Budget 2026 : un parcours semé d’embûches ?
Les projets de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 ont été déposés cette semaine sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il s’agit là de la première étape d’un nouveau chemin de croix budgétaire, qui s’annonce encore plus ardu que l’an passé.
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Par Aurélien Baudu, Professeur à l’université de Lille, et Xavier Cabannes, Professeur à l’université Paris Cité
Le dépôt tardif du PLF et du PLFSS est-il problématique ?
Oui, dans une certaine mesure. S’agissant du projet de loi de finances, chaque journée comptera, compte tenu de ce dépôt tardif. En effet, le calendrier prévisionnel initial de la direction de la séance de l’Assemblée nationale, établi en commun accord avec le Gouvernement et daté du 8 juillet 2025, est désormais obsolète pour ce qui concerne le PLF. La version rectifiée de ce calendrier n’a d’ailleurs pas encore été rendue publique.
Il était prévu que la lettre du Premier ministre, adressée à la présidence de l’Assemblée nationale pour récapituler la liste des documents annexes remis aux députés, soit datée du 11 octobre. Or, le lendemain du dépôt de cette lettre marque traditionnellement le point de départ du délai constitutionnel de soixante-dix jours impartis à l’examen du projet de loi de finances. Un tel calendrier n’était plus tenable dès lors que le 11 octobre a finalement coïncidé avec la nomination de M. Lecornu à Matignon, et que le 12 octobre a été le jour de formation du gouvernement Lecornu II.
Le texte du projet de loi de finances n’a été délibéré en Conseil des ministres que le 14 octobre, avant d’être déposé le jour même sur le bureau de l’Assemblée nationale. On comprend dès lors qu’un nouveau calendrier a dû être établi dans l’urgence. Comme l’a précisé la conférence des présidents tenue à l’Assemblée nationale ce même jour, « le délai constitutionnel de quarante jours pour la première lecture à l’Assemblée nationale expirera le dimanche 23 novembre, et le délai de soixante-dix jours le mardi 23 décembre ».
S’agissant du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le délai constitutionnel de cinquante jours expirera, quant à lui, le mercredi 3 décembre à minuit. En procédant à un rétroplanning à partir du 31 décembre, en incluant le temps minimum nécessaire au Conseil constitutionnel pour se prononcer (huit jours) en cas de saisine, il apparaissait donc impératif que le PLF, à titre principal, et le PLFSS soient déposés dans ces délais limites.
Ainsi, le Parlement disposera bien, a priori, de ses délais habituels pour examiner les deux textes, ce qui devrait éviter tout problème majeur sur le plan procédural. En revanche, pour le PLF, la marge de manœuvre reste particulièrement étroite : la commission des finances de l’Assemblée nationale disposera de très peu de temps pour un travail approfondi en amont, tandis qu’en aval, les parlementaires ne disposeront que de quelques heures pour la rédaction d’une éventuelle lettre de saisine au Conseil constitutionnel, lequel devra ensuite statuer dans un délai resserré sur la constitutionnalité du texte.
Enfin, on imagine, s’agissant de ces délais, que le Conseil constitutionnel, comme dans sa décision relative à la loi de finances pour 2025 (décis. n° 2025-874 DC, 13 févr. 2025) qu’il viendra de nouveau estimer que la date du premier mardi d’octobre « a pour objet d’assurer l’information du Parlement en temps utile pour qu’il se prononce en connaissance de cause sur le projet de loi de finances soumis à son approbation ».
Quels seront les principaux risques lors de la discussion de ces textes ?
Compte tenu du caractère emblématique, et hautement inflammable, de certaines dispositions contenues dans les projets de loi ou annoncées sous forme d’amendements gouvernementaux, comme la suspension de la réforme des retraites dans le cadre du PLFSS, la discussion parlementaire s’annonce longue et particulièrement complexe.
Au cours de celle-ci, le Premier ministre, dépourvu d’une majorité large et solide à l’Assemblée nationale, devra sans doute trouver, en fonction des dispositions en cause, des majorités de circonstance, qu’il faudra ensuite pouvoir réunir pour les votes sur les différentes parties des textes et sur les votes d’ensemble des textes, au risque de voir les PLF et PLFSS pour 2026 repoussés par le Parlement ou que son gouvernement soit renversé en cours de route. En outre, le Premier ministre a indiqué, à plusieurs reprises, y compris lors de son discours de politique générale le 14 octobre, qu’il renonçait à l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, et donc à tout moyen de pression fort, ne conservant dans sa manche que l’usage du vote bloqué (art. 44 al. 3 Const.). Cela veut dire qu’il n’y aura pas de passage en force sur ces deux textes financiers, ni pour faire adopter les différentes parties de ceux-ci ni pour les faire adopter dans leur ensemble. Les discussions iront soit jusqu’au bout, y compris sur des dispositions qui peuvent largement diviser, soit le Gouvernement tombera sur l’un des deux textes financiers, et la suspension des travaux sera inévitable pour l’autre texte. Comme l’a indiqué le Premier ministre lui-même à la télévision, ces projets « ne sont pas parfaits, il y aura beaucoup à débattre » au Parlement. Tout cela devra être mené afin que ces textes soient adoptés afin de pouvoir être promulgués avant le début de l’exercice 2026. Si à la fin de l’année 2025 aucun texte n’était encore voté ou si le PLF et/ou le PLFSS étaient repoussés, de nouvelles complications se présenteraient, et l’on reparlerait selon le cas de loi spéciale de l’article 45 de la LOLF ou de l’article 47 de la Constitution car le sablier, ne pouvant être retourné pour arrêter la fuite du temps, sonnerait la fin de la pièce de théâtre et les dispositions du PLF ou du PLFSS pourraient alors être mises en vigueur par ordonnance par le Gouvernement…
Quel est le contenu du PLF et du PLFSS pour 2026 présentés par le Gouvernement ?
Le PLF prévoit des mesures d’ajustement de 30 Md€ en 2026, grâce à 17 Md€ de corrections budgétaires dans les dépenses de l’État et 14 Md€ de recettes fiscales nouvelles. On se contentera de rappeler que le 15 juillet dernier, au cours d’une conférence de presse, le plan budgétaire présenté par M. Bayrou, prédécesseur de M. Lecornu, visait 43,8 Md€ de mesures d’ajustement pour ramener le déficit public à 4,6 % du PIB en 2026, ce qui semblait déjà bien insuffisant d’un point de vue économique et financier.
Si le déficit public pour 2025 demeure inchangé à 5,4 % du PIB, la copie gouvernementale soumise à l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) repose sur un objectif relevé à 4,7 % du PIB pour 2026. Un relâchement supplémentaire de cette cible n’est toutefois pas exclu, le Premier ministre ayant déjà évoqué la possibilité d’un déficit pouvant atteindre 5 % du PIB.
Le projet de loi de finances, hors charges de la dette, en progression constante et préoccupante, comporte plusieurs mesures de correction budgétaire, à l’exception notable du budget de la défense. Mais la possibilité demeure, comme l’an passé, de voir se multiplier les propositions visant à accroître la contribution des contribuables les plus aisés et des entreprises, dans une sorte de « concours Lépine » fiscal.