Coronavirus : le point de vue des entreprises sur les mesures fiscales exceptionnelles de soutien aux entreprises
Par Marie-Pascale Antoni, directrice des affaires fiscales du MEDEF.
Par Marie-Pascale Antoni, directrice des affaires fiscales du MEDEF
En réponse à la crise économique conséquence de la crise sanitaire du COVID-19, le gouvernement a réagi dès le 12 mars en annonçant des reports de charges fiscales et sociales et la mise en place d’une garantie pour les prêts bancaires à hauteur de 300 milliards d’euros. Il a ainsi réagi face à l’urgence de préserver la trésorerie des entreprises dont l’activité s’est en grande partie arrêtée.
Faisant preuve d’une exceptionnelle réactivité, la DGFiP a immédiatement mis en œuvre les mesures d’urgence, a informé les entreprises des modalités leur permettant d’en bénéficier et a mis son réseau au service des entreprises.
Malgré cette importante mobilisation, il reste chez les chefs d’entreprises de fortes interrogations qui pour le moment n’ont pas de réponse.
Les premières mesures, décidées par le gouvernement, reposent sur des modalités simples et de mises en œuvre faciles
Concrètement ces mesures permettent de reporter le paiement de toutes les échéances d’impôts directs du mois de mars : IS, taxes sur les salaires, mensualités de CFE, etc.
Quasiment dès le 13 mars, nous avons constaté la mobilisation des agents de la DGFiP pour soutenir les entreprises et mettre en œuvre les mesures décidées par le ministre.
En premier lieu, il faut saluer la simplicité des formalités à effectuer pour obtenir les reports d’impôts : un formulaire simple et une procédure rapide ont permis à toutes les entreprises en difficulté de bénéficier très rapidement de ces reports.
Ainsi, les entreprises qui devaient payer le 16 mars l’acompte IS ont été immédiatement autorisées à stopper le prélèvement et celles qui l’avaient déjà acquitté, ont pu immédiatement en demander le remboursement.
Près de 30 000 entreprises ont, d’ores et déjà, demandé à bénéficier de ces reports de charges fiscales et sociales.
Parallèlement, la DGFIP a également décidé d’accélérer les remboursements de crédits d’impôts arrivés à échéance tels le CICE et le CIR
Là encore, la procédure est simple et les entreprises peuvent se faire rembourser ces crédits avant même le dépôt de leur liasse fiscale. Sur le terrain, nous constatons non seulement que les agents des finances publiques sont mobilisés pour effectuer très rapidement le remboursement des entreprises, mais aussi que certains services ont pris l’initiative de proposer spontanément aux entreprises ce remboursement accéléré de leurs crédits d’impôts.
Ces reports de paiement d’impôts direct et remboursements accélérés ne sont soumis à aucune justification a priori
Il faut souligner que les reports de paiement d’impôts directs comme les remboursements accélérés, ne sont soumis à aucune justification. Cela participe réellement à l’efficacité des dispositifs. Cela étant, ces dispositifs sont destinés aux entreprises en difficultés, et celles qui peuvent faire face aux échéances sans faire appel à l’aide de l’État, n’ont pas vocation à les utiliser.
Il faut également noter la suspension des contrôles fiscaux
Pour compléter la description de ces mesures d’urgence, il faut noter la suspension de fait des contrôles fiscaux puisqu’il a été décidé qu’aucun contrôle ne serait lancé pendant la crise sanitaire et qu’aucun acte de procédure ne serait adressé. Ceci ne s’oppose pas à la possibilité de la poursuite des contrôles lorsque les deux parties le souhaitent et le peuvent.
Un problème particulier se pose pour la TVA
Les reports d’impôts ne concernent que les impôts directs, les pouvoirs publics considérant que, s’agissant d’un impôt collecté par les entreprises, son paiement ne pouvait être reporté. En effet, il n’est pas possible d’obtenir le report de paiement de la TVA puisque, en théorie, la TVA, due par l’entreprise, a été encaissée lors de ses ventes. Toutefois, un problème se pose quand il y a décalage entre la facturation, génératrice de la dette fiscale, et l’encaissement. Cette situation est aujourd’hui extrêmement fréquente.
Le ministre de l’action et des comptes publics a, indiqué que lorsqu’une entreprise n’a pas été encore payée par ses fournisseurs et n’a donc pas encaissé la TVA, la DGFiP pourrait, au cas par cas, accorder des délais de paiement.
À court terme, il faut donc absolument, pour la survie de nombreuses entreprises, que les pouvoirs acceptent de mettre en place un dispositif pour également alléger la TVA. Par exemple, autoriser les entreprises à ne payer qu’un montant de TVA forfaitaire en fonction de leur niveau d’activité et de reporter le paiement du solde. Nous en discutons avec la DGFIP.
Ces mesures, très bienvenues, seront-elles suffisantes ?
Si les mesures détaillées ci-dessous permettent de faire face aux problèmes immédiats de trésorerie, ce ne sont pas des réponses à la baisse générale de l’activité. Les annulations de commandes, les difficultés d’approvisionnement et les non-paiements des factures par les clients, eux-mêmes très pénalisés par la situation de blocage intégral de l’économie placent les entreprises, qui continuent à avoir des charges dans des situations économiques très problématiques.
À notre sens, il faudra aller plus loin et accorder des remises. De très nombreuses entreprises vont subir à partir du mois de mars une baisse drastique de leurs chiffres d’affaires. L’urgence sera donc pour elles de payer leurs salariés, leurs fournisseurs et leurs charges fixes, notamment les loyers.
En ces moments de grandes difficultés, il faut alléger les contraintes des entreprises, notamment en matière déclarative
Au-delà des difficultés de trésorerie qui mobilisent toutes les forces des entreprises, celles-ci font face à d’importantes difficultés organisationnelles. Les services administratifs des entreprises, services comptables et fiscaux s’il y en a, services informatiques, ne fonctionnent pas dans des conditions normales : absence de nombreux salariés, difficultés de mise en place du télétravail alors que peu d’entreprises le pratiquaient jusqu’à présent… Ces contraintes organisationnelles ont un impact direct sur la capacité des entreprises à respecter leurs prochaines obligations déclaratives. La crise va se prolonger encore un ou deux mois minima. Et quand elle sera terminée, il faudra un temps long pour un retour à un fonctionnement normal.
Il est donc indispensable que l’Administration reporte les échéances déclaratives et de paiement des mois d’avril et mai et en fasse l’annonce le plus rapidement possible.
D’ores et déjà l’Administration a accepté de reporter la date de dépôt de la liasse fiscale au 31 mai, ce qui sera encore très insuffisant pour certaines entreprises et/ou pour leurs prestataires de services. Les autres obligations déclaratives d’avril et mai doivent être également reportées et notamment les dates de dépôt de la DAS2 (30 avril), de la CFE et de la CVAE (5 mai), la C3S, (15 mai), et les déclarations de TVA.
Ces décisions doivent être annoncées dès maintenant.
Mais, au-delà de ces mesures conjoncturelles, il faut d’ores et déjà réfléchir à l’après crise
Pour relancer les entreprises, il sera indispensable d’avoir un plan de relance de grande envergure qui ne se limite pas à des mesures économiques. Il faudra également un volet fiscal très volontaire.
Pour se relancer, les entreprises vont encore avoir besoin de trésorerie.
Il faut, dès maintenant, envisager l’anticipation de remboursement des crédits d’impôts non encore remboursables, notamment CIR et CICE et de la créance de carry-back, comme cela avait été fait après la crise de 2008 pour donner aux entreprises une nouvelle capacité d’investissement. De même, faudra-t-il réfléchir à un dispositif d’accélération des amortissements des nouveaux investissements.
Pour aller plus loin et soutenir dans la durée les entreprises dont la situation se sera fortement dégradée du fait de cette crise, le dispositif de report en arrière des déficits (carry-back) pourrait également être revu en autorisant le report du déficit sur les trois exercices précédents au lieu d’un seul et en augmentant le plafond qui aujourd’hui n’est que d’un million.
N’est-ce pas l’occasion de s’atteler aux problèmes structurels de la fiscalité française ?
Sur un plan plus structurel, il faudrait enfin réformer notre système fiscal pour aller vers une fiscalité plus favorable à la production en France et pour cela, relancer les réflexions pour diminuer la taxation excessive des facteurs de production. La France se caractérise en effet par de nombreux impôts sur les facteurs sur la production dont l’assiette (foncier, salaires, chiffre d’affaires, etc.) n’a aucun rapport avec leur rentabilité. Ces impôts dégradent la compétitivité des entreprises en réduisant leurs marges par rapport à leurs concurrentes et obèrent leur capacité d’investissement et de développement. Si l’on veut que nos entreprises puissent redémarrer après la crise, il faudra impérativement réduire le nombre et le poids de ces impôts.
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