Inéligibilité avec exécution provisoire : les Sages jugent constitutionnelle la procédure de démission d’office
Par une décision en date du vendredi 28 mars, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les articles L. 230 du Code électoral, en son 1°, ainsi que l’article L. 236 de ce même code. Ces dispositions, organisant la procédure de démission d’office applicable à un conseiller municipal privé de son droit électoral à la suite d’une condamnation pénale, ont fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité adressée au Conseil des Sages le 3 janvier dernier.
Pour rappel, un président d’une communauté d’agglomération mahoraise avait été condamné à quatre ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour prise illégale d’intérêts, conformément à l’article 131-26-2 du Code pénal qui rend obligatoire la peine complémentaire d’inéligibilité pour toute personne coupable de certains délits ou d’un crime. En l’espèce, la peine complémentaire d’inéligibilité avait été déclarée exécutoire par provision, conformément à l’article 471 du Code de procédure pénale. En conséquence, l’élu local avait été déclaré démissionnaire d’office par le préfet.
L’élu mahorais soutenait alors que les articles L. 230 et L. 236 du Code électoral portaient une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité en ce qu’ils privaient l’intéressé de son mandat avant même qu’il ait été statué définitivement sur le recours formé contre sa condamnation, du fait de l’exécution provisoire ordonnée par le juge. Était également avancée par une partie intervenante distincte l’inconstitutionnalité des dispositions susmentionnées au regard du droit à un recours juridictionnel effectif et du principe d’égalité devant la loi.
Sur la méconnaissance présumée du droit d’éligibilité, consacré à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), le juge constitutionnel considère que les dispositions contestées contribuent à garantir l’exécution des décisions de justice en matière pénale, et à renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus. Les dispositions participent alors à la mise en œuvre de l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
Également, le juge constitutionnel rappelle qu’il appartient au juge, dans sa décision, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur.
S’agissant de la violation présumée au droit à un recours juridictionnel effectif, le juge constitutionnel considère que la démission d’office prononcée par le préfet n’est que la conséquence de la condamnation prononcée par le juge pénal et n’empêche pas l’intéressé d’entamer un recours contre une telle décision. Le Conseil constitutionnel rejette ainsi ce grief.
Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle que le principe d’égalité devant la loi, garanti par l’article 6 de la DDHC, connaît des exceptions et des dérogations, notamment dans le cas de situations différentes. S’il reconnaît la différence de traitement entre les membres du Parlement et les conseillers municipaux quant aux effets d’une condamnation pénale déclarée exécutoire par provision sur l’exercice d’un mandat en cours, le juge constitutionnel la justifie au regard des prérogatives des parlementaires et de la situation particulière dans laquelle ces derniers se trouvent.
L’ensemble de ces éléments amène alors le Conseil constitutionnel à déclarer conformes à la Constitution les dispositions contestées et, ainsi, le prononcé d’une peine complémentaire d’inéligibilité avec exécution provisoire à l’encontre d’un élu local.
Retrouvez le communiqué du Conseil constitutionnel ici.