Le Conseil d’Etat publie un avis relatif aux conséquences d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire sur le mandat d’un représentant au Parlement européen
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Dans un avis consultatif du 19 juin, rendu public le 16 juillet, le Conseil d’État considère que « le Gouvernement ne peut légalement prendre un décret prononçant la déchéance du mandat d’un parlementaire européen ayant fait l’objet d’une condamnation à une peine d’inéligibilité déclarée exécutoire par provision tant que cette condamnation n’est pas devenue définitive ».
Pourquoi le Conseil d’État a-t-il été saisi d’une demande d’avis consultatif par le Gouvernement ?
Le 2 mai 2025, le Conseil d’État a été saisi d’une demande d’avis consultatif par le Gouvernement. Cette demande fait suite à la condamnation, le 31 mars 2025, de plusieurs députés européens à des peines d’inéligibilité avec exécution provisoire par le Tribunal judiciaire de Paris dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du RN. Le Gouvernement demandait au Conseil d’État s’il appartenait au Premier ministre de mettre fin au mandat en cours d’un député européen lorsque celui-ci a été condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, quand bien même le jugement qui la prononce n’est pas définitif.
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Pour rappel, les avis rendus par le Conseil d’État sont consultatifs. En conséquence, le Gouvernement et les parlementaires sont libres de suivre ou non les analyses et recommandations juridiques formulées dans cet avis.
Quelles sont les conséquences de l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité ? Pour un élu local ? Sur un mandat parlementaire ?
Conformément au droit national, l’inéligibilité déclarée exécutoire par provision prononcée à l’encontre d’un élu dont le mandat est en cours peut avoir pour conséquence d’y mettre fin avant même qu’il soit arrivé à son terme. Ainsi, l’article L205 du Code électoral prévoit par exemple que « [t]out conseiller départemental qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d’inéligibilité (…) est déclaré démissionnaire par le représentant de l’Etat dans le département ». Raison pour laquelle Marine Le Pen a été déclarée démissionnaire d’office de son mandat de conseillère départementale, après avoir été condamnée à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire dans l’affaire des assistants parlementaires du RN. La jurisprudence constante du Conseil d’État comme du Conseil constitutionnel confirme le fait que l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité a bien pour effet de priver l’élu immédiatement de l’exercice de son mandat.
Concernant les députés, l’article LO136 du Code électoral indique que « [s]era déchu de plein droit de la qualité de membre de l’Assemblée nationale celui (…) qui, pendant la durée de son mandat, se trouvera dans l’un des cas d’inéligibilité prévus par le présent code ». Néanmoins, il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que cette déchéance reste subordonnée au caractère définitif de la condamnation et donc que l’exécution provisoire de la peine n’a pas pour effet de priver le député de sa qualité de membre de l’Assemblée nationale. Cette différence de traitement entre élus locaux et parlementaires s’explique par le fait que les députés « participent à l’exercice de la souveraineté nationale en vertu de l’article 3 de la Constitution » précise le Conseil d’État dans son avis par renvoi à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Qu’a estimé le Conseil d’État dans son avis consultatif ?
En ce qui concerne les députés européens, l’article 13 paragraphe 3 de l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct prévoit que « [l]’orsque la législation d’un État membre établit expressément la déchéance du mandat d’un membre du Parlement européen, son mandat expire en application des dispositions de cette législation. Les autorités nationales compétentes en informent le Parlement européen ». Il procède ainsi à un renvoi au droit national et se limite à constater la déchéance du mandat. Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 5 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen dispose que « [l]’inéligibilité met fin au mandat du représentant lorsqu’elle survient en cours de mandat ». Mais une condamnation pénale non définitive, assortie de l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité, conduit-elle à la perte immédiate d’un mandat au Parlement européen ?
Dans son avis consultatif, le Conseil d’État précise que, bien que les parlementaires européens ne soient pas dans une situation identique à celle des parlementaires nationaux car le Parlement européen « n’est pas l’émanation de la souveraineté nationale », « le statut des parlementaires européens tend (…) à les rapprocher de celui des parlementaires nationaux ».
En conséquence, le Conseil d’État estime que « la déchéance du mandat d’un représentant au Parlement européen ne peut être prononcée que si la condamnation à une peine d’inéligibilité a acquis un caractère définitif, comme c’est le cas pour les parlementaires nationaux ».
Retrouvez l’avis consultatif du Conseil d’État ici.