Par La rédaction.

Quels étaient les points clés de l’affaire ?

En 2014, Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog sont accusés d’avoir tenté de corrompre un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, pour qu’il les renseigne sur les enquêtes judiciaires en cours les concernant, en échange d’un poste de magistrat à Monaco.

L’enquête pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2007 révèle que Nicolas Sarkozy disposait d’une ligne téléphonique ouverte par son avocat au nom de Paul Bismuth, dans le but de dissimuler les échanges avec le magistrat.

Invoquant le secret des conversations entre un avocat et son client, soit entre Nicolas Sarkozy, sous le nom de Paul Bismuth, et Thierry Herzog, la défense a vu cet argument être écarté à de nombreuses reprises. Déjà en première instance, le tribunal a estimé que « le contenu des conversations litigieuses ne procède nullement de l’élaboration d’une stratégie de défense ou d’une consultation juridique » et a donc écarté cette demande de nullité.

Ainsi, par un premier jugement rendu le 1er mars 2021, le Tribunal correctionnel de Paris reconnaît Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog ainsi que Gilbert Azibert coupables de corruption et de trafic d’influence. Les trois condamnés ont interjeté appel, donnant ainsi lieu à l’ouverture d’un procès devant la Cour d’appel de Paris en décembre 2022.

Le 17 mai 2023, Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison dont un ferme sous surveillance électronique et trois ans de privation des droits civiques (peine d’inéligibilité). Son avocat Thierry Herzog écope de la même peine, assortie de trois ans d’interdiction d’exercice de la profession d’avocat. Quant à Gilbert Azibert, il se voit infliger une peine de trois ans d’emprisonnement dont un an ferme.

Corruption et trafic d’influence : que constituent ces délits ?

Le langage courant laisse à penser que la corruption n’est qu’une seule infraction commise par le corrupteur. Or dans le langage juridique, la corruption est une situation qui met en scène deux auteurs principaux : d’un côté, le corrompu qui en rendant service en contrepartie d’un avantage commet le délit de corruption passive (art. 432-11 C. pén.) et, de l’autre côté, le corrupteur qui commet un délit de corruption active en fournissant l’avantage pour obtenir de la part du corrompu qu’il accomplisse ou non un acte de sa fonction (art. 433-1 C. pén.). Ces deux infractions, qui sont étroitement liées, sont cependant distinctes et indépendantes (Cass. crim., 4 nov. 1948, Bull. crim., no 250).

S’agissant du délit de trafic d’influence, il a été créé par une loi du 4 juillet 1889 « à la suite du scandale des décorations en 1887 », comme le souligne Jean-Marie Brigant, maître de conférences en droit privé à l’Université Le Mans. Il rappelle que « si la corruption repose sur un couple formé par un corrompu et un corrupteur qui sont liés entre eux par « un pacte de corruption », le trafic d’influence est constitué par un trio : d’une part, le bénéficiaire de l’avantage souhaité ou obtenu irrégulièrement, d’autre part, l’intermédiaire qui abuse de son influence réelle ou supposée sur celui qui détient le pouvoir de décision et enfin la personne cible, à savoir l’autorité ou l’Administration qui détient ce pouvoir de décision ». En effet, proche du délit de corruption, le trafic d’influence s’en distingue par le fait que l’agent public se fait rétribuer pour user seulement de son influence afin de conduire un tiers à accomplir l’acte désiré.

Comme pour le délit de corruption, le délit de trafic d’influence se décline en deux volets : actif et passif. Le trafic d’influence actif consiste ainsi pour une personne à rémunérer la mise en œuvre de son influence par l’agent public concerné. Le trafic d’influence passif, quant à lui, consiste pour cette personne exerçant une fonction publique à proposer ou accepter des avantages pour user de son influence. L’utilisation des termes actif et passif ne doit pas être entendue au sens du langage courant (activité – passivité) au risque de commettre une confusion. En bref, la corruption envisagé du côté de l’agent public corrompu est toujours qualifiée de passive même s’il a sollicité le corrupteur, provoquant ainsi la remise. Celle envisagée du côté corrupteur (un simple particulier) sera toujours qualifiée d’active, même si ce dernier a été démarché par l’agent corrompu. Cela vaut également pour le trafic d’influence.

Jean-Marie Brigant précise que le trafic d’influence, qui est également prévu aux articles 433-1 et 432-11 du Code pénal, est puni, comme la corruption, de dix ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million d’euros, cette dernière pouvant être portée au double du produit tiré de l’infraction. Les mêmes peines sont encourues pour la corruption et le trafic d’influence de personnel judiciaire (art. 434-9 C. pén.).

Qu’a décidé la Cour de cassation ?

Ce mercredi 18 décembre, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel de Paris du 17 mai 2023.  Nicolas Sarkozy est ainsi définitivement reconnu coupable de corruption et de trafic d’influence.

Ce dernier est alors condamné à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme sous bracelet électronique. Cette peine est assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité d’une durée de trois ans.

L’ancien chef de l’État devrait être convoqué par le juge d’application des peines afin de mettre en œuvre sa condamnation. En parallèle de cette condamnation confirmée, Nicolas Sarkozy est appelé à comparaître devant la justice à partir de janvier 2025 pour son procès relatif aux accusations de financement libyen de sa campagne présidentielle.

Dans sa décision, la Cour de cassation a rejeté les moyens soulevés par la défense, considérant que la procédure d’instruction n’avait pas à être annulée. Également, la Cour considère que les conversations téléphoniques entre Nicolas Sarkozy sous le nom de « Paul Bismuth » et son avocat Thierry Herzog relatives au « pacte de corruption » instauré avec Gilbert Azibert n’étaient pas couvertes par le secret professionnel.

S’étant déjà dit indigné par cette « injustice profonde » en 2021, l’ancien président de la République va saisir la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation du droit à un procès équitable (CSDH, art. 6 §1).

En effet, Nicolas Sarkozy a épuisé toutes les voies de recours internes, conformément à l’article 35 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il peut ainsi saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision définitive.

Il convient de préciser que la saisine de la CEDH n’est pas suspensive, c’est-à-dire que l’exécution de la peine ne sera pas suspendue, même si la CEDH juge la requête recevable. Toutefois, si la CEDH conclut à une violation des droits de l’homme, la France devra se conformer à sa décision, ce qui pourrait entraîner la révision de la condamnation de l’ancien président.

Retrouvez le communiqué de presse de la Cour de cassation ici.