Dans sa décision du jeudi 27 février, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation du volet matériel de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, consacrant le droit à la vie. L’article dispose que :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :

  1. pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;
  2. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;
  3. pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

La Cour a statué, ce jour, sur l’affaire des opérations de maintien de l’ordre sur le site de Sivens, ayant entraîné le décès de Rémi Fraisse, survenu en octobre 2014 lors d’affrontements violents entre des manifestants et des gendarmes mobiles.

Rappelant tout d’abord que la Cour n’est pas chargée de se prononcer sur la question des responsabilités individuelles, cette dernière constate, en premier lieu, des défaillances dans l’encadrement, la préparation et la conduite des opérations litigieuses. Sur le fondement de ces premiers éléments, la Cour conclut que le niveau de protection requis dans le cas d’un recours à une force potentiellement meurtrière, n’a pas été garanti.

En outre, la Cour considère que la réglementation applicable à l’époque des faits n’était ni complète ni suffisamment précise pour permettre un usage réellement gradué de la force. En effet, au regard de la dangerosité de la grenade OF-F1, ayant causé, par son explosion, le décès de Rémi Fraisse, la Cour estime que la dotation de ce type d’arme était problématique en raison de l’absence d’un cadre d’emploi précis et protecteur.

En ce sens et dans les circonstances particulières de l’espèce, les autorités nationales françaises se sont rendues coupables d’une violation de l’article 2 dans son volet matériel.

En ce qui concerne le volet procédural de l’article 2, la Cour ne relève aucun manquement à l’indépendance et à l’impartialité durant l’ensemble de la procédure de l’enquête. En effet, les autorités nationales n’ont pas failli à l’obligation procédurale imposée par l’article 2 de la Convention de mener une enquête effective permettant de conduire à l’établissement des faits et à déterminer si le recours à la force était justifié dans les circonstances de l’espèce.

En ce sens, il n’y a pas eu violation de l’article 2 dans son volet procédural.

La Cour condamne alors la France à verser, à titre de dommage moral, 37 600 euros aux quatre requérants, le père, la mère, la sœur et la grand-mère de Rémi Fraisse.

Retrouvez la décision ici.