Condamnation de Nicolas Sarkozy : quelles seront les conditions de détention de l’ancien chef d’Etat ?
Condamné à cinq ans d'emprisonnement ferme dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy est convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier, qui décidera alors des modalités de son incarcération.
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Par Jean-Paul Céré, Professeur à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, Directeur du centre de recherche sur la justice pénale et pénitentiaire (CRJ2P/IFTJ)
Quelles conditions de détention pour Nicolas Sarkozy ?
Parce qu’il a été condamné à une peine d’emprisonnement ferme de 5 ans pour association de malfaiteurs avec mandat de dépôt différé à exécution provisoire, Nicolas Sarkozy va être convoqué très prochainement par le parquet financier pour déterminer la date de son incarcération. Ayant interjeté appel de sa condamnation, cette dernière n’est donc pas définitive et il sera orienté dès lors vers une maison d’arrêt. Le choix de l’établissement pénitentiaire reviendra à l’administration pénitentiaire mais il est fort probable qu’il soit incarcéré à la prison de la santé, qui dispose d’un quartier pour les personnes vulnérables. D’aucuns le dénomment le quartier VIP, sans doute parce qu’il a pu accueillir des personnes médiatiques. A son arrivée, comme tous les détenus, il devra passer par le greffe, subir une fouille, remettre ses effets personnels et passer par le quartier arrivant durant quelques jours pour une période d’observation qui sert également à rencontrer divers intervenants (médecin, directeur…).
Il disposera d’une cellule individuelle de 9m2 environ avec un petit lit, une douche, des toilettes, une petite table, une plaque chauffante et des rangements ouverts. Il pourra disposer également d’un réfrigérateur et d’une télévision, sous réserve de payer une redevance. De même, il pourra selon l’expression consacrée « cantiner » et acheter des produits d’hygiène, de la nourriture supplémentaire…
Il pourra également bénéficier de deux promenades quotidienne -non obligatoires- dans une cour isolée et sera accompagné d’un personnel de surveillance dans tous ses déplacements à l’intérieur de la prison. S’il le souhaite, il pourra rencontrer un aumônier et faire une demande de permis de visite pour ses proches. Etant toujours considéré comme prévenu du fait de son appel, il pourra dès lors bénéficier de trois parloirs par semaine.
Nicolas Sarkozy bénéficiera-t-il de conditions de détention dérogatoires ?
Les conditions de détention de Nicolas Sarkozy sont prévues par les articles R. 213-18 et suivants du code pénitentiaire. Il ne saurait s’agir de conditions de détention dérogatoires au droit commun mais un régime spécial qui se justifie pour des raisons de protection ou de sécurité. Certains détenus doivent être nécessairement isolés du restant de la population carcérale au regard du risque qu’ils présentent pour l’ordre et la sécurité ou par mesure de protection pour eux-mêmes. Il est habituel d’isoler certains profils en raison de leur passé pénal (violeurs), de leur notoriété ou encore de leur ancienne profession (policier, personnel pénitentiaire…). Il parait évident de ne pas les mêler au reste de la détention.
Ce régime n’est ni de faveur ni disciplinaire. C’est pourquoi le code pénitentiaire précise que la personne détenue conserve « ses droits à l’information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique, à l’exercice du culte et à l’utilisation de son compte nominatif » et que l’ameublement est identique à celui des autres cellules ordinaires. D’ailleurs, les personnes placées au quartier d’isolement peuvent croiser les autres personnes détenues au sein du même quartier d’isolement avec des profils compatibles, voire participer à des activités communes sur autorisation du chef d’établissement. Mais compte tenu de son statut d’ancien président, on peut légitimement estimer que des aménagements en termes de sécurité seront initiés, avec une surveillance renforcée.
Le seul avantage que l’on pourrait saisir dans le régime de détention de Nicola Sarkozy est qu’il se trouvera seul en cellule et ne connaîtra donc pas les conditions de détention subies par des milliers de détenus, en raison de la surpopulation carcérale régnante (84 177 détenus pour 62 348 places opérationnelles). Il ne dormira donc pas par terre sur un matelas au sol dans une cellule de taille équivalente occupée par 2 ou 3 détenus (5 543 matelas au sol, source Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée au 1er août 2025). Mais il s’agit du lot commun de tous les détenus placés au quartier d’isolement.
Pourra-t-il bénéficier d’un aménagement de peine ?
Il existe tout un panel de mesures d’aménagement de peine dans le code de procédure pénale (réduction de peine, libération sous contrainte, libération conditionnelle…). Toutefois la plupart ne peuvent s’appliquer dans l’immédiat compte tenu du quantum de cinq ans prononcé par le tribunal correctionnel. On aurait pu songer à l’article 729 du code de procédure pénale qui autorise le principe d’une libération conditionnelle pour les condamnés âgés de plus de soixante-dix ans. Mais, en faisant appel, Nicolas Sarkozy n’est pas définitivement condamné et reste donc sous le statut de prévenu. Or cet article ne s’applique qu’aux personnes condamnées. On aurait pu penser aussi à l’article 707-5 du code de procédure pénale qui permet l’aménagement d’une peine sans attendre que la peine soit exécutoire, sous réserve du droit d’appel suspensif du ministère public. Les juges d’application des peines peuvent utiliser ce texte durant le délai pour interjeter appel principalement pour octroyer des permissions de sortir en cas d’urgence (assister aux obsèques d’un proche). Mais, là encore, la solution ne semble pas exploitable dans la mesure où le texte ne précise pas s’il reste applicable en cas d’appel formé.
Il reste donc à Nicolas Sarkozy à solliciter une demande de remise en liberté classique devant la chambre des appels correctionnels qui devra répondre à la question de savoir si le maintien en détention constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs prévus par l’article 144 du code de procédure pénale et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique (not. conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ; empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ; mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement).