Par Bruno Serizay, avocat associé CAPSTAN Avocats

L’impérieuse nécessité de concilier la protection sanitaire – par le confinement (d’autres pays  comme la Corée du sud ont retenu d’autres options) – et la poursuite de l’activité économique impose aux entreprises et leurs collaborateurs de recourir, pour les activités compatibles, au télétravail. Conçu depuis quelques années comme le double moyen de favoriser l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle (en permettant aux salariés des grandes concentrations urbaines « d’économiser » quelques longs déplacement domicile / travail dans la semaine ou le mois) et, aux entreprises, en lien avec les nouvelles formes d’organisation des lieux et postes de travail (les flex offices), quelques coûteuses surfaces, le télétravail est brutalement devenu un mode normal d’organisation des activités professionnelles.

Le recours au télétravail est-il obligatoire par l’entreprise ?

Pèse sur les entreprises une obligation de sécurité à l’égard de leurs salariés ; cette obligation ne disparait pas en raison des circonstances exceptionnelles que caractérise l’épidémie de Covid-19. Jointe à la limitation des déplacements, cette obligation impose à toutes les entreprises d’adapter les conditions de travail, lorsque l’activité n’est pas « déportable » en veillant au respect des « gestes barrière » et de la « distanciation sociale » et, à chaque fois que l’activité est « déportable », à recourir au télétravail.

En principe encadré par un accord collectif ou une charte établie par l’entreprise, le recours au télétravail est mis en place unilatéralement par l’employeur en cas de circonstances exceptionnelles, « notamment d’épidémie » (article L 1222-11 du Code du travail). Au plan juridique, la mise en télétravail du salarié caractérise « un aménagement des postes de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».

Le télétravail s’impose t’il au salarié ?

Alors qu’en principe, le télétravail doit être accepté par le salarié, les circonstances exceptionnelles – l’épidémie Covid-19 – l’impose au salarié, dès lors que l’entreprise lui fournit les moyens (informatiques) d’exercer ses activités professionnelles. En précisant que le télétravail est un aménagement de poste de travail et non une modification du contrat de travail, la loi donne toute autorité au chef d’entreprise.

Si elles sont naturellement prises en compte par les employeurs, notamment par une adaptation des volumes d’activité, les contraintes personnelles du salarié – dont le domicile n’est pas naturellement conçu pour y exercer son travail et dont la coexistence familiale n’est pas prévue pour être professionnelle – ne peuvent pas justifier son refus.

Comment est organisé le travail du télétravailleur ?

L’accord collectif ou la charte définit, en temps normal, les conditions de mise en œuvre du télétravail et notamment la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le télétravailleur, les modalités de contrôle du temps de travail et celles de régulation de la charge de travail. Les circonstances exceptionnelles et l’extrême rapidité avec laquelle la généralisation du télétravail a prévalu entre le 14 et le 17 mars 2020 ont conduit nombre d’entreprises à différer l’établissement d’une réglementation interne appropriée. On observe que le « terrain » et plus particulièrement le management de proximité a su pallier l’absence de normes collectives.

La prolongation vraisemblable sur de nombreuses semaines de la pandémie doit, malgré tout, inciter les entreprises à se doter des règles communes utiles à éviter les litiges futurs.

Le chef d’entreprise conserve l’intégralité de ses prérogatives, notamment pour organiser et contrôler le travail des collaborateurs en télétravail. Ce contrôle peut notamment être réalisé par les dispositifs de suivi informatiques de l’activité de chaque salarié. Le télétravailleur qui ne respecte pas les ordres de sa hiérarchie et/ou les conditions de réalisation de l’activité (ce qui suppose qu’elles soient définies – cf. supra) s’expose à une sanction pouvant aller jusqu’à son licenciement.

Mais à l’inverse, le salarié conserve l’intégralité de ses droits, notamment au respect de sa vie personnelle et à l’équilibre avec sa vie professionnelle. Il conserve naturellement les droits attachés aux procédures disciplinaires, même si certaines adaptations pratiques s’imposent : envoi des convocations aux entretiens préalables et des notifications de sanction par mails avec accusés de réception, tenue des entretiens par téléphone, skype, teams, etc. Les tribunaux seront vraisemblablement amenés à trancher les litiges que ces adaptations inévitables ne manqueront pas de générer.

Quel est le rôle des instances sociales ?

L’urgence a conduit la plupart des entreprises à recourir au télétravail sans consulter préalablement leur CSE. La force majeure et l’obligation de protection sanitaire qui dépasse très largement le cadre de chaque entreprise constituent des arguments déterminants pour justifier la mise à l’écart de la consultation prévue par l’article L 1222-9 du Code du travail. En revanche, il appartient à chaque entreprise d’informer le CSE à l’occasion de sa plus prochaine réunion – elle-même virtuelle.

 

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