Par Nathalie Peterka, professeure de droit privé et sciences criminelles à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC, Paris 12)

La vulnérabilité d’une personne l’empêche-t-elle de porter plainte ?

Avant le prononcé d’une mesure de protection, une personne peut librement porter plainte, avec ou sans constitution de partie civile. Le prononcé d’une mesure de protection ne remet pas en cause une plainte déposée avant le jugement d’ouverture de la mesure. S’il est possible de faire annuler les actes accomplis, au cours des deux années qui ont précédé la mise en place d’une mesure de curatelle, de tutelle ou d’habilitation familiale, sur la seule preuve que l’inaptitude de la personne à défendre ses intérêts par suite de l’altération de ses facultés, c’est à la condition qu’ils lui aient causé un préjudice (C. civ., art. 464 et 494-9). Or, tel n’est pas le cas d’une plainte.

Ce pourrait être le cas, en revanche, du paiement d’honoraires injustifiés ou d’un testament rédigé par la personne souffrant d’une altération de ses facultés mentales. Après le prononcé d’une mesure de protection, une plainte pour diffamation semble participer de la catégorie des actes éminemment personnels, que la personne conserve la capacité juridique de faire seule (C. civ., art. 458). La Cour de cassation a ainsi décidé qu’une mère en tutelle pouvait interjeter appel seule, c’est-à-dire sans être représentée par son tuteur, d’une décision du juge des enfants organisant son droit de visite à l’égard de son enfant (Cass. 1re civ., 6 nov. 2013, n° 12-23766 : JCP G 2014, 14, note N. Peterka ; RTD civ. 2014, 84, obs. J. Hauser; D. 2014, 467, note G. Raoul-Cormeil).

Quel avocat pourrait assister Alain Delon pour cette plainte ?

La question revient à se demander qui fait le choix de l’avocat d’une personne vulnérable. Le principe en droit français est celui de la capacité juridique. Une personne peut donc librement faire le choix de son avocat tant qu’elle ne bénéficie pas d’une mesure de protection, quand bien même elle serait en situation de vulnérabilité, d’autant plus quand son choix se porte sur un professionnel qui est son conseil de longue date. Après l’ouverture d’une telle mesure, le choix de l’avocat participe des décisions personnelles pour lesquelles la personne protégée conserve sa capacité juridique, sous réserve de la décision contraire du juge des tutelles (C. civ., art. 459).

L’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle à l’égard d’une personne ne prive donc pas automatiquement celle-ci du droit de choisir son avocat (L’activité de l’avocat du majeur sous mesure de protection juridique et du majeur vulnérable. Guide pratique. Ordre du barreau de Paris, 2016). Cependant, ce choix ne doit pas heurter la déontologie de ce dernier. Non seulement il doit émaner de la personne et non de sa famille ou d’un de ses membres mais, encore, l’avocat doit être le conseil de la seule personne vulnérable et non pas aussi d’un membre de la famille de son client afin d’éviter tout conflit d’intérêts, notamment en cas de dissensions au sein de la famille. La déontologie de l’avocat lui interdit en outre d’intervenir, en demande ou en défense, dans le cadre d’un litige contre l’un de ses anciens clients, ce qui semblerait être le cas d’Anthony Delon.