Par Julia Grignon, professeure agrégée à l’Université de Laval (Canada) et directrice de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire

Quels sont les biens qui peuvent faire l’objet d’attaques dans les conflits armés ?

Selon les règles relatives à la conduite des hostilités en droit international humanitaire, seuls les objectifs militaires peuvent faire l’objet d’attaque, c’est-à-dire les biens qui en raison de leur nature, ou en raison de leur utilisation ou de leur emplacement par exemple, apportent une contribution effective à l’action militaire d’une partie au conflit et dont la destruction, ou la capture ou la neutralisation, offre en l’occurrence à celui qui l’attaque un avantage concret et direct. De cette définition il résulte qu’un hôpital est un bien de caractère civil, qui ne devrait jamais faire l’objet d’attaques. De surcroît, en droit international humanitaire, les hôpitaux jouissent d’une protection spéciale.

Que signifie pour un hôpital de jouir d’une protection spéciale ?

Le droit international humanitaire accorde une protection spéciale à certains biens de caractère civil, tels que les biens culturels, les ouvrages contenant des forces dangereuses ou les hôpitaux. En raison de leur fonction humanitaire, ces derniers doivent non seulement être respectés mais également protégés, c’est-à-dire que leur fonctionnement devrait être facilité. 

Un hôpital ne peut perdre sa protection que s’il devient un objectif militaire et s’il est utilisé pour commettre un acte nuisible à l’ennemi. La notion d’acte nuisible à l’ennemi n’est pas définie en droit international humanitaire, mais elle doit se comprendre comme un acte ayant pour but ou pour effet, en favorisant ou en entravant des opérations militaires, de nuire à l’une des parties au conflit. À titre d’exemple les agissements suivants ont pu être considérés comme tel : l’installation d’une position de tir dans un poste médical, l’utilisation d’un hôpital comme refuge pour combattants valides, ou encore l’utilisation d’un hôpital comme poste d’observation militaire ou comme dépôt d’armes ou de munitions.

Toutefois, même dans ces cas, compte tenu des activités qui y sont menées et de la qualité des personnes qui s’y trouvent – civils et personnel médical, il apparaît que les dommages que provoquerait une attaque par bombardement aérien menée contre un hôpital seraient immanquablement disproportionnés, rendant ainsi cette attaque illicite. 

Est-il licite de pénétrer dans un hôpital pour y chercher des membres de groupes armés et peut-on en ordonner l’évacuation ?

Les forces armées devraient toujours s’abstenir de pénétrer dans un hôpital. Cependant lorsque se trouvent à l’intérieur de ce dernier des personnes qu’il est licite d’attaquer ou de neutraliser, il est possible qu’elles y pénètrent dans ce but. Ce faisant, elles doivent toutefois prendre des précautions additionnelles pour ne causer aucun dommage aux blessés et malades qui s’y trouvent ou aux personnes civiles qui y auraient trouvé refuge. Elles doivent également se conformer à toutes les autres règles de droit international pertinentes. Il convient de préciser que, puisque le droit international humanitaire pose de précieux garde-fous pour protéger les activités médicales et humanitaires des hôpitaux, la partie adverse doit corrélativement adopter des précautions passives pour ne pas contribuer à mettre en danger cet hôpital.

Que sont les précautions passives ?

Prendre des précautions passives, tel que l’exige le droit international humanitaire, signifie en particulier pour la partie au conflit qui fait l’objet d’attaque de prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la population civile contre les dangers résultant des opérations militaires, ce qui implique notamment d’éloigner la population civile du voisinage des objectifs militaires. Il est donc évident qu’une partie au conflit qui utilise un hôpital pour se protéger ou pour commettre un acte nuisible à l’ennemi viole cette règle puisque cela conduit à ce que cet hôpital perde sa protection, fasse éventuellement l’objet d’une attaque et mette en danger les blessés et malades, le personnel médical et les civils qui se trouvent à l’intérieur ou à proximité.