Création d’une reconnaissance de culpabilité déontologique dans la procédure disciplinaire des avocats
Un décret du 29 janvier 2025, relatif à la déontologie et à la discipline des avocats, met en place les modalités de la procédure disciplinaire simplifiée en introduisant notamment une reconnaissance de culpabilité déontologique. Selon quelles modalités et avec quels recours possibles ?

Par Thierry Revet, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
D’où procède et quels sont les objectifs de la reconnaissance de culpabilité déontologique ?
À la demande du Conseil national des Barreaux, l’article 40, II, 3° de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation pour le ministère de la justice 2023-2027 a introduit, dans la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, un nouvel article 23-1 : « L’instance disciplinaire compétente en application de l’article 22 peut être saisie par le bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause selon une procédure simplifiée dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État, sauf lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers. En cas d’échec de la procédure simplifiée, l’instance disciplinaire peut être saisie dans les conditions prévues à l’article 23. »
La création d’une procédure simplifiée a été souhaitée par les représentants de la profession d’avocat afin de permettre aux instances disciplinaires de disposer d’un outil permettant « de traiter des « petites incivilités déontologiques » qui ne sont pas poursuivies actuellement car la procédure est particulièrement lourde mais qui sont néfastes et sont souvent le prélude à des débordements plus importants » (D. de Ginestet et G. Bouissinet, « Rapport portant propositions d’adaptation et de réforme de la procédure disciplinaire applicable aux avocats », Assemblée générale du CNB du 3 avril 2020).
Le décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025 relatif à la déontologie et à la discipline des avocats met en place les modalités de la procédure disciplinaire simplifiée en introduisant, dans le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d’avocat, les articles 187-2 à 187-6 nouveaux qui composent la section I nouvelle du chapitre III (« Procédure disciplinaire ») du titre IV (« La discipline ») de ce décret.
Quelles sont les modalités de la reconnaissance de culpabilité déontologique ?
La mise en œuvre de la procédure disciplinaire simplifiée est librement décidée par le bâtonnier – autorité de poursuite disciplinaire – en présence de faits lui paraissant susceptibles de caractériser un manquement déontologique, à moins que la poursuite ne soit engagée sur la base d’une réclamation présentée par un tiers non avocat car, dans ce cas, cette nouvelle procédure ne préserverait pas suffisamment les droits, notamment à l’information, du tiers plaignant, dont on sait qu’ils font l’objet d’une attention grandissante depuis quelques années. La procédure simplifiée est également impossible quand l’avocat poursuivi a fait l’objet, dans les cinq années qui précèdent, d’une peine d’interdiction temporaire d’exercice assortie en tout ou partie du sursis, dès lors que, du fait du sursis, l’enjeu des nouvelles poursuites appelle une appréciation « non simplifiée » des faits reprochés à l’avocat.
La simplification de la procédure disciplinaire tient à ce qu’elle évacue l’instruction et l’audience disciplinaires au profit d’une proposition de sanction, présentée à l’avocat concerné par le bâtonnier après qu’il a été auditionné par ce dernier, proposition que l’avocat peut accepter ou refuser ; étant précisé que les seules sanctions susceptibles d’être proposées dans ce cadre sont l’avertissement et le blâme, ainsi que les peines complémentaires de publicité du dispositif et de tout ou partie des motifs de la décision, d’une part, et d’interdiction temporaire de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d’encadrer un nouveau collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans, ou en cas de récidive une durée maximale de cinq ans, d’autre part.
Si l’avocat accepte la proposition de sanction, ce qu’il peut faire dans un délai de quinze jours, le bâtonnier doit saisir la juridiction disciplinaire afin qu’elle homologue la reconnaissance de culpabilité disciplinaire. L’homologation doit être décidée au regard de la reconnaissance des faits par l’avocat concerné et de l’adéquation à ces mêmes faits de la sanction acceptée. Le refus d’homologation doit être fondé sur la considération que la nature des faits, le comportement de l’avocat poursuivi, la situation de l’avocat auteur de la réclamation ou les intérêts de la profession justifient une procédure disciplinaire ordinaire.
Si l’avocat refuse la proposition de sanction, le bâtonnier peut poursuivre la procédure simplifiée en ce que l’avocat est directement convoqué devant la juridiction disciplinaire, après avoir reçu une copie du dossier disciplinaire et avoir été auditionné par le bâtonnier, étant précisé que la proposition initiale de sanction et les éventuelles observations de l’avocat poursuivi ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure. L’instruction disciplinaire n’a donc pas lieu, la constitution initiale du dossier par le bâtonnier étant considérée comme suffisante – ou équivalente, eu égard à la simplicité des faits.
Si la juridiction disciplinaire saisie aux fins d’homologation refuse d’y faire droit, la procédure disciplinaire ordinaire peut être engagée à l’initiative du bâtonnier, du procureur général ou de l’avocat auteur de la réclamation. Il en va de même si la juridiction disciplinaire saisie après refus par l’avocat poursuivi d’accepter la proposition de sanction décide qu’il n’y avait pas lieu à procédure simplifiée, sauf si cette juridiction considère que les faits reprochés à l’avocat poursuivi ne justifient pas une sanction. Dans le cadre de la procédure ordinaire subséquente, les déclarations de l’avocat poursuivi et les documents produits après son audition, lors de la procédure simplifiée, ne peuvent être ni produits ni invoqués.
Quels sont les recours susceptibles d’être formés dans le cadre de la reconnaissance de culpabilité déontologique ?
La décision d’homologation de la reconnaissance de culpabilité déontologique est notifiée, accompagnée des pièces du dossier, à l’avocat concerné, au bâtonnier, au procureur général et s’il y a lieu, à l’avocat auteur de la réclamation.
L’avocat ayant accepté la proposition de sanction homologuée peut former un recours à son encontre, devant la cour d’appel, dans les 15 jours à compter de la notification de l’homologation ; il dispose, ainsi, d’une manière de droit de rétractation. Dans le même délai, le procureur général peut « s’opposer » à l’homologation, ce qui emporte son anéantissement rétroactif. La décision de la juridiction disciplinaire aux termes de laquelle il n’y a pas lieu à procédure simplifiée n’est susceptible d’aucun recours.