Par Xavier Aumeran, Professeur de droit privé à l’Université des Antilles

Du 26 juillet au 11 août, mais aussi les semaines qui précèderont et suivront les Jeux Olympiques, puis les Jeux Paralympiques, la saturation ne sera pas seulement médiatique. Les transports, les logements de tourisme, les restaurants le seront, en Île-de-France, comme dans de nombreuses autres villes et régions. Au sein des entreprises, dans tous les secteurs, la période peut constituer un défi majeur d’organisation du travail. Pour certaines, l’activité sera maximale. Pour d’autres, elle sera rendue beaucoup plus compliquée. Tous les outils existent, en droit du travail, pour leur permettre, avec leurs salariés, de faire face aux défis qui s’annoncent.

Quels sont les enjeux d’organisation du travail auxquels les entreprises seront confrontées ?

L’incidence des Jeux Olympiques et Paralympiques – les « JOP » – sur l’organisation du travail des entreprises franciliennes dépend, d’abord, étroitement des répercussions de l’évènement sur leur activité. Pour nombre d’entre elles, en particulier celles directement impliquées dans l’organisation, l’heure sera à l’explosion de l’activité. Pour les partenaires ou fournisseurs des Jeux, les défis à venir ont généralement déjà été anticipés. Mais des milliers d’autres seront tout autant sollicitées : tourisme, hôtel-café-restaurant, transport de voyageurs, services de paiement, fournisseurs en énergie, réseaux de téléphonie mobiles, etc. La durée du travail devra alors être augmentée et les temps de repos réduits. Des astreintes seront parfois mises en place. Les congés estivaux pourront être raccourcis, anticipés ou souvent reportés. La charge de travail s’alourdira.

À l’inverse, pour de nombreux secteurs, les semaines qui s’annoncent seront celles d’interminables temps de trajet pour les salariés, de zones inaccessibles car consacrées aux Jeux et de trains saturés. Congés, activité réduite, télétravail, limitation des déplacements seront alors les maîtres mots.

Quels outils ont été instaurés pour répondre aux défis qui s’annoncent ?

Si les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ont fait l’objet de plusieurs lois et décrets, les dispositions relatives à l’organisation du travail demeurent anecdotiques. Tout juste une dérogation temporaire au repos dominical a été rendue possible pour les commerces de vente au détail situés à proximité des sites de compétition, entre le 15 juin et le 30 septembre 2024. Dans la même logique, certains établissements connaissant un surcroît extraordinaire de travail pour certains besoins directement liés aux Jeux pourront suspendre le repos hebdomadaire entre le 18 juillet et le 14 août. Ni plus, ni moins. Et pour cause, notre droit du travail est déjà pleinement apte à permettre l’instauration d’organisations du travail adaptées à ce type de circonstances extraordinaires.

L’employeur peut, en associant la représentation des salariés par l’information et la consultation, décider de mettre en place des aménagements du temps de travail ou changer les périodes de prise des congés payés. Par ailleurs, l’engagement de négociations collectives, en particulier pour conclure des accords d’entreprise, constitue une solution de choix pour les entreprises concernées, quelle que soit leur taille. Depuis longtemps, le législateur permet aux TPE et PME, comme aux plus grandes, de construire des organisations du travail adaptées à leurs besoins et aux aspirations de leurs salariés. La consultation des accords collectifs déposés sur Légifrance démontre la pertinence de l’outil. Par dizaines, en Île-de-France mais pas seulement, elles ont fait le choix du dialogue social pour élaborer, sur mesure, les règles adéquates afin de faire face aux défis organisationnels des JOP Paris 2024. Tel est par exemple le cas du recours au CDD à objet défini, au cœur de plusieurs accords.

Quelles mesures peuvent être mises en place dans les entreprises ?

Pour celles dont l’activité ne fera que croitre jusqu’à la fin du mois d’août, la hausse de la durée du travail pourra s’opérer dans le cadre d’un aménagement conventionnel du temps de travail sur plusieurs mois, notamment par une compensation du pic de travail estival avec des périodes de moindre activité à l’automne ou l’hiver prochain. Certaines entreprises ont par ailleurs choisi, à la lecture des accords notamment, de décaler la période de prise du congé principal sur les mois de septembre et octobre, le cas échéant en octroyant des congés supplémentaires aux salariés concernés. Pour d’autres, l’inévitable intensification du travail et augmentation des temps de déplacement donneront lieu, outre les contreparties obligatoires, à des primes exceptionnelles. La prime de partage de la valeur, l’intéressement de projet également, permettent de poursuivre un tel objectif.

Les employeurs subissant une réduction ou des entraves dans l’exercice de leur activité ne sont pas davantage désarmés. Notre droit du travail recèle tous les outils nécessaires pour aboutir à des solutions adaptées et équilibrées. Par accord collectif ou en recourant à une charte, avec l’accord des intéressés, le télétravail temporaire peut être mis en place. Dans les prochaines semaines, la période de prise des congés, fixée entre le 1er mai et le 31 octobre, devra être définie, puis les dates de départ de chacun. Nul doute que les derniers jours de juillet et les premiers d’août seront souvent privilégiés. Le cas échéant, les horaires de travail pourront également être modifiés.

Finalement, la question n’est pas tant celle de l’existence ou non de solutions pour les parties au contrat de travail afin de s’adapter à la période des Jeux à venir, que celle du choix de l’aménagement retenu et de son mode de mise en œuvre.