Que va changer la reconnaissance par les États occidentaux de l’État de Palestine ?
Le 22 septembre 2025, la France a officiellement reconnu l'État de Palestine en marge de la 80ème Assemblée générale des Nations Unies. D'autres États occidentaux ont également annoncé franchir ce pas, à la même occasion ou dans les jours qui l'ont précédé. Quels sont les effets de celle reconnaissance ?
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Par Anne Lagerwall, Professeure à la Faculté de droit de l’ULB
Quels sont les effets de la reconnaissance de la Palestine pour ces États ?
La reconnaissance est l’acte par lequel un État entérine officiellement l’existence d’un autre État et décide que leurs rapports seront dorénavant gouvernés par cette reconnaissance. Dans une résolution adoptée en 1936, l’Institut de droit international – une association doctrinale composée d’experts du droit international particulièrement qualifiés – soulignait qu’à travers cet acte, les États manifestent leur volonté de considérer l’État reconnu comme un « membre de la Communauté internationale ». Il s’agit là d’un acte discrétionnaire. En droit international, rien n’oblige en effet un État à en reconnaître un autre.
Cette reconnaissance permettra d’approfondir les relations politiques, économiques, sociales ou culturelles entretenues avec la Palestine, en nouant notamment des relations diplomatiques qui pourront se matérialiser par l’ouverture d’ambassades et l’échange d’ambassadeurs ou d’ambassadrices. Certains États y compris la France ont toutefois précisé que cela ne serait possible qu’après que les 48 otages israéliens encore détenus par le Hamas soient libérés.
En reconnaissant la Palestine, les États espèrent surtout relancer le processus de paix au point mort depuis des décennies. A leurs yeux, seul ce processus est à même de faire advenir la « solution à deux États » impliquant la coexistence d’un État israélien et d’un État palestinien, une solution proposée dès 1947 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ces reconnaissances peuvent ainsi s’expliquer par une initiative de la France et de l’Arabie Saoudite soutenue par une vingtaine d’États pour instaurer la paix, la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient. Réunis à New York en juillet dernier, ces Etats ont adopté une déclaration qui formule une série de mesures à prendre par toutes les parties concernées, en soulignant notamment que la reconnaissance de l’État de Palestine était « une composante essentielle et indispensable de la réalisation de la solution des deux États ».
Quels sont les effets de cette reconnaissance pour la Palestine ?
La Palestine a déclaré son indépendance en 1988 et a été reconnue depuis par la quasi-totalité des Etats d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie. Seuls les États occidentaux se montraient encore peu enclins voire opposés à franchir ce pas, à quelques exceptions près. Avec les reconnaissances annoncées par des États comme l’Australie, Andorre, la Belgique, le Canada, le Luxembourg, Malte, Monaco, le Portugal, le Royaume-Uni ou Saint-Marin, cette position traditionnelle est remise en cause. La Palestine est à présent reconnue par près de 160 États parmi les 193 États qui existent dans le monde.
Ces reconnaissances ne sont pas des conditions pour que l’État de Palestine existe. Mais elles participent à rendre cette qualité étatique de plus en plus incontestable. Rappelons que depuis des années, la Palestine ratifie des traités, notamment dans le domaine des droits humains. La Palestine reconnaît la compétence des cours et des tribunaux internationaux, y compris de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale. La Palestine participe aux réunions des organisations internationales, notamment aux Nations Unies où elle s’est vu octroyer dès 2012 la qualité d’État observateur avec le soutien de la France. En 2024, l’Assemblée générale a constaté que « l’État de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre de l’Organisation des Nations Unies conformément à l’article 4 de la Charte des Nations Unies et devrait donc être admis à l’Organisation », avec le vote affirmatif de la France. Soulignons que l’admission de la Palestine comme membre à part entière des Nations Unies suppose l’accord du Conseil de sécurité au sein duquel les Etats-Unis exercent pour le moment leur droit de veto à ce sujet.
Ces reconnaissances de la Palestine contribuent-elles à la paix au Moyen-Orient ?
En reconnaissant la Palestine, ces États occidentaux renforcent sa position sur la scène internationale et lui offrent formellement un statut égal à celui de l’État d’Israël qu’ils ont déjà reconnu il y a longtemps. A titre d’exemple, la France a reconnu Israël le 24 janvier 1949. Ces reconnaissances peuvent être comprises comme des soutiens à la Palestine qui pourraient compter dans le cadre de négociations menées à l’avenir pour résoudre le conflit israélo-palestinien. En ce sens, elles sont bien davantage que des actes symboliques.
Cela étant, les déclarations de reconnaissance ne permettront pas à elles seules de garantir la reprise du processus de paix. A cette fin, des mesures plus concrètes devraient être adoptées en conformité avec la Charte des Nations Unies. Si le droit international n’impose à aucun État de reconnaître la Palestine, il oblige par contre les États à ne pas reconnaître les faits accomplis imposés en violation du droit international. En particulier, les États se doivent de « ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé » et « de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence illicite d’Israël » dans ce territoire, comme la Cour internationale de justice l’a rappelé dans son avis consultatif du 19 juillet 2024. L’Assemblée générale a considéré depuis que ces obligations impliquaient pour les États de prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui facilitent le maintien de l’occupation israélienne du territoire palestinien et des colonies de peuplement. Des mesures autrement plus concrètes que des déclarations de reconnaissance…