Par Édouard Verny, professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas

Pourquoi fallait-il attendre, pour contester sa détention, qu’il soit incarcéré ?

En principe, une peine ne peut être exécutée qu’après condamnation définitive (art. 708 du CPP). Mais le tribunal correctionnel a, en l’occurrence, assorti son jugement de condamnation d’un mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire : le condamné se trouve dès lors dans l’attente de son incarcération inévitable. La privation de liberté ne peut être immédiatement contestée car il convient alors d’attendre l’incarcération effective. Cette situation repose sur un constat apparemment simple : on ne peut demander une remise en liberté tant que l’on n’en est pas encore privé. Mais il ne faudrait pas alors que la personne concernée soit trop longtemps dans l’impossibilité (car dans l’attente d’être incarcérée) du droit de saisir un juge. Elle doit être convoquée dans un délai ne pouvant excéder un mois devant le procureur de la République et ensuite son incarcération doit intervenir dans les quatre mois (art. D. 45-2-3 et D. 45-2-4 du CPP). En l’occurrence, le jugement a été rendu le 25 septembre, le parquet a notifié au condamné le 13 octobre la date de son incarcération, donc fixée au 21 octobre : dès lors, peut aussitôt être demandée (ce sera certainement le cas) une remise en liberté.

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Quels sont les critères d’une remise en liberté ?

Une personne incarcérée à ce stade de la procédure se trouve en détention provisoire ; elle est toujours présumée innocente. Tout prévenu incarcéré peut demander sa remise en liberté (art. 148-1 du CPP). Les motifs de la détention provisoire sont ceux de l’article 144 du Code de procédure pénale : il doit s’agir de l’unique moyen de conserver des preuves ou indices matériels, d’empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille, d’empêcher une concertation frauduleuse, de protéger la personne détenue, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement. Une seule des raisons précitées suffit. La détention provisoire peut être remplacée par un placement sous contrôle judiciaire ou par une assignation à résidence avec surveillance électronique qui sont, par rapport à la détention provisoire, des mesures à privilégier.

Selon le jugement de condamnation, l’exécution provisoire du mandat de dépôt à effet différé était indispensable pour garantir l’effectivité de la peine au regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction. Mais le maintien en détention provisoire repose sur d’autres motifs et il ne peut être fondé, en matière correctionnelle, sur la nécessité de mettre fin au trouble à l’ordre public. Une remise en liberté ne contredirait pas le jugement rendu (du moins, pas d’un point de vue juridique).

Quel est le délai prévisible pour obtenir une décision ?

S’agissant d’une personne en instance d’appel, la cour statuera dans les deux mois de la demande : faute de décision dans ce délai, il serait mis fin à la détention provisoire (art. 148-2 du CPP). Il semble probable que l’audience se déroule à une date assez proche. Dans cette même affaire et selon les informations disponibles dans la presse, les demandes de remise en liberté formées par Wahib Nacer et Alexandre Djouhri, qui ont fait l’objet d’un mandat de dépôt à l’audience et qui ont donc déjà pu agir, seront examinées les 27 octobre et 3 novembre. C’est à la juridiction saisie de l’appel – en l’occurrence la Cour d’appel de Paris – qu’il reviendra de statuer sur la demande de remise en liberté. Elle se prononcera après audition du ministère public, du prévenu ou de son avocat. En pratique, la décision est très souvent rendue le jour même de l’audience ou dans les 48 heures. La demande de remise en liberté pourrait, le cas échéant, être renouvelée.