Démission du Président de la République française : mode d’emploi
Les appels à la démission du président de la République se sont multipliés ces derniers jours, à tel point qu'Emmanuel Macron a précisé, lors de son allocution télévisée du 5 décembre, qu'il poursuivrait l'exercice de son mandat jusqu'à son terme. Quelles seraient les conséquences en cas de démission du président ?
Par Bertrand Mathieu, Professeur émérite de l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, Ancien Conseiller d’Etat (S.E.), Expert du Club des juristes
Quelles seraient les causes pouvant conduire à la démission du président de la République ?
Emmanuel Macron a été réélu pour un second mandat, qui a débuté le 14 mai 2022 et devrait théoriquement s’achever le 13 mai 2027. Toutefois, plusieurs événements peuvent entraîner la fin anticipée du mandat du président de la République.
La première cause possible est le décès ou l’empêchement définitif du chef de l’État, une situation constatée par le Conseil constitutionnel. À titre d’exemple, bien que les présidents Pompidou (décédé en cours de mandat) et Mitterrand aient été confrontés à des problèmes de santé graves, ces derniers n’ont pas conduit à la mise en œuvre d’une telle procédure. Heureusement, elle comporte peu de risques d’atteindre le « jeune » président Emmanuel Macron.
La deuxième hypothèse concerne la destitution, prévue à l’article 68 de la Constitution. Elle peut être prononcée à la suite d’un vote à la majorité des deux tiers des membres de chaque assemblée, puis par les deux assemblées réunies en Haute Cour, en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Cela peut concerner, par exemple, un crime ou un délit grave, ou encore une violation de la Constitution. Cette procédure, qui n’est ni pénale ni véritablement politique, est délibérément complexe et difficile à mettre en œuvre. D’ailleurs, la tentative de destitution lancée par les députés « insoumis » après les dernières élections législatives n’a pas abouti.
Enfin, la dernière situation qui pourrait entraîner la fin du mandat, et celle qui suscite le plus de débats politiques, est la démission volontaire du président. Juridiquement, une démission ne peut être imposée, mais politiquement, la question se pose différemment. Le président pourrait décider de démissionner si la situation politique lui semble propice à une réélection. Cependant, cette hypothèse doit être écartée, Emmanuel Macron ne pouvant être immédiatement candidat à sa succession. Une démission pourrait également être envisagée si la situation politique devenait ingérable et n’offrait d’autre issue.
Il est important de noter que la démission du président ne résoudrait pas automatiquement la question de la majorité parlementaire. En effet, le nouveau président ne pourrait dissoudre l’Assemblée nationale dans l’année suivant les élections consécutives à une dissolution. Deux scénarios méritent toutefois d’être envisagés. Le premier pourrait découler d’une censure généralisée des gouvernements formés sous l’autorité du président, rendant, de fait, la démission inévitable. Le second pourrait résulter d’un désaveu massif de la part des électeurs, à la suite d’une nouvelle dissolution à partir de juillet 2025, ce qui inciterait le président à se retirer.
Les démissions de Mac-Mahon (1879) et de Millerand (1924) sous la IIIe République, ou, dans un contexte différent, celle du général de Gaulle en 1969 à la suite d’un référendum perdu, constituent des précédents.
Quelles seraient les conséquences institutionnelles d’une démission du président de la République ?
En vertu de l’article 7 de la Constitution, en cas de vacance de la présidence de la République, comme ce serait le cas en cas de démission du président Macron, l’intérim est assuré par le président du Sénat.
L’élection d’un nouveau président doit avoir lieu entre vingt et trente-cinq jours après l’ouverture de la vacance. Dans le cas qui nous intéresse, cela se produirait après la démission effective du président, bien que ce dernier puisse choisir de différer la prise d’effet de sa démission après son annonce. La Constitution prévoit toutefois que ces délais peuvent être modifiés en cas de force majeure, une situation de crise ou de troubles majeurs qui empêcherait la tenue du scrutin, comme cela pourrait être constaté par le Conseil constitutionnel.
La question du recueil des parrainages dans le délai prévu par la Constitution
Un député insoumis a adressé au ministre de l’Intérieur une question portant sur le recours au parrainage dans le cadre d’une élection intervenant à la suite d’une démission du président de la République. En effet, la candidature à la présidence de la République est conditionnée à une présentation par 500 élus, dans les conditions fixées par la loi organique 62-1292.
Dans le cadre d’une élection intervenant dans des conditions normales, la période de recueil débute avec la publication d’un décret de convocation des électeurs « au moins dix semaines avant la date du premier tour » et se termine, au plus tard, le sixième vendredi avant le premier tour. Mais lorsque l’élection intervient à la suite, notamment, d’une démission, la loi organique dans sa rédaction du 27 octobre 2021 dispose que les présentations doivent parvenir au Conseil constitutionnel, au plus tard, le troisième mardi précédant le premier tour de scrutin à dix-huit heures.
Supposons que la démission intervienne le mardi 15 avril 2025 (le choix de cette date étant tout à fait arbitraire), les élections devront se tenir, au plus tard, le dimanche 18 mai 2025. Dans ce cas, les présentations devront être adressées au Conseil, au plus tard, le mardi 29 avril 2025. Les élus disposeront alors de deux semaines (les délais peuvent varier en fonction de la date de la démission), au lieu d’environ quatre semaines en temps normal, pour adresser au Conseil leur formulaire de « parrainage ». Le délai est incontestablement bref, d’autant plus que la démission peut être inopinée, alors qu’en temps normal, les candidats commencent à rechercher les signatures en amont d’un calendrier connu.
Bien que cette règle, visant à réduire la durée de l’intérim, puisse compliquer la situation pour certains candidats, elle ne rend pas la procédure insurmontable. Par ailleurs, étant issue d’une disposition organique, elle serait difficile à modifier avant qu’une telle situation ne se présente. Le ministre de l’Intérieur n’a aucune marge de manœuvre à cet égard, sauf à faciliter les conditions matérielles permettant la mise en œuvre de cette procédure.