Par Ariane Gailliard, Maître de conférences en Droit privé à l’Université Toulouse 1 Capitole

Que prévoit le Code pénal en cas de profanation d’une tombe ?

L’article 225-17 du Code pénal réprime l’atteinte à l’intégrité du cadavre et la violation ou la profanation, « par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts ». Il s’agit là d’une structure hybride en deux alinéas : l’un protégeant la sépulture, l’autre, le cadavre.

L’histoire de cette infraction est profondément liée à l’histoire de l’antisémitisme en France. 

Dans l’ancien Code pénal de 1810, seule une infraction protégeait le respect dû aux morts : celle de violation de sépulture. Pendant longtemps, le cadavre ne faisait donc pas l’objet d’une protection autonome. Il fallait compter sur l’ingéniosité des juges, retenant une interprétation extensive de la sépulture en y assimilant par exemple un drap ou tout apprêt funéraire et ce afin de protéger un cadavre sans sépulture. Cependant, cette interprétation avait comme limite l’atteinte à un cadavre n’ayant reçu aucun début de préparatif funéraire.

Cet état du droit put avoir lieu, jusqu’au fait divers de Carpentras, après lequel le maintien d’un droit sans protection pénale du cadavre ne fut plus concevable. En mai 1990, trente-quatre tombes du cimetière juif furent profanées et un corps fut exhumé et mis en scène comme étant empalé. Ces faits eurent lieu durant les travaux parlementaires sur l’élaboration du Code pénal de 1994. A une très vive émotion publique fit écho une réaction pénale prenant conscience des carences quant à la protection du cadavre. Il faut se souvenir que la Shoah a vu l’extermination de millions de juifs pour lesquels ni rite ni sépulture ne furent jamais accordés. C’est à cette douloureuse intrusion de l’Histoire dans un cimetière juif que nous devons l’ajout de l’infraction d’atteinte à l’intégrité du cadavre à l’article 225-17 du Code pénal. 

Comment se caractérise cette infraction ?

L’infraction de violation de sépulture concerne tant la fosse et le cercueil, que tous les monuments qui y sont édifiés : tombe, stèle, pierre tombale…Il faut y ajouter les monuments funéraires édifiés à la mémoire des morts, alors même qu’aucune inhumation n’a eu lieu. En 2008, le législateur, soucieux de protéger également les cendres, y ajouta l’urne, qui peut être inhumée dans une sépulture (art. L. 2223-18-2 CGCT). L’élément matériel désigne la violation et la profanation, « par quelque moyen que ce soit », une expression flirtant avec les limites du principe de légalité…Il faut entendre par là tout acte de nature à violer le respect dû aux morts ; que l’on pense bien sûr à la dégradation de stèles par exemple, mais aussi un jet de pierre dans une fosse, l’arrachage systématique de fleurs funéraires…

Le caractère antisémite d’une profanation constitue-t-il une circonstance aggravante ?

S’agissant du contexte antisémite, le Code pénal prévoyait auparavant une circonstance aggravante spécifique à cette infraction, lorsqu’elle était commise à raison de « l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Cette circonstance existe toujours, mais depuis la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté elle a été généralisée à tous les crimes et délits (art. 132-76). Dans des profanations à caractère antisémite, la preuve reposera tant sur d’éventuelles inscriptions que sur le choix des stèles dégradées. Ainsi, le cimetière de l’Oise est un cimetière militaire où se côtoient 1903 sépultures chrétiennes et juives de soldats allemands datant de la Première Guerre Mondiale : or, seules dix stèles juives ont été dégradées. 

A la suite des événements survenus le 15 novembre dans le cimetière militaire de l’Oise, une enquête a été ouverte pour violation de sépulture ou monument initié à la mémoire des morts commises en raison de la race, l’ethnie, la nation et la religion. L’infraction d’atteinte à l’intégrité du cadavre fait l’objet d’une autre actualité : il s’agit du scandale lié au Centre de conservation des corps de l’Université Paris-Descartes, en cours d’instruction. Ces deux affaires rappellent que l’article 225-17 du Code pénal est classé parmi les atteintes à la dignité humaine.