Compétitions sportives et centres équestres après le 2 juin 2020
Par Sophie Nicinski, Professeur de droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Par Sophie Nicinski, Professeur de droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le Décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a été publié au Journal officiel du 1er juin 2020, et abroge le Décret précédent.
La lecture du texte doit s’effectuer à la lumière de la directive d’interprétation générale donnée par le Premier ministre, qui résume en réalité l’un des principes les plus importants du droit français : la liberté est la règle, la restriction l’exception.
Le décret comporte d’importantes mesures sur l’organisation de sports dans les établissements relevant du code de la construction et de l’habitation (CCH) et du code du sport. Par ailleurs, il permet de relancer les compétitions sportives à compter du 2 juin.
Quelles sont les mesures concernant les compétitions sportives ?
L’organisation d’une compétition sportive nécessite, en ces temps de restriction, la réunion de trois facultés, celle de circuler, celle de se rassembler et celle d’accueillir du public dans des centres équestres ou autres lieux d’organisation, ayant la particularité d’être à la fois considérés comme des établissements relevant du CCH et comme des établissements sportifs relevant du code du sport.
Tout d’abord, les cavaliers, quelle que soit leur âge ou leur catégorie, peuvent librement circuler, la restriction des 100 km ayant été abrogée.
Ensuite, qu’en est-il des lieux d’accueil eux-mêmes, c’est-à-dire les centres équestres, voire les parcs fédéraux (art. 43) ?
Les compétitions sportives en équitation n’ont lieu ni dans des hippodromes, ni dans des gymnases, ni dans des stades, mais dans les centres équestres eux-mêmes, ou dans les parcs fédéraux.
Dans les zones vertes, les établissements relevant du CCH et/ou du code du sport ne sont pas fermés et plus aucune restriction particulière d’accès ne les concerne. On remarque surtout que les établissements classés X (manèges clos et couverts, club house) ne font plus l’objet d’aucune interdiction d’accès.
En revanche, les établissements à vocation commerciale destinés à des expositions, des foires-expositions ou des salons ayant un caractère temporaire, relevant du type T, ne peuvent pas encore accueillir de public (art. 39).
Enfin, quelle est la règle de rassemblement/regroupement ?
La limite nationale est fixée à 5 000 personnes, mais il convient de prévenir les regroupements à plus de dix personnes.
En premier lieu, l’interdiction des « rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes » n’est pas applicable aux établissements recevant du public dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit en application du décret (art. 3.I et 3.II-3° D).
En deuxième lieu, la jauge de 5 000 personnes s’applique à l’organisation « d’évènements », terme qui inclut les compétitions sportives (art. 3.V).
En troisième lieu, ces règles sont confirmées pour le sport, puisqu’il est expressément prévu que dans les établissements de type PA (plein air), les règles générales relatives aux rassemblements /regroupements ne font pas obstacle à ce que, pour l’organisation des activités physiques et sportives autorisées, ces établissements reçoivent un nombre de personnes supérieur, dans le respect des dispositions qui leur sont applicables et dans des conditions de nature à prévenir tout regroupement de plus de dix personnes (art. 44.III).
Là encore, exactement comme pour les précédentes dispositions, le texte établit une distinction fondamentale entre le rassemblement et le regroupement. Un centre équestre peut rassembler jusqu’à 5 000 personnes, mais doit s’assurer que celles-ci ne se regroupent pas au-delà de 10 personnes, c’est-à-dire concrètement qu’en se rapprochant, elles ne forment pas des groupes de plus de 10. A 5 000 personnes, il est permis de demeurer sceptique… Mais à 200 ou 300 personnes dans un vaste espace, l’exercice est loin d’être impossible et en tout état de cause, beaucoup d’activités seront soumises à cette règle.
Par conséquent, il faut en déduire que les compétitions équestres peuvent reprendre dès le 2 juin dans le respect des règles sanitaires nationales (cf ci-dessous).
Faut-il attendre une autorisation expresse des textes, de la ministre des Sports ou d’une fédération sportive ?
Les compétitions sportives n’ont jamais fait l’objet d’une restriction en tant que telles. L’impossibilité d’organiser des compétitions ou autres manifestations résultait de la combinaison de l’interdiction de circuler, des restrictions de rassemblements et des règles d’accès aux centres équestres. L’assouplissement de ces règles implique la faculté d’organiser des compétitions. Dès lors, il n’y a pas à attendre un texte d’application qui dirait « les compétitions sportives sont autorisées », tout simplement parce qu’un tel texte n’étant pas nécessaire, on peut l’attendre longtemps…
La ministre des Sports n’a pas davantage à donner expressément une quelconque autorisation. Un ministre ne dispose d’aucun pouvoir règlementaire. Il ne peut ni interdire l’application de mesures nationales, ni subordonner leur application à sa décision expresse, car toute décision en ce sens constituerait une mesure règlementaire plus restrictive que la mesure nationale et serait irrégulière. La Ministre pourrait toutefois établir une interprétation officielle du texte, ce qui ne serait pas une condition juridique à la reprise des compétitions, mais un geste bienvenu.
Pour les fédérations sportives, la réponse est plus nuancée, notamment en ce que les enjeux sportifs et économiques sont liés. Les fédérations délégataires « Organisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux » (art. L. 131-15 c. sport). Elles édictent par ailleurs des règlements sportifs propres à leur discipline. Toutefois, leurs prérogatives s’arrêtent là où l’organisation d’une manifestation est considérée comme une activité économique et où elle conditionne l’accès à un marché. Or, les restrictions imposées à l’accès à un marché ou à l’exercice d’une activité économique, ainsi qu’on la déjà exposé, sont passibles de très lourdes sanctions pécuniaires infligées par l’Autorité de la concurrence et déclenchent des enquêtes au fond sur l’ensemble des pratiques de la filière. Sur cet aspect, il convient de se garder de décisions qui apparaitraient comme une organisation concertée entre opérateurs économiques, imposées à tous, et plutôt laisser chaque professionnel agir. En ces temps où il apparait que les juridictions sont plus enclines à sanctionner les obstacles dressés à une reprise économique des activités, et où certains opérateurs sont en situation difficile, il convient d’être particulièrement vigilant.
Quel est le rôle du préfet ?
Le préfet de département est habilité à interdire ou à restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les rassemblements, réunions ou activités lorsque les circonstances locales l’exigent (art. 3.IV). Il est aussi habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites. Le préfet de département peut, par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite, ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont applicables en application du présent décret (art. 29).
L’exploitant d’un établissement de première catégorie au sens du CCH relevant du type L, X, PA ou CTS, souhaitant accueillir du public doit en faire la déclaration au préfet de département au plus tard soixante-douze heures à l’avance (art. 27-IV). Cette obligation de déclaration préalable ne concerne que les établissements de première catégorie, soit les établissements recevant plus de 1500 personnes.
Quelles règles sanitaires ?
Le port du masque pour toutes les personnes âgées de plus de 11 ans est obligatoire, sauf pour la pratique même d’activités sportives (art. 44.II et 27.III). On peut donc supposer que les personnes circulant dans l’enceinte des clubs sportifs mais ne pratiquant pas expressément une activité sportive, sont désormais soumis à cette règle.
La distanciation physique, par exception aux règles nationales, est fixée à 2 mètres (art. 44.I.2°).
La buvette ?
A moins que la buvette soit un espace faisant l’objet d’une classification spécifique (établissements de type N : Restaurants et débits de boissons), les règles applicables sont celles des établissements sportifs classés PA ou X.
Si la buvette est classée N, les règles propres aux restaurants sont applicables (personnes assises, pas de table de plus de 10, distance d’un mètre entre chaque table).
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