Par Frédéric Douet, Professeur à l’Université Rouen-Normandie, membre du Conseil des prélèvements obligatoires

L’idée d’une taxe sur les plateformes de streaming est discutée depuis quelques mois. De quoi s’agit-il ?

Le streaming permet d’écouter ou de visionner instantanément des contenus en ligne. Le Gouvernement est favorable à une taxe sur les plateformes de streaming dont le produit serait destiné à financer le Centre national de la musique (CNM). Celui-ci est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé en 2020 et placé sous la houlette du ministère de la Culture et de la Communication. Son rôle est de soutenir le secteur de la musique. Pour cela il a bien évidemment besoin de ressources.

Cette idée est-elle novatrice ?

Non, pas vraiment. Il existe déjà une taxe sur la diffusion physique et en ligne de contenus audiovisuels (CGI, art. 1609 sexdecies B), plus connue sous le nom de « taxe YouTube ». La loi de finances rectificative pour 2016 a étendu cette taxe aux contenus en ligne. Elle a parfois été présentée comme participant à la lutte contre l’évasion fiscale de grands groupes du numérique. En réalité, il s’agissait plutôt d’actualiser la taxe afin que celle-ci puisse s’appliquer quel que soit le média utilisé. La taxe YouTube est due notamment par les personnes, établies en France ou à l’étranger, qui fournissent à titre onéreux ou gratuit, par un procédé de communication électronique, des services de vidéo à la demande à destination des consommateurs français. 

Elle est assise sur les sommes versées par les annonceurs et parrains, directement ou par l’intermédiaire de régisseur, pour la diffusion de leurs messages publicitaires ou de parrainage sur les services de vidéos concernés. En principe, son taux est de 5,15 % et, par exception, de 15 % pour les contenus pornographiques ou incitant à la violence. Il existe d’autres taxes spécifiques aux entreprises du secteur du numérique. Ce sont la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité due par les datacenters, les prélèvements sur les paris en ligne, la taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport et la taxe sur les ordres annulés dans le cadre d’opérations à haute fréquence.

La taxe sur les plateformes de streaming va-t-elle dans le bon sens ?

Cette taxe est révélatrice du mal qui ronge la technostructure française, à savoir que les prélèvements obligatoires passent pour être l’alpha et l’oméga des politiques publiques. Quand l’État veut s’occuper de tout, il ne s’occupe en réalité de rien. Sur quels critères choisir les artistes et les producteurs ayant vocation à bénéficier des largesses du CNM ? Au nom de l’exception culturelle française, cela revient à mettre sous perfusion fiscale des personnes dont les productions ne rencontrent parfois guère de succès auprès du public. 
De plus, il ne faut pas se faire d’illusions. Les plateformes de streaming répercuteront, directement ou indirectement, sur leurs utilisateurs les sommes qu’elles seront appelées à verser pour financer le CNM. Il faut souligner que le 9 novembre dernier, plusieurs acteurs – dont Deezer et Spotify – se sont mis d’accord au ministère de la Culture et de la Communication sur un projet de convention afin de financer ce centre.