3 questions à Yann Aguila sur le retrait des Etats-Unis de la COP 21
Yann Aguila, avocat du cabinet Bredin Prat et membre du Club des juristes décrypte le possible retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris.
En se retirant de l’Accord de Paris, les Etats-Unis commettraient une faute de nature à engager leur responsabilité
Les Etats-Unis peuvent-ils se retirer de l’Accord de Paris ?
Oui, les Etats-Unis peuvent se retirer de l’Accord de Paris en prenant deux voies différentes :
La première voie, en respectant les clauses prévues dans l’Accord de Paris, voudrait que les Etats-Unis respectent un délai de quatre ans à la suite à l’entrée en vigueur du texte : trois ans avant de pouvoir décider du retrait, plus un an pour que cette annonce devienne effective. En se tenant à ces conditions, les Etats-Unis pourraient donc annoncer leur retrait au plus tôt en novembre 2019, pour une sortie l’année suivante, en novembre 2020.
La solution la plus vraisemblable selon les derniers échos des conseillers de l’administration Trump serait de choisir une voie plus rapide et plus globale : les Etats-Unis choisiraient alors de quitter non seulement l’Accord de Paris, mais également la Convention Cadre sur le Climat de Rio, signée en 1992, et dont de nombreux accords et traités découlent (Kyoto, Copenhague, Paris, etc..). Ce serait en quelque sorte « l’arme nucléaire », puisqu’on observerait alors une immense régression, le retrait total des Etats-Unis de toute négociation climatique.
Dans ce cas, l’Administration Trump pourrait se retirer de cette Convention dans un délai plus bref d’une année seulement, ce retrait entraînant ipso facto par voie de conséquence un retrait de l’Accord de Paris.
Quelles conséquences un retrait aurait-il sur les autres Etats signataires de l’Accord de Paris ?
Deux réponses sont possibles.
La vision pessimiste serait celle de « l’effet domino » : les Etats-Unis entraîneraient dans leur sillage un bon nombre d’Etats concernés par la question du réchauffement climatique, comme la Chine, ou encore la Russie qui n’a pas encore ratifié l’Accord de Paris. C’est un « scénario catastrophe », mais il est tout à fait envisageable.
La réponse plus positive – et plus volontariste – serait, comme l’a souligné Laurent Fabius lors des Assises du Droit et de la Compétitivité 2017, que les autres Etats, ainsi que la société civile, s’engagent encore plus, qu’ils accélèrent leur action pour combattre ce réchauffement climatique.
A cet égard, la mobilisation de la société civile américaine est une réalité. Elle pourrait contribuer à ce que, malgré les décisions de l’Administration Trump, les Etats-Unis réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre.
De plus, certains Etats, tels que la Chine, pourraient saisir l’occasion pour occuper la place laissée vacante par les Etats-Unis, relégués quant à eux au second plan de ce grand mouvement mondial impliquant les 195 Etats de la planète dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les Etats-Unis se trouveraient à un contre-courant et risqueraient un isolement diplomatique.
Quels sont les risques juridiques auxquels s’exposent les Etats-Unis avec cet éventuel retrait de l’Accord de Paris ?
Je pense que la réponse est avant tout prospective.
Il existe des arguments tout à fait sérieux pour penser que les Etats-Unis commettraient une faute de nature à engager leur responsabilité en n’adoptant pas les mesures nécessaires afin de lutter contre le réchauffement climatique. C’est ce qu’implique la responsabilité d’un Etat au travers de la notion de « carence fautive » : en 2017, ne pas prendre de mesure contre les émissions de gaz à effet de serre est déjà une faute en soi. En l’état des connaissances scientifiques, les décideurs publics américains ne pourront pas dire : « nous ne savions pas ».
En France, nous avons consacré aujourd’hui dans notre droit de l’environnement, un principe de « non-régression ». Celui-ci oblige l’Etat à aller de l’avant en matière environnementale, ou du moins à ne pas régresser, ce qui implique donc qu’il ne peut pas revenir sur les accords environnementaux déjà signés. La non-régression n’est pas encore consacrée internationalement et c’est ce qui permettrait à l’administration Trump d’abroger le Clean Power Act, la réglementation nationale prise par l’Administration Obama, pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Mais il se pourrait bien qu’un jour, les victimes de catastrophes naturelles dues au réchauffement climatique demandent réparation. Ces victimes, et surtout leurs assureurs, se retourneront alors contre les pollueurs et chercheront des responsables. Les Etats-Unis, en se retirant des accords de Paris et/ou de la Convention Cadre et en abrogeant le Clean Power Act commettent une faute qui engage à mon avis directement leur responsabilité. Donald Trump exposerait son pays, à plus ou moins long terme, à un risque juridique non négligeable.
Par Yann Aguila