Aménagement de peine de Pierre Palmade, choquant… ou pas ?
Depuis l’arrêt rendu le 16 avril 2025 par la Cour d’appel de Bordeaux plaçant Pierre Palmade sous bracelet électronique, les réactions se multiplient sur le caractère choquant, spécialement pour les victimes, d’une libération aussi rapide. Pierre Palmade avait été incarcéré le 9 décembre 2024. Quelles sont les conditions d’octroi et les effets de l’aménagement d’une peine d’emprisonnement en une peine de détention à domicile sous surveillance électronique ?

Par Evelyne Bonis, Professeur agrégé de droit privé et sciences criminelles à l’Université de Bordeaux, le 22 avril 2025
Dans le cas de Pierre Palmade, pouvait-on aménager aussi tôt la peine d’emprisonnement ?
En autorisant Pierre Palmade à quitter l’établissement pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan où il était détenu depuis le 9 décembre 2024, la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Bordeaux met en œuvre, de façon somme toute très classique, les dispositions légales relatives aux aménagements de peine.
Selon les principes régissant l’exécution de la peine, « toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté dans le cadre d’une mesure de…détention à domicile sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte… » (C. pr. pén., art. 707, III). Pour certains de ces aménagements, il est prévu un temps d’épreuve, à savoir un délai minimum d’incarcération avant de pouvoir prétendre au bénéfice de la mesure. Ainsi la libération conditionnelle suppose que le condamné soit à mi-peine, autrement dit qu’il ait purgé autant qu’il lui reste à purger (C. pr. pén., art. 729). Toutefois, cette exigence n’est pas systématique. Certaines mesures peuvent être accordées alors que le condamné n’a purgé qu’une plus faible partie de sa peine. Tel est le cas de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE). Le juge peut prévoir que la peine s’exécutera sous ce régime dès lors que la durée de la peine restant à subir n’excède pas deux ans. Le texte ne fait en l’occurrence aucune référence à la durée d’ores et déjà subie (C. pr. pén., 723-7). Une DDSE au terme d’une période d’incarcération de seulement 4 mois est donc conforme à la légalité.
Trop court pour certains, largement suffisant pour d’autres, un séjour en détention même bref s’était toutefois imposé. Or, tel n’est pas le cas pour toute personne condamnée à une courte peine d’emprisonnement. Certains aménagements de peine dont la DDSE sont possibles, dans certains cas, dès le prononcé de la peine. Ils ne supposent donc pas nécessairement que la personne ait fait l’objet d’une incarcération même pour une courte durée. Dès le jugement de condamnation, le tribunal correctionnel peut, en effet, en même temps qu’il prononce une peine d’une durée maximale fixée à 1 an d’emprisonnement depuis la loi du 23 mars 2019 – 2 ans auparavant -, décider d’aménager celle-ci sous la forme d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur ou d’une DDSE. L’aménagement de ces courtes peines est même encouragé par le législateur qui prévoit que la peine doit être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle (C. pén., art. 132-19). Dans le cas de Pierre Palmade, la peine prononcée excédait ce maximum légal d’1 an. Elle n’avait donc pu être aménagée au moment de son prononcé par le tribunal correctionnel de Melun. En revanche, la requête en aménagement de peine transmise au tribunal de l’application des peines (TAP) de Bordeaux ayant conduit au jugement du 26 mars 2025 était parfaitement recevable. La peine pouvait être aménagée en DDSE ce qui a été confirmé en appel, par la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Bordeaux par arrêt du 16 avril 2025.
Quelles sont les obligations de la détention à domicile sous surveillance électronique accordée ?
L’aménagement de peine sous forme de DDSE signifie que la personne quitte l’établissement pénitentiaire où elle est incarcérée. Toutefois, l’octroi de cette mesure n’est pas synonyme de cessation de la surveillance ni même de levée d’écrou. Le condamné placé sous DDSE reste suivi par le juge. Il est soumis à deux types d’obligations.
En premier lieu, il est obligatoirement tenu à une obligation de respecter les termes de l’assignation à résidence. Au moyen d’un procédé électronique, sa présence dans le lieu et aux horaires fixés par le juge est contrôlée (C. pr. pén, art. 723-8). Concrètement, le condamné qui y consent, est équipé d’un dispositif communément appelé bracelet électronique intégrant un émetteur qui délivre des signaux que capte un récepteur installé au lieu d’assignation et transmis à une cellule de surveillance. La réception des signaux par ce service signifie que la personne est bien à l’instant T au lieu d’assignation. La cessation de la transmission indique que la personne n’est plus au lieu d’assignation ou qu’un incident s’est produit. Le centre de surveillance est ainsi en mesure d’effectuer, en continu, un contrôle de la concordance des périodes d’émission des signaux et des périodes de sortie autorisées par le juge.
En second lieu, le juge de l’application des peines compose un régime spécifique à chaque condamné en lui imposant l’observation d’une ou plusieurs obligations parmi une longue liste de mesures possibles (C. pr. pén., art. 723-10). Certaines sont des obligations de faire : exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle, se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation ou encore réparer en tout ou partie, les dommages causés par l’infraction… D’autres sont des obligations de ne pas faire : ne pas se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, s’abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés… S’agissant des obligations en lien avec la santé, le texte prévoit que les mesures peuvent consister en une injonction thérapeutique lorsqu’il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques (C. santé publ., art. L. 3413-1 à L. 3413-4). Dans le cas de P. Palmade, l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 16 avril 2025 a confirmé la décision d’aménager la peine mais a modifié les horaires de sortie pour les réduire à deux heures seulement par jour programmées en soirée afin de lui permettre de suivre des modules de soins prescrits. La juridiction du second degré a ajouté une interdiction d’entrer en contact avec les victimes.
Quelles sont les conséquences de l’aménagement sur la peine ?
L’aménagement de la peine privative de liberté en DDSE ne marque pas la fin de l’exécution de la peine. Certes, Pierre Palmade n’est plus privé de liberté dans un établissement pour peine, mais il n’est pas pour autant libre de ses mouvements. Il doit quotidiennement satisfaire aux obligations imposées par la cour, car il continue de purger sa peine. Tout manquement aux obligations prescrites pourrait conduire le juge à modifier les obligations de la DDSE (C. pr. pén., art. 723-11) – il pourrait ainsi revoir les horaires de sortie, ajouter ou retirer des obligations – et même à retirer purement et simplement le bénéfice de la mesure. Ce retrait de la DDSE aurait pour conséquence de conduire à une nouvelle incarcération pour tout ou partie de la durée de la peine qui lui restait à accomplir au jour de sa détention à domicile sous surveillance électronique (C. pr. pén., art 723-13). L’aménagement de la peine en DDSE n’est donc pas équivalant à une fin d’exécution de la peine. Le condamné poursuit l’exécution de celle-ci sous le contrôle du JAP de son lieu d’assignation (C. pr. pén., art. 712-10). Seul le lieu d’exécution de la peine est modifié : exécution à domicile (désigné comme lieu d’assignation) et non au sein d’un établissement pour peine.
En outre, il convient de rappeler que les deux années d’emprisonnement qui correspondent à la durée de la partie ferme de la peine prononcée à l’encontre de Pierre Palmade ne marqueront pas la fin des obligations pénales pesant sur lui. La peine prononcée par le tribunal correctionnel en novembre 2024 pour blessures involontaires par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur aggravées est en effet une peine de 5 ans d’emprisonnement dont 2 ans fermes, ce qui signifie qu’au terme des 2 premières années, il sera encore astreint aux obligations d’un sursis probatoire pendant une durée de 3 ans (C. pén., art. 132-40). Un suivi judiciaire de l’exécution de la peine se poursuivra donc après la fin de l’exécution de la DDSE pendant les trois années de probation. Le JAP contrôlera le respect des mesures de contrôle auxquelles tout condamné à un sursis probatoire soit se soumettre – répondre aux convocations du JAP du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), prévenir le SPIP de tout changement de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait 15 jours et rendre compte de son retour … (C. pén., art.132-40 pour une liste exhaustive de ces mesures obligatoires) ainsi que celui des obligations particulières spécialement imposées par le jugement de condamnation (C. pén., art. 132-45) et pourra adapter, au gré de l’exécution de la mesure, son contenu. Ainsi, l’interdiction d’entrer en contact avec certaines personnes dont la victime pourra perdurer au-delà de la DDSE puisque cette interdiction fait partie des obligations qui peuvent être imposées au titre du sursis probatoire (C. pén., art. 132-45, 13°), tout comme l’interdiction de se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins (même art., 3°).