Le code pénal français est-il adapté aux crimes sériels ?
Dino Scala, surnommé « le violeur de la Sambre », a été condamné à 20 ans de prison - la peine maximale encourue - pour 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d’agressions sexuelles. Soit 56 victimes au total. Pourquoi 20 ans seulement, alors qu’il n’y a pas une, mais des dizaines de victimes ? Le code pénal français est-il vraiment adapté aux crimes sériels ?
Par Karine Bourdié, avocate au barreau de Paris et co-présidente de l’association des avocats pénalistes
Cela s’explique par les articles 132-2 et 132-3 du code pénal, qui prévoient un mécanisme de non-cumul des peines en cas de « concours réel d’infraction ». Selon ces termes obscurs, comme seuls les juristes les affectionnent vraiment, si quelqu’un commet une infraction avant d’avoir été définitivement condamné pour une autre – c’est ce qu’on appelle des infractions en concours – et que les faits sont jugés à l’occasion d’une seule et même procédure, alors la peine encourue va être la peine la plus élevée pour l’un de ces crimes. En l’occurrence 20 ans de réclusion, ce qui est la peine encourue en cas de viol aggravé.
Dans l’affaire de la Sambre, les viols ont été commis pendant trente ans, et leur auteur n’a été poursuivi qu’à la fin de son parcours criminel, pour l’ensemble de ce qu’il a commis. Ce parcours n’a pas été émaillé d’arrestations et de condamnations, qui auraient pu entraîner, s’il avait recommencé après sa sortie d’incarcération par exemple, le mécanisme de la récidive. Ce dernier permet, lui, d’augmenter considérablement la peine encourue. C’est-à-dire qu’on ne va pas là procéder à un empilement qui aboutirait à ce que pour 56 victimes, il soit condamné à 150 ans de prison, comme on le voit par exemple aux États-Unis.
Pourquoi cela n’existe-t-il pas dans notre droit ?
Parce que notre droit pénal n’est pas simplement un droit qui sanctionne, c’est aussi un droit qui veut croire en la possibilité d’une réinsertion et d’un amendement du condamné. C’est l’article 130-1 du code pénal. C’est un droit qui prévoit donc des peines réalistes, concevables à la hauteur d’une échelle de vie humaine.
Il ne faut pas croire pour autant que ce soit un droit laxiste ou négligeant de ce point de vue-là, parce que de nos jours, en cas de condamnation pour un crime grave, tout un arsenal est prévu pour que vous ne puissiez pas ressortir dans la nature sans être suivi de très près, sans qu’on vous oblige à vous soigner, allant parfois jusqu’à vous garder enfermé dans le cadre d’une rétention de sûreté si l’on vous estime dangereux à la sortie. Alors que, théoriquement, la peine est exécutée et que vous devriez pouvoir ressortir complètement libre…