre de leurs obligations. Le mandat de la Finul est expressément confirmé.
De façon plus évasive, l’accord évoque la possibilité pour les civils « de retourner en toute sécurité sur leurs terres et dans leurs foyers » ainsi que les efforts que devront fournir la France et les États-Unis pour favoriser le « développement économique dans l’ensemble du Liban » et « la prospérité de la région ».
Quelles sont les limites de l’accord ?
L’accord conclu comporte certaines limites qui touchent à la fois à sa portée et à son application.
Quant à sa portée, il faut garder à l’esprit que l’accord du 26 novembre n’est qu’un premier pas sur le chemin d’un apaisement durable des relations entre les parties. L’accord prévoit à cet égard une médiation des États-Unis dans le but de résoudre certains points demeurant litigieux entre les parties. Si les Nations Unies sont désignées comme un « partenaire » de cette négociation, la France n’y est pour sa part pas associée.
Quant à son application, l’accord comporte un certain nombre de points de fragilité, qui sont les stigmates des difficultés de la négociation. D’une part, il est à remarquer que le Hezbollah ne figure pas parmi les signataires de l’accord. Si la délégation libanaise comportait des négociateurs proches du mouvement, l’accord demeure strictement bilatéral et intergouvernemental. Le Hezbollah n’assume en tant que tel aucune obligation juridique en vertu de l’accord : le risque est alors qu’il puisse ne pas se sentir durablement lié par ses termes. Dans ce cas, il appartiendra au gouvernement libanais de l’y contraindre, sauf à voir Israël reprendre ses opérations militaires. En effet, et d’autre part, il faut relever que les obligations israéliennes de ne pas recourir à la force sont formulées d’une façon prudente et passablement équivoque : Israël pourra donc – en cas de résurgence du Hezbollah au Sud-Liban – se prévaloir des termes même du cessez-le-feu pour justifier de nouvelles actions militaires dans la région. C’est, du reste, ce que semblent confirmer les premières allégations de violation de l’accord.