Par Adrien Fourmon, Avocat associé, Jeantet AARPI

Que sont les PFAS et pourquoi s’y intéresser ?

Sous l’acronyme bien connu de « PFAS », se cachent les per- et polyfluoroalkylées, également surnommés « les polluants éternels » du fait de leur composition résistante et leur difficulté à disparaitre. Il s’agit ni plus ni moins de molécules issues de l’industrie chimique, et intégrées à de multiples usages, ces PFAS ayant un rôle crucial dans nombre de productions industrielles. Depuis les années 1950, on rencontre ces polluants éternels dans la plupart des objets du quotidien, tels que les ustensiles de cuisine, le textile vestimentaire, les cosmétiques. Ils se retrouvent également dans l’industrie, tels que dans les peintures, les tuyaux, les cuves, les joints. On en retrouve également dans certains produits médicaux.

Ils doivent leur succès au fait qu’ils ont le mérite d’être antiadhésifs, ultra-résistants à la chaleur, et imperméables. Désormais, leur invulnérabilité à la plupart des formes de dégradation, selon un expert en santé-environnement, alors qu’ils contaminent peu à peu la chaine alimentaire jusqu’à l’homme, est prise en considération.

Pour autant, il y a une réelle insuffisance de règles juridiques pour encadrer l’utilisation des PFAS. La prise de conscience de l’impact sur l’environnement et la santé est récente et la gestion des PFAS apparaît donc comme une priorité absolue au regard de l’importance des enjeux sanitaires et environnementaux. En effet, l’actualité en la matière est préoccupante. Il apparaît que le traitement des PFAS va devenir un enjeu majeur pour les industriels, notamment en ce qui concerne la gestion des sites contaminés par ces substances. La règlementation au niveau des denrées alimentaires, des milieux aquatiques et de l’eau potable ne semble plus suffire. C’est ce qui conduit les pouvoirs publics à prendre aujourd’hui des mesures d’interdiction et de sanctions, en appliquant le principe du pollueur-payeur.

Pourquoi les interdire ?

Le constat de ces dernières années, étroitement lié à la volonté de protéger notre environnement, a conduit à démontrer que ces « polluants éternels » pouvaient avoir des impacts sur la santé et l’environnement. L’Agence européenne pour l’environnement a relevé de nombreux risques sanitaires en lien avec l’exposition aux PFAS, tels que les maladies thyroïdiennes ou le développement de cancers, d’hypertension, et de cholestérol.

Ces polluants ont une tendance à contaminer durablement le sol et les eaux souterraines, comme cela a été relevé récemment à Metz, où les habitants ont dû être informés de la présence de PFAS dans l’eau qui coule dans leur robinet. Pour cette raison, cette proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale vise à restreindre l’exposition des Français à ces composés chimiques.

Par ailleurs, plusieurs actions judiciaires ont été ouvertes depuis une quinzaine d’années notamment aux Etats-Unis, en Australie, et en Europe (Italie, Belgique, Suède). Très récemment, une information judiciaire pour « mise en danger d’autrui » a été ouverte dans la région lyonnaise, dans la vallée de la chimie. Fin mars, la Métropole de Lyon a ainsi saisi le juge des référés du Tribunal judiciaire de Lyon, pour tenter de faire appliquer le « principe pollueur-payeur » aux industriels Arkema et Daikin, compte tenu des coûteux travaux engendrés sur ses réseaux d’eau potable. Un risque contentieux désormais avéré pèse donc sur les entreprises rejetant des PFAS dans l’environnement.

Certaines affaires à l’étranger ont déjà fait l’objet de transactions, permettant d’éviter des poursuites judiciaires. Le groupe américain 3M a ainsi accepté, en juin 2023, de verser jusqu’à 12,5 milliards de dollars entre 2024 et 2036 dans le cadre des poursuites engagées aux Etats-Unis par plusieurs réseaux publics de distribution d’eau potable, afin de financer des technologies de traitement des eaux contaminées par les PFAS. Trois autres groupes chimiques américains, Chemours, DuPont et Corteva, ont conclu en juin 2023 un accord de près de 1,2 milliard de dollars, afin d’éviter des poursuites pour la contamination de l’eau potable à travers les Etats-Unis par des PFAS. En Belgique, 3M avait également conclu en juillet 2022 un accord avec les autorités régionales de Flandre prévoyant 571 millions d’euros pour assainir les sols et contrôler une éventuelle pollution de l’air autour de son usine de Zwijndrecht (nord). Mais inscrite dans le droit, l’interdiction de recourir à des polluants éternels pourrait changer les choses.

Peut-on et doit-on tous les proscrire ?

De fait, la prise de conscience de la gravité de cette pollution par l’opinion publique et les autorités politiques est relativement tardive. Le premier rapport public sur la question rédigé sous l’égide de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) date de 2023.

Le projet de loi, s’il venait à être définitivement adopté et à entrer en vigueur, serait donc un premier pas vers une réduction de ces polluants en France et permettrait de commencer à pallier l’insuffisance actuelle du cadre juridique applicable. Toutefois, le projet de loi ne semble pas radical pour l’instant, au regard des enjeux.

La preuve en est que l’industriel SEB, leader mondial des poêles antiadhésives, a obtenu une exemption pour les ustensiles de cuisine. Le directeur de l’entreprise avait déclaré que le revêtement antiadhésif de ses poêles n’était pas dangereux, et que l’interdiction des PFAS serait disproportionnée par rapport à la menace qui pèserait alors sur les 3.000 emplois concernés. Il s’est engagé néanmoins à réduire le recours aux polluants éternels.

Obligations ou recommandations, en tout état de cause, les polluants éternels ne peuvent pas tous être aisément proscrits en l’état actuel, faute d’alternatives. A noter que du côté des industriels, certaines parties prenantes, notamment France Chimie, ainsi que des groupes dans le secteur de la défense et de l’aéronautique, tentent de s’opposer à ces interdictions en devenir.

Pour l’instant, la solution la plus adaptée semblerait de définir un niveau de dangerosité pour chaque catégorie de polluants éternels, limitant les interdictions aux plus dangereux. Mais, il faut avant d’interdire, pouvoir trouver des solutions alternatives.

A titre d’exemple, certaines entreprises recherchent des solutions de traitement et d’assainissement de ces polluants. Il paraitrait qu’au-delà d’une certaine température, une minéralisation du PFAS soit efficace.