Par Vincent Dussart, Professeur à l’Université Toulouse Capitole, Institut Maurice Hauriou

Comment a été constituée cette commission d’enquête ?

A la suite du « dérapage » des finances publiques constaté depuis le début de l’année mais aussi en 2023, les institutions parlementaires se sont emparées de cette question politique hautement sensible. Le député Éric Ciotti avait souhaité utiliser le droit de tirage de son groupe parlementaire pour la création d’une commission d’enquête. A la suite d’une demande similaire du président de la Commission des finances, Éric Coquerel, cette dernière s’est finalement investie des pouvoirs d’une commission d’enquête comme le permet l’article 5ter de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires sur autorisation de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale. La Commission des finances dispose, dès lors, pour six mois des pouvoirs d’une commission d’enquête. Les députés Eric Ciotti et Mathieu Lefèvre en ont été désignés rapporteurs.

Dès le 27 mars 2024, le Sénat avait créé, à l’initiative du président de la Commission des finances Claude Raynal, une mission d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023 qui a produit un premier rapport le 12 juin. Ce rapport a mis en évidence l’imprudence et une forme de rétention d’information de la part des gouvernements Attal et Borne qui auraient été prévenus, en amont, de la dégradation des recettes notamment. Le gouvernement Attal a refusé d’ajuster les prévisions budgétaires par une loi de finances rectificative. Cette mission a repris ses travaux à l’automne parallèlement à ceux de la commission des finances de l’Assemblée nationale en menant de nouvelles auditions.

Des pouvoirs d’enquête très encadrés

C’est l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 qui fixe les pouvoirs des commissions d’enquête. Les commissions d’enquête ont un caractère temporaire. Les rapporteurs désignés peuvent enquêter sur pièce et sur place. Ils peuvent se faire communiquer tout document utile à l’enquête à mener.

Les rapporteurs disposent du pouvoir de convoquer toute personne dont l’audition publique paraît nécessaire sachant que ces auditions peuvent être télévisées. Ce moyen est celui qui sera le plus utilisé pour les travaux de la commission. Tout comme au Sénat, les plus hauts dirigeants de Bercy mais aussi de la Sécurité sociale ont été et seront entendus dans le cadre des travaux de cette commission d’enquête. L’ancien ministre Bruno Lemaire a été entendu le 12 décembre et très largement questionné sur la question des causes du dérapage. Cette audition a été marquée par des débats très vifs entre l’ancien ministre et différents commissaires. Le format de l’audition n’est pas nécessairement le plus à même d’éclairer les débats sur les finances publiques en raison du caractère politique de certaines interventions de députés.

L’impact à venir des résultats de la commission d’enquête

Les résultats des travaux de la commission d’enquête seront naturellement publiés sous forme d’un rapport sachant que les auditions des personnes entendues sont rendues disponibles par l’Assemblée nationale (mais aussi par le Sénat en ce qui sa propre mission d’information). La première conséquence des travaux de cette commission tient dans la médiatisation de ces auditions qui peuvent atteindre le grand public. La question principale posée finalement dans les travaux de la commission d’enquête, même s’ils ne sont pas achevés, est celle de la sincérité des prévisions budgétaires qui est, normalement, un principe de rang constitutionnel. Le budget était-il sincère ?

Les personnes entendues ne risquent pas de sanction directe. Le résultat des travaux de la commission d’enquête tient dans ce que les parlementaires mais aussi l’exécutif voudront bien en faire. En ce cas précis, on pourrait espérer un renforcement du contrôle et de l’évaluation de l’exécution du budget en cours d’année. Il apparaît, cependant, que si les parlementaires passent beaucoup de temps à voter les lois de finances en temps ordinaires, ils en passent beaucoup moins à contrôler l’exécution des budgets comme en témoignent les débats sur les lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (anciennement lois de règlement). La question des prévisions de recettes devra sans doute faire l’objet de nouvelles approches comme le relève tant les travaux du Sénat que ceux de l’Assemblée nationale. Le contexte politique actuel n’est cependant pas très favorable…