Par Vincent Égéa, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille

Le PACS a marqué une rupture qui en annonçait d’autres

La loi du 15 novembre 1999 ayant créé le Pacte civil de solidarité, désigné communément par l’acronyme « PACS », fête aujourd’hui ses 25 ans. Cette forme juridique d’organisation des rapports pécuniaires au sein des couples et à l’égard de tiers, se trouve donc dans la force de l’âge. Elle semble aujourd’hui d’une grande banalité et a trouvé sa place au sein du Code civil et dans les mœurs (près de 200.000 pacs sont conclus chaque année, pour environ 240.000 mariages). À tel point que les jeunes générations peinent à imaginer le tumulte parlementaire dans lequel fut adoptée la loi consacrant le PACS. Des débats houleux succédèrent à des coups d’éclat au sein même de l’Assemblée nationale. On se souvient aussi d’une forme d’embarras de la majorité parlementaire de l’époque ou encore de la véritable réécriture par le Conseil constitutionnel de la loi sur le PACS (Cons. Constit. Déc. n° 99-419 DC du 9 nov. 1999, sur laquelle, cf. N. Molfessis, La réécriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel, JCP éd. G. 2000, I, 2010) à grands coups de réserves d’interprétation.

Ces éléments et ces événements font assurément partie de la mémoire collective et intime des juristes français ou, du moins, des plus anciens d’entre eux. En ce sens, et si l’on adopte un regard rétrospectif, l’adoption de la loi sur le PACS marque une rupture et annonce l’arrivée d’évolutions futures en droit civil. L’on songe évidemment à la loi relative au mariage pour tous ou encore à la réforme de la loi bioéthique faite par la loi du 2 août 2021.

Les dispositions de la loi créant le PACS en 1999 ont-elles été modifiées depuis ?

Puisque l’on prête bien volontiers aux Français un goût, voire une passion parfois immodérée, pour les célébrations et anniversaires, les 25 ans du PACS offrent l’occasion de s’interroger sur la portée, à la fois symbolique et opératoire, de la loi du 15 novembre 1999. Il convient d’emblée de préciser le propos en disant que le régime juridique du PACS fut rapidement affiné et débarrassé des importantes scories qui le caractérisaient initialement, avec la loi du 23 juin 2006. L’une des innovations les plus significatives consista à prévoir la mention du PACS en marge des actes de naissances des partenaires. Cette forme juridique de couple accédait alors à une véritable forme de consécration en concernant directement l’état des personnes et, par voie de conséquences, les structures familiales.

Depuis ce perfectionnement du régime du PACS, les partenaires ont le choix, quant à l’organisation de leurs rapports patrimoniaux entre, d’une part, un régime supplétif de séparation des biens, dans lequel les biens dont les partenaires ne peuvent prouver la propriété exclusive sont présumés indivis, conformément au droit commun (C. civ., art. 815 et ss.) et, d’autre part, un régime optionnel d’indivision dite des « acquêts », très fortement mutualiste car excluant tout recours d’un indivisaire contre l’autre au titre d’une contribution inégale (C. civ., art. 515-5-1). Des améliorations fiscales eurent tôt fait de parachever l’attrait pour cette forme juridique de couple, en permettant au partenaire désigné légataire, de bénéficier d’un abattement le plaçant dans une situation très proche de celle du conjoint survivant, à l’exception notable de l’absence d’usufruit légal lui assurant une pérennité de ses conditions de vie au-delà du décès de l’autre membre du couple. Au regard des effets de la réserve héréditaire, de l’usufruit du conjoint survivant et de la pension de réversion, des différences majeures demeurent entre le mariage et le PACS.

L’adoption de la loi sur le PACS en novembre 1999 et son amélioration par la loi du 23 juin 2006, constituent des étapes importantes dans l’élaboration du droit civil contemporain.  

Pour quelles raisons la création du PACS a-t-elle marqué une rupture et une évolution symboliques en droit civil ?

Avec la loi du 15 novembre 1999, les couples de personnes de même sexe accèdent à une forme de reconnaissance juridique. Quelques années auparavant, la jurisprudence persistait à retenir, sans doute pour provoquer une réaction législative, une définition du couple restreinte, notamment en droit des baux d’habitation, s’agissant de la mise en œuvre de la continuation du droit au bail, en particulier après le décès du compagnon preneur. Qu’il s’agisse de l’ouverture du PACS aux couples de personnes de même sexe ou de l’absence de référence à l’altérité sexuelle dans la définition du concubinage, cette dernière ayant été établie par la même occasion au sein du Code civil (C. civ., art. 515-8), la loi du 15 novembre 1999 constitue la première étape d’une nouvelle forme de pluralisme, reconnue et organisée par le droit, des différents types de famille. En ce sens, il s’agit du début d’une vague législative qui verra être réformé tout un pan du Code civil, et qui s’achève avec la loi du 17 mai 2013, dite « mariage pour tous », et avec la réforme de la loi bioéthique par la loi du 2 août 2021, ouvrant l’accès aux techniques de Procréation Médicalement Assistée aux couples de femmes et aux femmes seules. En ce sens, la loi du 15 novembre 1999 comporte une importance symbolique certaine, par la reconnaissance juridique des couples de personnes de même sexe à laquelle elle procède et par le régime identique qu’elle consacre, rompant ainsi avec une ère, au mieux, d’ignorance juridique et, au pire, de discriminations. 

Quel est l’apport pratique de la loi sur le PACS et de ses 25 ans de mise en œuvre ?

De manière plus opératoire et technique, la loi du 15 novembre 1999 met en place un régime juridique, qui sera largement perfectionné par la loi du 23 juin 2006, démontrant que l’organisation des rapports pécuniaires et patrimoniaux entre membres du couple, ainsi qu’à l’égard des tiers, peut ne pas reposer seulement sur l’institution matrimoniale. Quittant la logique du tout (l’institution matrimoniale) ou rien (« les concubins se désintéressent de la loi… »), le Code civil comporte alors en son sein une organisation juridique accordant une place conséquente à la liberté contractuelle. Certes, le contrat de mariage le permettait déjà entre époux mais, avec le PACS, la formation et la dissolution du couple ont aussi une nature contractuelle. En ce sens, même s’il est habituel de constater que le PACS s’est matrimonialisé, par l’édiction de règles indérogeables telles l’obligation d’assistance mutuelle réciproque, au point de devenir un quasi-mariage (selon l’expression de Ph. Simler et P. Hilt, in JCP éd. G 2006, I, 161), on peut se demander si, inversement, le mariage n’a pas également subi l’influence du PACS. Durant les 25 dernières années en effet, le droit positif a connu trois réformes du divorce (2004, 2016 et 2019), dont la deuxième, très remarquée, a déjudiciarisé le divorce par consentement mutuel. Ainsi, ce dernier repose entièrement sur une convention contresignée par avocat et déposée au rang des minutes d’un notaire.

Aussi, certains suggèrent régulièrement que le droit positif consacre une organisation juridique unique du couple, en fusionnant mariage et PACS dans une union civile. Le recul dont nous disposons désormais et la pratique actuelle du PACS démontrent que celui-ci a trouvé sa place et correspond généralement à une phase de la vie conjugale (premier achat d’un bien immobilier, arrivée d’un premier enfant), à l’instar des fiançailles de naguère. A chacun sa famille, à chacun son droit écrivait Carbonnier. Le pluralisme juridique mérite aussi d’être conservé s’agissant de l’organisation juridique du couple. Là réside sans doute le principal enseignement du quart de siècle écoulé depuis 1999.

Pour aller plus loin, on signalera qu’un colloque a eu lieu le 8 novembre 2024 à Aix-Marseille Université (Les 25 ans du PACS : bilan et perspectives). Les actes seront publiés par les éditions LexisNexis, dans la revue Droit de la famille du mois de décembre 2024.