Par Marie Leroux-Campello Maître de conférences à l’Université Paris-Panthéon-Assas

Comment est définie la participation à une organisation criminelle ?

L’article 9 de la proposition de loi, qui prévoit la création d’un nouvel article 450-1-1 du Code pénal, définit l’organisation criminelle comme « tout groupement ou toute entente prenant la forme d’une structure existant depuis un certain temps et formée en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou de plusieurs crimes et, le cas échéant, d’un ou de plusieurs délits ».

Ainsi, la notion ne se confond pas avec l’association de malfaiteurs, puisqu’elle vise une organisation structurée et non un simple groupement formé ou une entente. Elle s’en distingue également, car contrairement à l’association de malfaiteurs, constituée en vue de préparer un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, l’organisation criminelle tend à la préparation d’un ou plusieurs crimes (soit des infractions punies d’au moins 10 ans de réclusion), et le cas échéant un ou plusieurs délits.

Ensuite, contrairement à l’association de malfaiteurs, qui permet de poursuivre la simple participation à un groupement, c’est ici le concours au fonctionnement de l’organisation qui est incriminé. Trois types d’actes sont alors visés pour caractériser ce concours. Il peut s’agir d’un ou plusieurs faits matériels (renvoyant ainsi à un acte positif) démontrant directement ou indirectement un lien avec l’organisation, lequel est apprécié de manière souple. Ces faits peuvent établir soit que la personne joue un rôle dans l’organisation, soit qu’elle fournit des prestations, soit encore qu’elle perçoit ou verse une rémunération à ses membres.

Quels aspects pourraient soulever des difficultés au regard du principe de nécessité des délits et des peines ?

L’infraction n’exige pas qu’une infraction soit effectivement commise (si c’était le cas d’autres qualifications plus graves trouveraient à s’appliquer – c’est le principe même de l’infraction dite obstacle), mais plus encore, et à la différence de l’association de malfaiteurs, il n’est pas nécessaire que ce concours tende à la préparation d’une quelconque infraction. Autrement dit, aucune implication dans une activité criminelle ou son prélude n’est recherchée. Il ne s’agit pas ici d’appréhender des actes préparatoires à la commission d’une infraction.

Pour tenter de préserver le principe de nécessité des délits et des peines qui fonde la légitimité de l’intervention du droit pénal, il est certes requis que le concours au fonctionnement de l’organisation soit fréquent ou important et que la personne y ait procédé sciemment. Toutefois, ces formules n’imposent ni la commission d’un acte en relation immédiate avec l’organisation criminelle ni l’adhésion à ses objectifs.

L’incrimination est ainsi critiquée pour le resserrement du filet pénal qu’elle permet sur des actes plus encore diffus que ceux déjà saisis par le biais de l’association de malfaiteurs.

Par exemple, le patron d’un restaurant qui, sciemment, accueillerait régulièrement des individus participant à un trafic de stupéfiants pourrait voir sa responsabilité pénale engagée sur ce fondement et encourrait ainsi la peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende prévue.

Quelles sont les autres dispositions de droit pénal spécial contenues dans la proposition de loi ?

La majeure partie des autres dispositions de droit pénal spécial que la proposition de loi envisage d’intégrer ou de réformer devrait poser moins de difficultés au regard du principe de nécessité. Qu’on songe à la criminalisation de l’association de malfaiteurs lorsque l’infraction préparée est un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité ou pour lequel la loi prévoit une répression aggravée en raison de sa commission en bande organisée, (art. 9 de la proposition de loi) ou à l’extension de la circonstance aggravante de bande organisée à la corruption privée (art. 22 bis de la proposition).

Quant à la création d’une nouvelle incrimination de publication sur une plateforme de contenu accessible aux mineurs leur proposant de transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants ou de se rendre complice de tels actes (art. 10 de la proposition), qui vise à lutter contre le recrutement par les narcotrafiquants de mineurs, via les réseaux sociaux, est-elle bien utile ? L’infraction existante de provocation de mineur à participer à un tel trafic prévue à l’article 227-18-1 du code pénal, que la proposition prévoit également d’étendre et qui peut déjà se faire par tout moyen, ne permet-elle pas de couvrir ces hypothèses ? Une question que le législateur devrait aussi se poser lors de l’examen du texte en séance.