Indemnité représentative de Frais de Mandat : que peuvent faire les parlementaires ?
Le 16 juillet dernier, Mediapart a révélé que François de Rugy a utilisé son indemnité de député pour payer sa cotisation d’EELV. Ses avocats Rugy ont affirmé que l’ex-ministre avait réglé les cotisations d’élu au parti EELV avec ses revenus personnels et qu’il ne bénéficiait d’aucun avantage fiscal en contrepartie.
Le même jour, le ministre de la Transition écologique a annoncé sa démission.
Décryptage par Jean-Pierre Camby, professeur de droit associé à l’université de Versailles Saint-Quentin.
« Le caractère forfaitaire de l’IRFM a été abandonné au profit du système de l’avance de frais de mandat (AFM) dont les usages possibles sont limités et contrôlés »
Qu’est-ce que l’Indemnité représentative de Frais de Mandat (IRFM) ? Cette indemnité existe elle toujours ?
Depuis son origine l’IRFM a été une indemnité forfaitaire destinée à couvrir indistinctement toutes dépenses liées au mandat du parlementaire, d’un montant égal pour chaque député ou chaque sénateur, non imposable. « Réputée utilisée conformément à son objet », l’IRFM était laissée à l’appréciation du parlementaire, dans le cadre des décisions ou arrêtés des Questeurs et du Bureau (18 février 2015 : article 32 bis de l’Instruction générale du Bureau de l’Assemblée) et du règlement budgétaire comptable et financier qui, depuis cette date explicitait le reversement des excédents en fin de mandat. Dans son rapport de 2011, la commission pour la transparence financière de la vie politique s’interrogeait en effet sur la destination des sommes en fin de mandat. L’achat de locaux à usage de permanence posait la question de leur revente. Des dépenses de voyage ont également été sujettes à débat public.
En 2013, le Conseil constitutionnel constatait les « interprétations successives » liées à son utilisation ; la loi confirmait alors l’interdiction de tout usage à des fins électorales (article 52-8-1 du Code électoral). L’IRFM était versée sur un compte dédié. Dans les décisions du 1 er mars 2013, le Conseil validait cependant le cas du paiement par pure erreur de dépenses depuis ce compte : lorsqu’un apport personnel d’un montant équivalent l’avait antérieurement abondé, il validait le compte de campagne, ou, si cette condition n’était pas remplie, il en confirmait le rejet.
Le système, plus encore que les élus parfois mis en cause pour des dépenses à caractère personnel, était l’objet de vives critiques. Le caractère forfaitaire de l’IRFM a donc été abandonné par la loi du 15 septembre 2017 (art. 4 sexiès de l’ordonnance du 7 novembre 1958) au profit du système de l’avance de frais de mandat (AFM), de 5373 € par mois à l’Assemblée nationale, 5900 € au Sénat, dont les usages possibles sont limités et contrôlés par les organes de déontologie de chaque assemblée.
Quelle est l’évolution de son régime juridique et fiscal ?
L’IRFM, comme l’AFM ne sont pas imposables, ce que confirme la doctrine fiscale constante depuis 1993 (actuellement Bofip 5515, n° 190). En 2002, elle a été soumise à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) (art. 136-2 CSS) et plafonnée au montant cumulé de l’indemnité parlementaire et de l’indemnité de fonction, ce qui a eu pour conséquence de la faire entrer dans les prévisions de l’article 81,1° du CGI, donc d’en faire échapper l’usage au contrôle de l’administration fiscale. Le principal changement opéré en 2017 tient au contrôle, même s’il ne porte pas chaque année sur tous les élus, et à la notion de frais éligibles. Un arrêté du bureau de l’Assemblée nationale du 29 novembre 2017 confirme que ne peuvent être pris en charge comme frais de mandat les dépenses à caractère personnel, le financement d’un parti politique et « toute dépense déclarée au titre de l’impôt sur le revenu et déduite du revenu imposable ».
Les dons ou cotisations à un groupe ou a un parti politique peuvent-ils être faits à partir de l’IRFM ?
Depuis 1990, les dons aux partis politiques agréés auprès de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont réglementés et devenus déductibles en application de l’article 200 du Code général des impôts. Comme pour ces dons, ou pour les cotisations syndicales (art. 199 quater C du CGI), la déduction fiscale s’applique aux cotisations à des partis et groupements politiques, régis par la loi du 11 mars 1988. Il n’en va pas de même des versements effectués par les parlementaires à leurs groupes politiques, qui ne financent pas des partis politiques et ne sauraient dès lors ouvrir droit à réduction d’impôt.
Pour les cotisations et les dons s’applique un plafonnement (JO Q. Sénat, n° 30952, 20 septembre 2018). Comme l’indique nettement la Commission nationale des comptes de campagne dans son rapport de 2012- 2013 (pp. 74 et 144) ; l’IRFM ne peut être utilisée pour financer des cotisations à un parti politique et, dans son rapport de novembre 2013, la déontologue alors en poste, Noëlle Lenoir indique : « – le paiement d’une cotisation à un parti politique n’est pas un frais lié au mandat. Tel est en revanche le cas pour la contribution versée au groupe politique, dont l’activité facilite l’exercice du mandat parlementaire, ce versement ne pouvant donner lieu à aucune déduction fiscale ». On en déduit que l’IRFM ne saurait donc financer les cotisations à un parti, et, en outre ne peut ouvrir droit à une réduction d’impôt. Telle est d’ailleurs aussi à l’époque la position du gouvernement (JO Q. AN, no 173, 12 mars 2013 et rapport de la CNCCFP précité p. 74-75).
Pour aller plus loin :
– Rapport de la Commission nationale des comptes de campagne – 2012- 2013 : http://www.cnccfp.fr/docs/commission/cnccfp_activite_2012_2013.pdf
– Plus d’informations sur l’indemnité parlementaire : http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/le-depute/la-situation-materielle-du-depute
Par Jean-Pierre Camby.