Laure Lavorel, Présidente du Cercle Montesquieu, et Basile Ader, Ancien vice-bâtonnier de Paris, associé chez August Debouzy

Comment vous est venue cette idée ?

Basile Ader : Nous avons coanimé au début de la période de confinement une table ronde par webinar sur la force majeure et l’imprévision. Y sont intervenus des juges consulaires qui nous ont dit leur inquiétude de voir affluer un trop grand nombre de dossiers de ruptures contractuelles directement consécutives à l’interdiction qui a été faite à beaucoup d’entreprises de continuer de travailler. Nous avons alors imaginé qu’il fallait peut-être créer, comme cela été fait pour nos services de santé, « un hôpital de campagne » pour désengorger le tribunal.

Laure Lavorel : Nous avons alors réuni toute une équipe pour créer une plateforme de conciliation « spéciale Covid ». La réalisation de ce projet est portée par Paris Place de Droit grâce à la collaboration active du Barreau de Paris avec les associations de juristes d’entreprise, Cercle Montesquieu et AFJE ; nous bénéficions de la forte mobilisation du tribunal de commerce de Paris.

Comment cette instance va-t-elle fonctionner ?

Laure Lavorel : Cette instance temporaire aura vocation à offrir la possibilité d’une résolution non judiciaire des litiges, aux entreprises ayant eu à connaitre des inexécutions contractuelles de la part de leurs partenaires commerciaux affectés par le confinement. Cet accompagnement sera encadré par des « tiers-conciliateurs » ; lesquels sont issus de la grande communauté des juristes (juges consulaires, avocats, directeurs juridiques, huissiers de Justice, professeurs, arbitres). Leur liste a été établie conjointement par toutes les parties intervenantes. Elle pourra être élargie pour être adaptée aux besoins.

Basile Ader : Les tiers conciliateurs seront saisis sur requête conjointe des parties, sans limitation de compétence territoriale. La requête conjointe est essentielle à l’esprit qui préside à ce projet. Les parties devront simplement indiquer sur la plate-forme, la nature de leur différend en s’acquittant des frais de fonctionnement, qui sont très limités puisque de 100 € par parties. Après vérification de la recevabilité de leur demande (touchant d’une part à leur qualité de commerçant, et d’autre part, à ce qu’il s’agit bien d’une inexécution contractuelle pour cause de Covid), elles se verront désigner un tiers conciliateur qui, au vu de l’analyse de la situation juridique du différend, tentera de trouver un accord entre les parties (continuation du contrat, renégociation, délais, transaction…). A défaut d’accord, les parties seront orientées vers les voies habituelles de règlement des conflits.

Cette instance interviendra donc en amont du contentieux ?

Laure Lavorel : Exactement, il s’agit de préserver l’écosystème des entreprises, avant que la situation ne risque de dégénérer. C’est la raison pour laquelle la requête conjointe est fondamentale. Il faut une démarche constructive, où la bonne volonté, la bonne foi des parties sont fondamentales…

Basile Ader : Comme est fondamental le fait que l’on arrive vite à trouver une issue. Il ne s’agit pas de faire perdre du temps aux entreprises, mais au contraire de participer à une relance active de l’activité économique. C’est la raison pour laquelle cette instance préalable de conciliation devra être menée dans des délais les plus brefs. Pour reprendre l’image de l’hôpital de campagne, ce sera un lieu de « tri » entre les affaires qui devraient pouvoir se régler vite et bien, en bonne intelligence, et celles qui relèvent d’un traitement judiciaire classique.

C’est donc une offre en amont qui est ainsi proposée aux entreprises, et uniquement pour ce qui ressort des difficultés contractuelles causées par la crise sanitaire.

Comment seront désignés les tiers conciliateurs ?

Laure Lavorel : Nous allons voir si les demandes vont affluer ou non. Il n’est pas question de les surcharger de travail. On choisira selon les appétences et compétences de chacun, et suivant un tableau de roulement. Les tiers conciliateurs interviendront gracieusement. Ce sera là, la part que prendra la communauté des juristes à l’effort de solidarité nationale qu’appelle la période que nous traversons. C’est ainsi l’ensemble des professions du Droit qui se mobilisent au service des entreprises et au soutien de l’économie !

 

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