Par une décision rendue le mardi 1er avril, le Conseil d’État a reconnu la possibilité pour le Gouvernement de suspendre provisoirement l’accès à un réseau social, sous certaines conditions qui, en l’espèce — lors de l’interdiction de TikTok en Nouvelle-Calédonie en mai 2024 —, n’étaient pas réunies.

Saisi par deux associations ainsi que par des particuliers à des fins de voir annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 mai 2024 du Premier ministre ordonnant le blocage en Nouvelle-Calédonie du service de communication au public en ligne dénommé « TikTok », le Conseil d’État a rappelé le régime de l’état d’urgence ainsi que la théorie des circonstances exceptionnelles.

À cet égard, le Conseil d’État estime que, si la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, en son article premier spécifiquement, dote l’autorité administrative de pouvoirs spécifiques, elle ne fait pas obstacle à ce que l’administration se fonde aussi sur la théorie des circonstances exceptionnelles pour prendre d’autres mesures que celles prévues par le droit commun et le régime de l’état d’urgence.

Consacrée à l’ article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la liberté d’expression s’oppose, hors cas prévus par la loi, à ce que l’accès à un réseau social soit interrompu. Cependant, le Conseil d’État considère que le Gouvernement, en cas de circonstances exceptionnelles et respectant de strictes conditions, peut porter atteinte à la liberté d’accéder aux services de communication au public en ligne et de s’y exprimer.

Le Conseil d’État précise que l’autorité administrative peut recourir à une mesure d’interruption d’accès à un tel service « en cas de circonstances exceptionnelles, si elle est indispensable pour répondre aux nécessités du moment. Dans ce cadre, une interruption complète du service en cause ne saurait être légalement décidée qu’à titre provisoire, à la condition, d’une part, qu’aucun moyen technique ne permette, dans l’immédiat, de prendre des mesures alternatives moins attentatoires aux droits et libertés en cause, et, d’autre part, que l’interdiction soit prise pour une durée n’excédant pas celle requise pour rechercher et mettre en œuvre de telles mesures ».

Se dégagent de la décision du Conseil d’État trois conditions à la légalité de l’interruption : son caractère indispensable au regard de la particulière gravité des événements, sa durée limitée et fixée de manière à permettre la recherche et la mise en place de mesures alternatives, ainsi que l’absence d’un autre moyen technique permettant de prendre immédiatement des mesures alternatives moins attentatoires aux droits et libertés.

Dans les faits de l’espèce, le Conseil d’État considère que la particulière gravité des troubles à l’ordre public survenus en mai 2024 en Nouvelle-Calédonie était de nature à justifier l’interruption provisoire du service de communication au public « TikTok ».

Cependant, estimant que l’interruption devait être limitée dans le temps et constatant que la décision attaquée a procédé à une interruption totale du service pour une durée indéterminée, le juge administratif conclut, sur la base du critère de la durée limitée de l’interruption, à l’illégalité de la décision du Premier ministre du 14 mai 2024.

Retrouvez le communiqué du Conseil d’État ici.

Retrouvez la décision du Conseil d’État ici.