Budget 2025 : le rôle déterminant des lettres-plafonds
L’élaboration du budget de l’État est un processus complexe au sein duquel les lettres-plafonds constituent une étape majeure. Fixant le plafond de crédits accordés aux différents ministères ainsi que le nombre d’effectifs maximum dont ils bénéficieront en 2025, que sont les lettres-plafonds ?
Par Ramu de Bellescize Professeur à l’Université de Lille
Au sein de ce processus, quand sont envoyées les lettres-plafonds ?
Une première lettre est envoyée par Matignon aux ministères, généralement en mars ou avril : la lettre de cadrage. Cette première lettre définie les grandes orientations de politique économique pour le prochain exercice budgétaire. Les arbitrages ont généralement lieu après l’envoi de cette première lettre, dans le cadre des conférences budgétaires. Il s’agit de réunions entre services qui se déroulent à Bercy. Les discussions permettent d’identifier les points d’accords et de désaccord sur les crédits entre la direction du Budget et les ministères. Les ministres, durant ces conférences, doivent défendre leur budget, tenter de le maintenir, ou au moins éviter qu’il ne soit réduit par le ministère des finances qui cherche constamment à faire des économies. En cas de désaccord persistant, le dossier est transmis au premier ministre ou de manière exceptionnelle au chef de l’État. L’arbitrage prend alors un tour plus politique.
La lettre plafond est envoyée après la conférence budgétaire, au mois de juin. En raison des événements politiques récents – changement de premier ministre et absence de majorité parlementaire solide au profit du nouveau premier ministre – les lettres plafonds ont été envoyées plus tard.
La lettre plafond conclut donc ces deux étapes administratives : lettre de cadrage et conférence budgétaire ?
Oui, elle le fait en déterminant les ressources dont dispose chaque ministère et le nombre maximum d’emplois. Un plafond est fixé, que le ministère ne pourra dépasser. Il sait désormais s’il a perdu ou gagné. A quelques modifications près, il connaît les grandes lignes des crédits qui lui seront affectés par la loi de finances initiale adoptée en principe avant le 31 décembre.
Il peut toujours y avoir des surprises, des retournements : changement de dernière minute, changement de gouvernement, ce qui est le cas aujourd’hui, ou amendement du budget par les parlementaires, mais cela reste l’exception.
En tout état de cause, la réduction des déficits restera sans doute l’une des priorités du nouveau gouvernement : il a peu de raisons de revenir sur les lettres plafonds envoyées par son prédécesseur. Cela reste cependant possible. D’autant que rien ne contraint le gouvernement à envoyer ces lettres : elles ne relèvent pas d’une obligation constitutionnelle ou législative. Le gouvernement démissionnaire les a envoyées car il fallait avancer sur le budget, quel que soit le gouvernement ou la majorité à venir. Si rien n’avait été fait, la France aurait encore plus de difficultés à se doter d’un budget. Il s’agissait de poser un jalon sur le chemin qui conduira à adopter le budget. Franchir une étape dans la construction du projet de loi de finances pour 2025.
Il semble pourtant que, cette année, l’envoi des lettres plafonds ait déclenché davantage de controverses que d’ordinaire.
Il y a plusieurs raisons à cela. La première est le contexte politique. L’opposition au gouvernement démissionnaire ou à son successeur a profité de l’envoi pour dénoncer un coup d’état budgétaire : l’envoi des lettres permettrait de verrouiller les arbitrages budgétaires. Ce n’est pas exact : le nouveau gouvernement conserve le pouvoir de modifier ces premiers arbitrages. Les plafonds sont réversibles : il s’agit d’un choix politique. Mais encore faut-il avoir les moyens de ce choix. La question du déficit budgétaire demeure : le nouveau gouvernement est obligé d’en tenir compte. Pour opérer un redressement des finances en 2025, les crédits de certains ministères seront diminués. Il faudra faire des économies. Des coupes ont d’ailleurs déjà été prévues pour le ministère du Travail.