Quel sera le statut de Nicolas Sarkozy en prison et quelles sont ses perspectives de libération ?
Condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a été convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier afin de fixer les modalités de son incarcération, prévue pour le 21 octobre à la maison d’arrêt de la Santé, à Paris. Cette incarcération soulève la question de son statut carcéral et de ses possibilités de libération avant son jugement en appel.
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Par Francis Habouzit, Maître de conférences à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Lors de son incarcération, quel sera le statut de Nicolas Sarkozy en prison ?
Conformément à l’article 708 du Code de procédure pénale, une peine ne peut être mise à exécution que si la condamnation est définitive. Le principe est en effet de surseoir à l’exécution de la peine tant que la décision sur l’action publique n’a pas force de chose jugée, et ce, en raison de l’effet suspensif des voies de recours. Autrement dit, la peine prononcée ne devient exécutoire que lorsqu’il n’y a plus de voie de recours ordinaire possible contre la condamnation. Cependant, l’exécution provisoire de la peine privative de liberté peut être ordonnée par la juridiction de jugement en décernant un mandat de dépôt. Combiné au jugement de condamnation, cet ordre donné au chef d’établissement pénitentiaire de recevoir et détenir la personne constitue le titre de détention sur le fondement duquel elle peut être incarcérée dans la limite de la durée de la peine prononcée en première instance (art. 471 du CPP). Elle ne perd pas pour autant son statut de prévenu et donc le bénéfice du régime d’incarcération de la détention provisoire. C’est la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy pourra bénéficier d’une visite de ses proches au moins trois fois par semaine, contrairement aux personnes définitivement condamnées qui ne profitent d’un tel parloir qu’au moins une fois par semaine. L’intérêt principal de ce statut réside toutefois ailleurs.
À l’instar d’une personne mise en examen, Nicolas Sarkozy peut-il effectuer une demande de mise en liberté ?
Dans l’attente d’une condamnation définitive, la personne incarcérée sur le fondement d’un mandat de dépôt demeure présumée innocente et se trouve incarcérée sur le régime de la détention provisoire. Elle bénéficie dans ces conditions d’une possibilité de demander à la juridiction de jugement saisie sa mise en liberté à tout moment de son incarcération (art. 148-1 du CPP). La Cour d’appel de Paris aura alors un délai légal de deux mois pour statuer sur cette demande et sur les sollicitations ultérieures dans la limite où une précédente demande n’est pas pendante devant la juridiction, sans quoi le délai pour se prononcer ne court qu’à compter de la date de cette décision (al., art. 148-2 du CPP). Dans tous les cas, la juridiction saisie devra vérifier le maintien de la pertinence de l’incarcération au regard des critères de la détention provisoire dont dispose l’article 144 du Code de procédure pénale. L’incarcération d’une personne présumée innocente n’est admise qu’en dernier recours: elle doit être l’unique moyen de parvenir à un ou plusieurs des objectifs listés par cette disposition, comme mettre fin à l’infraction et prévenir son renouvellement. Par ailleurs, dans l’éventualité où les juges d’appel échoueraient à statuer dans le délai imparti par la loi, la personne détenue devrait être remise en liberté (al. 3, art. 148-2 du CPP).
À l’instar d’une personne condamnée définitivement, Nicolas Sarkozy peut-il demander une mesure d’individualisation de sa peine ?
Comme évoqué, en raison de sa qualité de prévenu en instance d’appel, Nicolas Sarkozy sera incarcéré sous le régime de la détention provisoire. L’absence de caractère exécutoire de sa peine ne le prive pas pour autant du bénéfice des procédures de modulation de la peine. Effectivement, l’article 707-5 du Code de procédure pénale dispose, qu’« en cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, les peines privatives de liberté peuvent être immédiatement aménagées, […] sans attendre que la condamnation soit exécutoire ». Condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme, Nicolas Sarkozy ne pourra en l’état solliciter qu’une libération conditionnelle lors de son incarcération. Cette mesure d’individualisation judiciaire sursoit à l’exécution du quantum de peine restant à exécuter, durant une période probatoire à l’expiration de laquelle la libération sera définitive. D’ordinaire, elle est subordonnée à l’accomplissement d’une durée de la peine au moins égale au quantum restant à subir, ainsi qu’à la démonstration d’efforts sérieux de réadaptation sociale et à la justification d’une situation tel l’exercice d’une activité professionnelle (art. 729 du CPP). La loi dispose néanmoins que le juge de l’application des peines pourra prononcer une libération conditionnelle au bénéfice des personnes âgées de plus de 70 ans sans égard à la condition tenant à la durée de la peine et en appréciant des critères d’octroi spécifiques. La juridiction peut dans ces conditions accorder cette mesure « dès lors que l’insertion ou la réinsertion du condamné est assurée, en particulier s’il fait l’objet d’une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l’établissement pénitentiaire ou s’il justifie d’un hébergement, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public ».
En contrepartie de l’exception faite au principe de l’effet suspensif de l’appel, les personnes ayant fait l’objet d’un mandat de dépôt lors de leur condamnation en première instance bénéficient ainsi du meilleur des deux mondes entre le statut de prévenu détenu provisoirement et celui des personnes condamnées exécutant leur peine.