Par Jean-Denis Pellier, Professeur à l’Université de Rouen et Directeur du Master 2 Droit privé général

Un coup de fouet pour le label « fait maison » ? Le 22 octobre, la ministre des PME Olivia Grégoire a annoncé dans La Tribune Dimanche vouloir mettre en place, au plus tard en 2025, une distinction obligatoire sur les menus proposés par les restaurateurs entre les plats cuisinés sur place et ceux qui ne le sont pas. Selon la ministre, cette mesure de transparence devrait permettre de « valoriser le savoir-faire du métier de cuisinier » et de « protéger le consommateur ».

Quelle est l’origine de la mention  « fait maison » ?

En dépit de son utilisation courante, l’expression « fait maison » n’était pas spécialement réglementée jusqu’à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite Hamon. Cette dernière introduit au sein du Code de la consommation une section intitulée « Qualité et transparence dans l’élaboration des plats proposés dans le cadre d’une activité de restauration commerciale » (anc. art. L. 121-82-1 et s.) prenant place au sein d’un chapitre relatif aux pratiques commerciales réglementées. Ce corpus fut complété par les dispositions issues du décret n° 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés, modifiées par le décret n° 2015-505 du 6 mai 2015 (art. D. 121-13-1 et s.), ainsi que par l’arrêté du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés (prévoyant notamment le logo permettant de désigner les plats « fait maison » ).

Depuis l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et le décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie réglementaire du code de la consommation, ces règles figurent au sein d’une sous-section relative à l’utilisation de la mention « fait maison » (art. L. 122-19 et s. et D. 122-1 et s.), qui comprend également des dispositions consacrées au titre de « maître-restaurateur », distinguant « les personnes physiques qui dirigent une entreprise exploitant un fonds de commerce de restauration ou y exercent leur activité pour la qualité de leur établissement et de leur cuisine » (art. L. 122-21).

L’objectif du législateur est double : il s’agit d’assurer l’information des consommateurs et de permettre aux professionnels concernés de valoriser leur savoir-faire. 

Quels sont le domaine et la nature de cette mention ?

L’article L. 122-19 du Code de la consommation prévoit que « les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration commerciale, de restauration collective ou de vente à emporter de plats préparés, permanente ou occasionnelle, principale ou accessoire, précisent sur leurs cartes ou sur tout autre support qu’un plat proposé est  » fait maison «  » (la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a ajouté le secteur de la restauration collective).

En droit, le présent de l’indicatif vaut en principe impératif. En toute logique, il convient donc de considérer que les professionnels visés par ce texte ont l’obligation de mentionner qu’un plat est fait maison lorsque tel est le cas (V. le guide d’utilisation de la mention « fait maison » en restauration à destination des professionnels, p. 5 : « La mention ou le logo « fait maison » s’impose à tous les établissements de restauration (…) » ). Cela est au demeurant conforme à la fonction informative de cette mention : le consommateur a le droit de savoir qu’un plat est fait maison (sous l’empire du décret du 11 juillet 2014, l’article D. 121-13-3 prévoyait d’ailleurs expressément, en son alinéa 1er, que « les professionnels indiquent de manière visible par tous les consommateurs la mention suivante : “ Les plats « faits maison » sont élaborés sur place à partir de produits bruts. ” »). Mais l’utilisation de la mention est parfois présentée comme étant une simple faculté, ce qui correspond plus à sa fonction valorisante : le professionnel a le droit de mettre en valeur son produit (mais ce n’est pas une obligation s’imposant à lui). 

Quoi qu’il en soit, il n’est pas exigé, en revanche, que le consommateur soit expressément informé qu’un plat n’est pas fait maison, ce qui représente une lacune à laquelle le Gouvernement souhaite remédier. Si l’intention est louable, une telle mention risque toutefois d’être vécue comme une stigmatisation par certains professionnels.

Quelle est la définition d’un plat «  fait maison » ?

L’alinéa 1er de l’article L. 122-20 du Code de la consommation prévoit qu’ « un plat  » fait maison  » est élaboré sur place à partir de produits bruts ». La mention « fait maison » repose ainsi sur deux critères : 

  • L’utilisation de produits bruts. À cet égard, le § I de l’article D. 122-1 du Code de la consommation précise qu’ « Un produit brut, au sens de l’article L. 122-20, est un produit alimentaire cru ne contenant, notamment à l’occasion de son conditionnement ou du procédé utilisé pour sa conservation, aucun assemblage avec d’autre produit alimentaire excepté le sel » (comp. anc. art. D. 121-13-1, I, qui définissait le produit brut comme « un produit alimentaire n’ayant subi aucune modification importante, y compris par chauffage, marinage, assemblage ou une combinaison de ces procédés »). Toutefois, certains produits « peuvent entrer dans la composition des plats  » faits maison  » après avoir subi une transformation de leur état brut nécessaire à leur utilisation » (art. L. 122-20, al. 2). Le § II de l’article D. 122-1 contient la liste de ces produits (qui a toutefois été réduite à la faveur du décret n° 2015-505 du 6 mai 2015) :

« les produits que le consommateur ne s’attend pas à voir réaliser par le restaurateur lui-même » (comme par exemple la charcuterie, le fromage, le pain, les légumes et fruits secs et confits ou encore les pâtes et les céréales…) ;

  certains produits « pour des raisons de sécurité sanitaire » (la choucroute crue et les abats blanchis et, sous réserve d’en informer par écrit le consommateur, les fonds blancs, bruns et fumets et la demi-glace).

Cependant, un plat composé exclusivement à partir de ces deux séries de produits ne peut être présenté comme “fait maison” (art. D. 122-3, III). En revanche, il était possible, avant le décret n° 2015-505 du 6 mai 2015, de présenter un produit non mentionné par le texte comme “fait maison” dès lors que la marque du produit ou le nom du professionnel l’ayant fabriqué était expressément indiqué (anc. art. D. 121-13-3, III). Mais tel n’est plus le cas.

  • L’élaboration d’un plat in situ, c’est-à-dire « dans les locaux de l’établissement dans lequel il est proposé à la vente ou à la consommation » (C. consom., art. D. 122-2, al. 1er). Là encore, cette règle est toutefois tempérée, l’alinéa 3 de l’article L. 122-20 admettant qu’il y ait des « cas dans lesquels le lieu d’élaboration peut être différent du lieu de consommation ou de vente ». Cela n’est toutefois possible que dans les deux cas prévus par l’alinéa 2 de l’article D. 122-2 :
  • dans le cadre d’une activité de traiteur organisateur de réception ;
  • dans le cadre d’une activité de commerce non sédentaire, notamment sur les foires, les marchés et lors de manifestations de plein air et de vente ambulante.

La mention « fait maison » est donc relativement circonscrite (surtout depuis le décret du 6 mai 2015 précité). Mais quelles sont les sanctions de son utilisation frauduleuse ?

Quelles sont les sanctions prévues en cas d’utilisation frauduleuse de cette mention ? 

Aucune sanction spécifique n’est attachée à l’utilisation frauduleuse de la mention « fait maison », ce qui pourrait faire douter, de prime abord, de l’efficacité de la protection des consommateurs. Cependant, une telle utilisation est susceptible de revêtir deux qualifications pénales : 

  • La qualification de pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1 du Code de la consommation et plus précisément celle de pratique commerciale trompeuse (art. L. 121-2 et s.), passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros, ce montant pouvant être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit (art. L. 132-2), sans préjudice de l’aggravation de ces peines dans certaines circonstances et des peines complémentaires (art. L. 132-2-1 et s.).
  • La qualification de tromperie au sens de l’article L. 441-1 du Code de la consommation, passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans et d’une amende de 300 000 euros (art. L. 454-1) ces peines pouvant, là encore, être aggravées dans certaines circonstances et assorties de peines complémentaires (art. L. 454-2 et s.).

En définitive, la mention « fait maison » est un instrument intéressant, permettant aux consommateurs d’être mieux informés et aux restaurateurs de se mettre en valeur. 

Mais il n’existe aucun contrôle a priori quant à l’utilisation de cette mention (ce qui la différencie nettement des signes d’origine et de qualité tels que les appellations d’origine, les indications géographiques …). Toute mention repose donc sur l’honnêteté des professionnels et la sagacité des consommateurs, sans préjudice des contrôles opérés par la DGCCRF …