Par Bruno Wertenschlag, Avocat, Directeur associé cabinet Fidal

Qu’est-ce que le logement abordable ?

La notion n’est guère juridique et vise grosso modo le logement accessible à des ménages n’ayant pas les moyens de se loger dans le privé. Cela inclut naturellement le logement social et le logement intermédiaire, tous deux subordonnés à des conditions d’accès en termes de ressources des candidats. Toutefois, sur le plan économique et du point de vue de la stabilité dans le logement, on ne parle pas de la même chose. Un parisien sans enfants accède à un logement social, s’il justifie d’un revenu net annuel maximal de 14 329 €, 26 044 € ou 33 857 €, selon la catégorie du logement social. Une fois installé, il bénéficie du droit au maintien dans les lieux tant que ses ressources n’évoluent pas significativement. Pour accéder à un logement intermédiaire, le plafond est porté à 43 475 €. La personne reste en place pour la durée du prêt locatif intermédiaire, mais se trouve à son issue automatiquement soumise au régime locatif de droit commun, en ce compris le niveau du loyer et le risque de recevoir un congé du bailleur, même si ses ressources n’ont pas augmenté. 

Et le logement intermédiaire ?

Pour être clair, le projet consacre l’écrasante majorité de ses dispositions au logement intermédiaire. Parmi les multiples dispositions du projet qui y sont consacrées, c’est celle visant à l’intégrer au calcul du fameux quota minimal SRU de logements sociaux sur une commune (au moins 20 ou 25 % selon les communes) qui retient l’attention du public. On rappelle que c’est précisément la loi SRU du 13 décembre 2000 qui avait institué ce seuil, dans un objectif de mixité sociale. En substance, le projet prévoit de compter les logements locatifs intermédiaires dans le calcul du quota, en lieu et place des logements sociaux, dans l’objectif de permettre aux communes de rattraper leur retard par rapport à ce seuil. Le dispositif serait réservé aux communes comptant déjà 15% de logements sociaux et concluant un contrat de mixité sociale. Cette disposition n’est pas une « mesurette », lorsqu’on sait qu’en 2023, on dénombre 2157 communes qui entrent dans le champ d’application de la loi SRU, dont 1159 sont déficitaires et 846 qui atteignent ou dépassent le taux.

Par ailleurs, différentes mesures d’inégale portée permettraient aux organismes de logement social de produire ou contribuer à produire plus de logements intermédiaires. Le projet modifie le régime des sociétés civiles de construction vente permettant d’associer promoteurs et bailleurs sociaux à l’érection d’un immeuble mixte (social/privé), en autorisant les seconds à recueillir en fin d’opération, non seulement des logements sociaux, mais aussi des logements locatifs intermédiaires et des habitations relevant du bail réel solidaire.

Autre disposition, le projet procède à un toilettage du mécanisme autorisant des investisseurs à remettre leurs immeubles d’habitation en usufruit à des bailleurs sociaux, pour qu’ils y logent temporairement des locataires HLM. Les organismes sociaux pourraient vendre des logements en usufruit à des investisseurs en retenant temporairement la nue-propriété. Et encore, une mesure vise à accroître la capacité des organismes sociaux de construire et vendre des logements privés destinés à des promoteurs, dans une proportion qui passerait de 30 à 50 %. Enfin, la capacité de production de logements locatifs intermédiaires par un organisme HLM serait portée de 10 à 20%.

Comment accélérer la rotation du parc social ?

Le projet se donne explicitement pour objectif d’accélérer la sortie des locataires du parc social. On sait qu’un locataire HLM paye un supplément de loyer lorsque ses revenus viennent à dépasser en cours de bail le plafond de ressources qui avait présidé à l’attribution originaire de son logement. La loi prévoit des paliers d’application de ce supplément : il entre en vigueur dans le cas d’un dépassement de 20 %. Au-delà de deux années consécutives de dépassement significatif, les locataires concernés sont déchus de leur droit au maintien dans les lieux. Le projet durcit le dispositif et propose de déclencher l’exigibilité du supplément dès le premier euro de dépassement. Par ailleurs, le taux du dépassement significatif, aujourd’hui de 150 %, serait ramené à 120 %.

On notera, à titre anecdotique, la disposition visant à déchoir de son droit au maintien dans les lieux le ménage qui est par ailleurs propriétaire d’un logement répondant à ses besoins. Enfin, le projet prévoit d’autoriser une augmentation des loyers maximaux fixés par les actes de conventionnement, dans la limite de ceux qui auraient été pratiqués pour ces mêmes logements s’ils avaient été neufs.

Quelle place pour le maire dans le dispositif ?

Le maire joue aujourd’hui un rôle résiduel dans l’attribution des logements sociaux situés sur sa commune. C’est le résultat d’une évolution législative continue visant à privilégier l’échelon intercommunal pour la programmation et le fléchage des logements sociaux sur le territoire. Le projet promet de remettre l’église au milieu du village. L’édile municipal présiderait de droit les commissions d’attribution des logements sociaux dans sa commune, il désignerait prioritairement les candidats à un logement lors des mises en service d’un immeuble et il exercerait un droit de veto sur les décisions de la commission. Enfin, un droit de préemption lui serait ouvert pour sept ans, aux fins de réguler les marchés foncier et immobilier, lorsque le niveau excessif des prix de vente de biens immobiliers risque de compromettre les objectifs en termes d’accès au logement ou de mixité sociale.