Condamnation de Donald Trump : quelles conséquences ?
Donald Trump a été reconnu coupable, ce jeudi 30 mai, des 34 chefs d’inculpation portés contre lui dans l’affaire Stormy Daniels par un jury populaire de New-York. Sa peine ne sera connue que le 11 juillet prochain. Que risque-t-il vraiment ? Et quelles conséquences peut avoir ce verdict sur l’élection présidentielle de 2024 ?
Par Frederick T. Davis, ancien procureur fédéral et membre des barreaux de New York et de Paris.
De quels délits, précisément, Donald Trump a-t-il été reconnu coupable ?
L’infraction principale est d’avoir été reconnu coupable d’avoir participé à la falsification de documents commerciaux. Cependant, pour comprendre la signification et la gravité des faits reprochés, il est important de replacer ces accusations dans leur contexte.
En octobre 2020, peu de temps avant l’élection, Trump a perçu qu’il était vulnérable – notamment auprès des électrices – en raison de la publication de la soi-disant « Hollywood Tape », dans laquelle Trump tenait des propos explicites et grossiers sur les femmes et sa capacité à leur faire des avances sexuelles en toute impunité. Il a ensuite appris que l’actrice pornographique Stormy Daniels menaçait de rendre publique sa version d’une rencontre des années auparavant, au cours de laquelle elle prétendait avoir eu une liaison sexuelle avec lui peu de temps après la naissance du plus jeune enfant de Trump. Une révélation qui aurait pu avoir des conséquences dévastatrices sur son élection. Son avocat, Michael Cohen, a alors négocié avec un avocat de Mme Daniels un accord selon lequel cette dernière a été payée 130.000 dollars en échange de la promesse de ne pas rendre publique sa version de ces événements. Cohen a effectué le paiement de 130 000 dollars en utilisant initialement ses propres fonds ; ce montant (plus un montant supplémentaire pour couvrir le fait que Cohen serait obligé de payer des impôts sur ses revenus de Trump) a été effectué en plusieurs chèques, certains signés par Trump personnellement et d’autres par des responsables de son organisation. Dans les livres comptables de l’entreprise de Trump, ces paiements ont été enregistrés comme des « frais juridiques » pour son avocat. Or, la loi de l’État de New York fait de la falsification de documents commerciaux un « misdemeanor » – c’est-à-dire une infraction mineure, à peu près comparable à une contravention en droit français. Cette infraction devient une « felony » – c’est-à-dire une infraction beaucoup plus grave, comparable à un « délit » en droit français – si le document falsifié était destiné à dissimuler la commission d’une autre infraction.
La théorie du procureur était la suivante :
- Le paiement de 130.000 dollars était destiné à soutenir la campagne électorale de Trump
- En tant que tel, il aurait dû être publiquement identifié comme une dépense de campagne, conformément aux lois fédérales et étatiques sur la transparence des financements de campagne.
- Trump savait qu’une imputation précise du paiement dans les registres de son entreprise serait désastreuse pour sa campagne
- Il a donc participé à la supercherie consistant à inscrire systématiquement les remboursements à Cohen comme des « frais juridiques » pour son avocat.
Donald Trump peut-il être condamné à une peine de prison ?
La peine maximale pour les accusations correctionnelles pour lesquelles les jurés ont reconnu Trump coupable est de quatre ans d’emprisonnement. La peine sera décidée et imposée par le juge Merchan le 11 juillet prochain. Les jurés ne participent pas du tout à la détermination de la peine. Mais, selon moi, Trump ne sera pas condamné à la prison pour ces accusations.
Ce verdict de culpabilité peut-il avoir un effet sur les chances de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2024 ?
Franchement, qui sait ? Depuis le début de cette affaire, la stabilité de Trump dans les sondages – donné légèrement devant Joe Biden, malgré quatre procédures pénales distinctes – est assez remarquable. Le fait qu’il soit maintenant un « criminel condamné » peut changer la donne, notamment auprès des électeurs qui n’appartiennent pas au noyau dur de ses supporters. Mais, en fait, personne n’en sait rien. On ne sait pas non plus comment Biden compte utiliser cette condamnation dans sa campagne. Pour l’heure, il n’a fait aucun commentaire sur les diverses poursuites lancées contre Trump, dont deux sont menées par le ministère fédéral de la Justice qui lui est subordonné. Une condamnation dans cette affaire, par un procureur de l’État agissant indépendamment du gouvernement fédéral que Biden dirige, peut lui offrir l’occasion de lancer une nouvelle attaque contre Trump.
Il est important de souligner que ce procès n’est qu’un des nombreux événements judiciaires impliquant Donald Trump et qui vont continuer à faire la Une de l’actualité. Cela inclut trois autres poursuites contre Trump (respectivement devant des tribunaux fédéraux à Washington DC et en Floride, et devant un tribunal de l’État de Géorgie), ainsi qu’un appel dans cette affaire, dont aucune ne sera probablement achevée avant l’élection. Une autre poursuite pénale est en cours dans l’État de l’Arizona où Trump est accusé d’avoir collaboré avec Rudy Giuliani et d’autres personnes accusées d’avoir violé les lois de l’État relatives à l’élection de 2020. Autrement dit, même si le statut de « criminel condamné », pour un ancien Président des Etats-Unis, est historique, il ne s’agit là que d’un événement parmi beaucoup d’autres, qui ne peut avoir à lui seul un effet certain sur l’élection.