Par Marc-Antoine Granger, Maître de conférences HDR en droit public à l’Université Côte d’Azur et membre du conseil d’administration de l’AFDSD

Ce devoir d’exemplarité concerne-t-il tous les gendarmes ou les seuls officiers de gendarmerie ?

Le devoir d’exemplarité concerne tous les militaires de la gendarmerie nationale, ainsi que, d’ailleurs, les policiers nationaux. C’est ce que prévoit, sans ambiguïté, le code de déontologie des policiers et gendarmes nationaux et, en particulier, l’article R. 434-14 du code de la sécurité intérieure (CSI), dont le troisième alinéa dispose que le policier ou le gendarme« veille à se comporter en toute circonstance d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ».

Au demeurant, ce devoir figure dans d’autres textes, par exemple, ceux applicables aux policiers municipaux, ainsi qu’aux personnels de l’administration pénitentiaire et de l’éducation nationale. Mais, plus généralement, il s’impose à tous les agents exerçant des fonctions publiques qui doivent se comporter avec dignité (cf. les art. L. 121-1 du code général de la fonction publique et L. 4122-3 du code de la défense).

En quoi consiste ce devoir d’exemplarité du gendarme ?

La gendarmerie nationale étant instituée pour « l’avantage de tous », selon les dispositions de valeur constitutionnelle de l’article 12 de la Déclaration de 1789, le gendarme doit toujours agir de façon exemplaire que ce soit en mission ou en dehors du service. Du reste, comment assurer des relations de confiance entre les forces de sécurité intérieure et la population, si le gendarme n’est pas exemplaire ? En ce sens, le Général Alain Pidoux, alors chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), rappelle que « le manque d’exemplarité d’un seul peut ainsi faire vaciller la confiance de nos concitoyens » (IGGN, rapport d’activité 2022, p. 5). D’où l’importance, soit dit au passage, de l’appropriation de cette exigence et de l’acculturation à l’éthique gendarmique. Outre la formation initiale et continue, la hiérarchie militaire a ici tout son rôle à jouer.

Toujours est-il que ce devoir s’illustre, plus qu’il ne se définit. À n’en pas douter, constitue un manquement à l’exemplarité le fait pour un chef d’escadron, affecté au commandement d’une compagnie de gendarmerie départementale, de consommer de l’alcool pendant son service et d’adopter un comportement inapproprié à l’égard d’un commerçant de la ville (CE, 13 nov. 2020, no 438509) ou le fait pour un adjudant d’adresser de nombreux messages malveillants à sa compagne, dont certains, macabres, mettaient en scène le fils de cette dernière (CAA Nancy, 1er déc. 2020, no 19NC00421).

Souvent, c’est le manquement au devoir de dignité du gendarme, consacré par l’article R. 434-12 du CSI, qui permet de sanctionner l’attitude non exemplaire. Par exemple, manque à ce devoir de dignité le gendarme qui, à la suite d’une dispute avec son épouse qui lui barrait le passage pour l’empêcher de sortir du domicile conjugal, lui a fait une clé de bras autour du cou et l’a laissée inanimée sur le sol, avant que le fils, alerté par le bruit, ne la rejoigne et ne lui porte secours (CE, 24 déc. 2020, no 442497).

Quel contrôle exerce le juge administratif sur les sanctions au manquement au devoir d’exemplarité ?

Conformément à une jurisprudence bien connue (CE, 13 nov. 2013, Dahan, n° 347704), le juge administratif exerce un entier contrôle juridictionnel sur les sanctions disciplinaires en vérifiant qu’elles sont proportionnées à la gravité des fautes commises. Tout est alors affaire de casuistique. Sont pris en considération, notamment, la gravité des faits commis, le grade du gendarme et son niveau de responsabilité. Dans l’affaire du 6 mars 2024, la sanction de retrait d’emploi est sévère, certes, puisqu’elle relève du troisième et dernier groupe des sanctions susceptibles d’être prononcées (voir l’art. L. 4137-2 du code de la défense), mais elle est justifiée au regard des faits graves de violence commis par un officier, dont on attend qu’il montre l’exemple à ses subordonnés.