Par Stéphanie Travade-Lannoy, Avocat Associée, Cabinet BWG

L’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de divorce, initialement fixée au 1er septembre 2020 par le décret du 17 décembre 2019, est en passe d’être différée de 4 mois, soit jusqu’au 1er janvier 2021.

Cette mesure figure en effet à l’article 1er septies du projet de loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 » déposé le 7 mai dernier, et devrait, après intervention de la commission mixte paritaire, être promulguée rapidement.

Alors pourquoi un tel report ? Et quelles en seront les conséquences pour les justiciables ?

Pourquoi ce report d’entrée en vigueur ?

Le rapport de la commission des lois du Sénat (n° 453 (2019-2020)) est éclairant sur les motifs de ce report.

L’objectif est clair : « La commission des lois souhaite qu’elle (la réforme de la procédure de divorce) soit mise en œuvre dans de bonnes conditions ».

Or, la crise sanitaire sans précédent que nous vivons a eu et a toujours des conséquences dramatiques sur le fonctionnement des tribunaux, lesquels vont accuser un retard considérable dans le traitement des dossiers. Le rapport précise que « L’étude d’impact du présent projet de loi estime à près de 20 000 le nombre de dossiers non traités pendant la crise sanitaire, puisque les divorces contentieux ne faisaient pas partie des contentieux essentiels des plans de continuité d’activité ».

Si l’on y ajoute tous les dossiers qui faisaient déjà l’objet de fixation à des dates très éloignées du fait de la surcharge des magistrats, ce nombre devient vertigineux.

Partant de ce constat, et tout en regrettant (ce qu’on ne peut que partager !) « les obstacles informatiques à la continuité de la justice civile pendant cette crise », la commission « estime qu’il serait très difficile pour les juridictions de préparer la mise en œuvre de cette réforme pour le 1er septembre 2020 et de faire coexister à cette date deux procédures différentes avec un tel stock d’affaires non jugées ».

Il est vrai que cette coexistence va se poursuivre un certain temps puisque toutes les requêtes en divorce déposées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure resteront soumises à l’ancienne loi. Quand on sait qu’un divorce contentieux peut durer (sous l’ancienne loi en tous cas) plusieurs années, on comprend que cette coexistence va effectivement être un sujet.

Le retard dans le traitement des dossiers par les juridictions est donc la raison majeure avancée pour ce report. Mais elle n’est pas la seule.

À cela s’ajoute, en effet, un retard dans la mise en place des instruments nécessaires à la mise en œuvre de la nouvelle loi.

Ce retard préexistait à l’épidémie, et avait d’ailleurs notamment justifié que la date d’entrée en vigueur du 1er janvier 2020 initialement prévue dans le projet de décret soit finalement fixée au 1er septembre 2020 dans le décret définitif.

Mais il s’est encore creusé pendant cette crise, qui a paralysé nombre de juridictions.

De quels instruments parle-t-on ?

Pour le comprendre, il faut rappeler que la loi sur le nouveau divorce contentieux impose aux avocats de faire figurer dans leur assignation en divorce, à peine de nullité, la date de la première audience, appelée audience d’orientation et sur les mesures provisoires.

Or, tout le problème est de savoir selon quel(s) moyen(s) cette date sera communiquée par le Tribunal.

Le décret du 11 décembre 2019 prévoyait simplement que la date serait « communiquée par la juridiction au demandeur par tout moyen selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux » (article 1107 du Code de procédure civile).

L’arrêté du 9 mars 2020 n’est pas tellement plus précis puisqu’il prévoit toujours que la date d’audience peut être communiquée par tous moyens, en précisant que ce pourra être notamment par téléphone, télécopie ou courrier électronique, le système de communication électronique étant, pour le moment, réservé aux seuls référés.

Or, l’objectif est évidemment de généraliser, voire systématiser, la communication par voie électronique, et en l’occurrence par le RPVA (système de communication électronique devant le tribunal judiciaire).

Mais, comme le souligne la commission, ce système n’est pas encore adapté à la prise de date : « Ce délai devra également être mis à profit pour assurer la mise en œuvre au 1er janvier 2021 de l’outil informatique nécessaire à la prise de date de l’audience d’orientation et de fixation des mesures provisoires qui n’est manifestement pas prêt ».

Il faut donc espérer que ce nouveau délai de 4 mois permettra d’avancer rapidement dans cette voie.

Quelles conséquences pour les justiciables ?

Ce différé de l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de divorce contraint les justiciables qui souhaitent divorcer et qui ne parviennent pas à un divorce amiable, à rester soumis à l’ancienne procédure, à laquelle on a beaucoup reproché, à juste titre, sa longueur.

La nouvelle loi – dont le rapport de la commission des lois rappelle que « Outre la simplification, l’objectif recherché est bien celui d’une plus grande célérité » – met effectivement en place un certain nombre de mesures qui, nous l’espérons, devraient conduire à réduire la durée de la procédure de divorce.

Ainsi notamment :

  • Alors que l’ancienne procédure était organisée en 2 temps : une requête en divorce qui donnait lieu à des mesures provisoires, puis une assignation en divorce, il n’y aura, dans la nouvelle procédure, plus qu’une seule phase qui débutera par une assignation en divorce ou une requête conjointe (article 1107 du CPC).
  • Dans les dossiers simples, il sera possible pour les époux (à condition qu’ils soient d’accord évidemment) de renoncer aux mesures provisoires.
  • Il est créé une audience d’orientation dans l’objectif d’échanger sur les spécificités du dossier afin d’adapter la procédure à chaque espèce, et donc de ne pas faire perdre de temps aux dossiers les plus simples.
  • Le délai de l’altération définitive du lien conjugal (qui est un des fondements du divorce, aux côtés de la faute et de l’acceptation du principe du divorce) passe de deux ans à un an.

Ainsi, alors que l’époux qui voulait divorcer (sans avoir de faute à reprocher à son conjoint, et sans que ce dernier accepte le principe du divorce) devait attendre deux ans de séparation de fait pour engager la 2e phase du divorce, il voit maintenant ce délai divisé par deux.

La loi est même allée plus loin puisque ce délai s’apprécie maintenant au jour du divorce (et donc à la fin de la procédure).

Il faudra donc attendre quatre mois de plus pour bénéficier de ces avancées vers un divorce contentieux moins long.

Pour aller plus vite, la voie à privilégier reste en tout état de cause le divorce par consentement mutuel, qui, parce qu’il est déjudiciarisé depuis 2017, ne pâtit pas du désastre judiciaire actuel, et permet de sortir « par le haut » de cette crise conjugale et familiale qu’est le divorce.

 

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