Israël-Iran : en quoi consiste le débat prévu à l’Assemblée nationale ?
Mercredi 25 juin, à l’Assemblée nationale, M. F. Bayrou fera, au nom du gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution, une déclaration suivie d’un débat sur la situation au Proche et Moyen-Orient qui ne donnera pas lieu à un vote.
Par Georges Bergougnous, Ancien Directeur du service des affaires juridiques de l’Assemblée nationale, Docteur en droit et Chercheur associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Que prévoit cet article ?
L’article 50-1 permet au gouvernement, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire, de faire devant l’une ou l’autre assemblée une déclaration à caractère thématique suivie d’un débat, et éventuellement d’un vote, sans que ce dernier mette en cause sa responsabilité.
Cette disposition, introduite en 2008 par un amendement de la commission des lois de l’Assemblée nationale, constituait une alternative aux résolutions de portée générale, interdites depuis 1959 (Conseil constitutionnel, décision n° 59-2 DC du 24 juin 1959), dont le projet de loi constitutionnelle prévoyait l’inscription dans la Constitution mais que les députés, de crainte précisément qu’elles ne conduisent à une mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, avaient supprimée par amendement. Le Sénat ayant rétabli l’introduction des résolutions avait logiquement supprimé les déclarations thématiques, mais le Constituant parlementaire a finalement maintenu les deux procédures qui figurent respectivement aux articles 34-1 et 50-1 de la Constitution.
Conformément au règlement de chaque assemblées (articles 132 à l’A.N. ; 39 et 29ter au Sénat) le débat est organisé par leur conférence des présidents selon des règles voisines permettant à chaque groupe de s’exprimer, l’Assemblée prévoyant seule cependant des explications de vote en cas de scrutin.
Quel est l’objectif de ce débat sans vote ?
Ce débat tend à assurer l’information du parlement et à permettre au gouvernement, à l’occasion d’événements internationaux ou d’importants sujets d’actualité, d’exprimer sa position et de recueillir publiquement celles des groupes politiques. Il s’inscrit dans ce souci de revitalisation du débat parlementaire et du dialogue entre les pouvoirs publics que visait également à assurer, mais incontestablement avec un moindre succès, la prise de parole du Président de la République devant le Congrès prévue à l’article 18 de la Constitution.
La souplesse d’utilisation de cette procédure doit être soulignée puisque le gouvernement peut choisir de ne s’adresser qu’à une seule des assemblées ou aux deux, et de faire ou non suivre sa déclaration d’un vote, dont le résultat est sans conséquence juridique sur son maintien en fonction. Ainsi, en 2020, les déclarations d’E. Philippe sur le plan de déconfinement puis de J. Castex sur le l’évolution de la situation sanitaire ont fait l’objet d’un vote négatif au Sénat. Enfin, si en pratique les déclarations sont d’initiative gouvernementale, la procédure n’en prévoit pas moins la possibilité pour les groupes politiques, y compris d’opposition, d’en demander l’organisation, sans que le gouvernement soit tenu d’y faire droit.
Dès l’origine, la procédure a connu un réel succès. Tous les Premiers ministres y ont recouru. Depuis 2017, près de 70 déclarations de ce type ont eu lieu dans les deux assemblées et très majoritairement -dans plus de 70% des cas- sans vote.
En l’espèce, le sujet en cause -la situation au Proche et Moyen-Orient- s’y prête tout particulièrement, l’article 50-1 étant couramment utilisé lors de crises internationales, comme en témoignent de récents précédents concernant la guerre en Ukraine.
Le recours à cet article de la Constitution est-il régulier ?
Si les termes de la Constitution sont formellement respectés, la logique institutionnelle de la Vème République, qui fait du chef de l’Etat l’acteur majeur en matière internationale et de défense, semble ici avoir prévalu. Vendredi dernier, le Président de la République a annoncé qu’après en avoir « parlé avec le Premier ministre, [il] souhait[ait] que le gouvernement puisse organiser un débat sur ce sujet, conformément à l’article 50-1 de notre Constitution ».
Le gouvernement a ainsi fait savoir en conférence des présidents que l’ordre du jour du mercredi 25 juin, situé en semaine gouvernementale, serait modifié pour accueillir la déclaration puis le débat au cours duquel, conformément au Règlement, les groupes d’opposition disposeront de la moitié (soit 75 minutes) du temps global alloué aux groupes (2 heures1/2), les présidents des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes disposant en outre de 5 minutes chacun, de même qu’un député non-inscrit. Le gouvernement a fait le choix de ne prononcer sa déclaration cette semaine qu’à l’Assemblée, mais il est vraisemblable qu’il y procèdera également au Sénat, l’ordre du jour de la session extraordinaire ayant été complété pour le permettre.
Initialement prévu pour favoriser la tenue de débats sectoriels, l’article 50-1 a été utilisé durant la dernière et l’actuelle législature, en l’absence de majorité solide soutenant l’Exécutif, comme substitut à l’engagement de responsabilité devant l’Assemblée nationale prévu par l’article 49, al. 1. Ainsi, les premiers ministres successifs, E. Borne en juillet 2022, G. Attal en janvier 2024, M. Barnier en octobre 2024 et F. Bayrou en janvier 2025 ont fait, en s’appuyant sur cet article, une déclaration de politique générale devant l’Assemblée qu’ils ont fait lire au Sénat et sans la faire suivre d’un vote. De même, au Sénat, plusieurs gouvernements avaient privilégié le recours à la procédure du 50-1 plutôt qu’à celle de l’article 49, al. 4, prévoyant l’approbation d’une déclaration de politique générale. Son utilisation aux seules fins d’éviter un scrutin avait suscité des protestations de certains sénateurs qui y avaient vu un détournement de la Constitution. Depuis 2022, son usage systématique pour les mêmes raisons à l’Assemblée a été critiqué par les oppositions au motif qu’il les empêchait de se prononcer par un vote et a conduit au dépôt de motions de censure.
En tout état de cause, le Conseil constitutionnel, qui n’a qu’une compétence d’attribution, ne peut être appelé à se prononcer sur ce point.