Gérald Darmanin à la Santé — Bruno Cotte : « Il s’agit, bien au-delà de la visite de l’établissement pénitentiaire, d’une visite d’amitié »
La veille de l’incarcération de Nicolas Sarkozy à la prison de la Santé, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait annoncé son intention de lui rendre visite. Il a tenu parole en se rendant sur place le 29 octobre.
Publié le | Modifié le
Par Bruno Cotte, membre de l’Institut, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation et ancien Directeur des affaires civiles et des grâces
La visite du ministre de la Justice à l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy entrait-elle dans le cadre de ses fonctions ?
Un ministre de la Justice peut toujours se rendre dans un établissement pénitentiaire, et c’est même une excellente chose.
Qu’il s’y rende pour voir dans quelles conditions les détenus sont hébergés, pour constater la surpopulation dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les prévenus provisoirement détenus en attente de leur procès, c’est une très bonne chose. La plupart du temps, ces visites sont aussi l’occasion de rencontrer le personnel de direction, les représentants syndicaux et les surveillants pénitentiaires, afin de s’assurer de leurs conditions de travail.
Est-ce qu’à cette occasion les ministres se rendent dans des cellules individuelles ? Je pense que rien ne s’y oppose, mais je ne suis pas certain que ce soit la règle. Quant au choix des détenus qui pourraient être visités, je doute que ce soit le ministre de la Justice qui l’opère.
Dans le cas présent, le garde des Sceaux a manifestement souhaité s’entretenir avec un détenu en particulier, qui, rappelons-le, a été condamné en première instance pour des faits commis lorsqu’il était ministre de l’Intérieur et potentiel candidat à l’élection présidentielle.
Toutefois, était-ce une bonne idée ? Je n’en suis pas du tout certain.
Le procureur général près la Cour de cassation Rémy Heitz avait déclaré qu’« une visite du ministre de la Justice à Nicolas Sarkozy en prison pourrait porter « atteinte à l’indépendance des magistrats »
Il est difficile de ne pas interpréter cette visite comme une manifestation, sans doute, d’amitié, d’intérêt, mais aussi comme une marque de soutien, sur la neutralité de laquelle on peut s’interroger.
Pour autant, je ne suis pas certain que cette visite soit de nature à porter atteinte à l’indépendance des magistrats appelés à juger en appel. Je les pense au-dessus de tout cela. Il ne s’agit bien sûr là que d’un sentiment personnel.
La visite se serait déroulée en présence du directeur de l’établissement et aurait duré environ trois quarts d’heure, ce qui peut paraître long s’il ne s’agissait que de vérifier que le détenu était traité dans des conditions de sécurité optimales.
Il s’agit donc, bien au-delà de la visite de l’établissement pénitentiaire, d’une visite d’amitié, effectuée hors parloir. C’est une situation inhabituelle et, sans doute, a-t-on toujours intérêt, dans des situations inhabituelles, voire extraordinaires, à adopter la solution la plus classique et la plus habituelle qui soit.