Par Martin Collet, professeur de droit à l’Université Paris-Panthéon-Assas et Expert du Club des Juristes

En quoi les dispositions de la loi de finances issues de l’« amendement FIFA » violent-elles la Constitution ?

Les dispositions annulées par le Conseil constitutionnel prévoyaient deux séries d’avantages fiscaux. D’une part, elles exonéraient les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO) de l’impôt sur les sociétés « au titre des bénéfices réalisés en France résultant de leurs activités afférentes à leurs missions de gouvernance du sport ou de promotion de la pratique du sport » ainsi que de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de ces mêmes activités. D’autre part, les salariés de ces fédérations domiciliés en France devaient être exonérés d’impôt sur le revenu à raison de leurs salaires versés au titre de ces mêmes activités pendant cinq ans à compter de leur prise de fonctions. D’après le Gouvernement, cette double niche fiscale était censée contribuer « au rayonnement international ainsi qu’à l’activité économique » de la France, « eu égard notamment aux emplois créés ».

Reproduisant un raisonnement classique fondé sur le principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques (articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789), le Conseil constitutionnel estime que cette double niche, telle qu’elle a été dessinée par le législateur, n’est pas cohérente avec l’objectif d’attractivité du territoire que ce dernier s’est assigné. Bien que la décision soit chichement motivée, elle insiste sur deux caractéristiques particulièrement problématiques du dispositif – qui avaient déjà été soulignées sur ce même blog (https://www.leclubdesjuristes.com/economie/la-france-futur-paradis-fiscal-pour-la-fifa-1249/) – pour justifier son annulation : d’abord, le fait qu’une fédération sportive internationale puisse bénéficier du dispositif « au seul motif que cette fédération est reconnue par le Comité international olympique ».

Or, si l’on peut en effet imaginer que l’installation d’une entité comme la FIFA satisfasse l’objectif poursuivi par le législateur (en termes de retombées économiques), on perçoit mal en quoi il en irait de même pour les plus petites fédérations bénéficiant également de la reconnaissance du CIO. Il apparaît dès lors incohérent d’offrir à toutes le même avantage fiscal. Ensuite, le Conseil constitutionnel souligne que l’exonération offerte aux salariés auraient bénéficié y compris à ceux déjà domiciliés fiscalement en France avant l’installation de leur fédération, relevant ainsi une autre forme d’incohérence avec l’objectif d’attractivité du territoire – qui, par hypothèse, ne peut concerner des personnes déjà résidentes en France.

Le gouvernement peut-il présenter un nouveau projet modifiant le périmètre de la double niche fiscale, afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel ?

Sur le papier, oui. Le gouvernement pourrait s’efforcer de mieux définir les fédérations concernées en se concentrant sur celles effectivement susceptibles de générer des retombées, notamment économiques, significatives. De même, à l’image de ce qui existe déjà pour les salariés « impatriés » (c’est-à-dire pour les salariés embauchés pour travailler en France et vivant précédemment à l’étranger), l’exonération offertes aux salariés des fédérations pourrait être limitée aux nouveaux arrivants sur le territoire.

Mais rien ne dit que d’autres caractéristiques du dispositif ne prêteraient pas à contestation sur le terrain constitutionnel. On pense tout particulièrement à la définition des activités pour lesquelles sont prévues des exonérations : malgré les efforts d’explication déployés par le gouvernement dans ses observations communiquées au Conseil constitutionnel, on peine à voir à quoi renvoient concrètement les « activités afférentes aux missions de gouvernance du sport ou de promotion de la pratique du sport ». Et, à vrai dire, si une définition à la fois plus précise et plus stricte de ces activités étaient proposées, il est à parier que l’effet d’attractivité en sortirait très amoindries, au risque d’une nouvelle forme d’incohérence avec l’objectif affiché.

Enfin, le dispositif soulève plusieurs difficultés au regard des engagements internationaux de la France. Volontiers assimilable à un « régime fiscal dommageable » (du point de vue des États qui verraient partir leurs résidents attirés par cet effet d’aubaine fiscal) contre lequel lutte l’OCDE, il s’avère surtout difficile à concilier avec le discours de contestation des « paradis fiscaux » que la France porte dans toutes les instances internationales.